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Algiers : shake, shook, shaken

Quelques jours avant la sortie de leur quatrième album, Franklin Fisher et ses camarades d’Algiers sont passés par le Botanique. Ils en ont profité pour présenter des extraits de « Shook » que les aficionados ont même pu se procurer en primeur au stand merchandising après le concert.

La soirée débutera toutefois dans une ambiance solennelle avec les Brugeois de The Christian Club en formule simplifiée (duo au lieu de quatuor). Une guitare et un violoncelle formeront donc l’ossature d’un set pour le moins sombre et sinistre, sentiment accentué par une voix caverneuse au phrasé parlé pour le moins flippant. On pense aux atmosphères glaciales et rigides des premiers I Like Trains mais aussi aux récentes incursions introspectives dans le monde parallèle de Grian Chatten, le leader de Fontaines D.C.

S’ils se produisent délibérément dans la pénombre, c’est peut-être pour encourager le public à se concentrer sur leurs compositions hypnotiques et retenues, rehaussées par des instruments diablement complémentaires. Quant aux entêtantes parties enlevées d’un titre comme « L’appel du Vide » par exemple, ils démontrent la multitude de facettes à leur disposition. Pour preuve, ils se produiront prochainement en support de Brutus et de The Haunted Youth, deux formations aux univers pour le moins antagonistes.

Fait aussi cocasse qu’exceptionnel, Algiers est l’un des rares groupes à avoir publié et promotionné un album en 2020. Pour rappel, leur troisième plaque au titre prophétique (« There Is No Year ») est sorti le 17 janvier et ils l’ont défendu à la Rotonde le 12 février, soit peu avant le lockdown dû au Covid. Trois ans et trois jours plus tard, les revoici dans la mythique salle du Bota, la suite de leurs aventures discographiques sous le bras.

« Shook » n’arrivera dans les bacs que le 24 février mais constituera néanmoins le plat principal de la soirée. À commencer par deux des titres avant-coureurs balancés sans retenue après un balayage sonore de la bande FM, « Irreversible Damage » et « 73% ». Deux bombes sans nom qui mettront la soirée sur orbite, avec la présence virtuelle de Zach de la Rocha sur le premier nommé. Le furieux leader de Rage Against The Machine est l’un des invités prestigieux sur ce nouvel album qui n’en manque pas. Citons Samuel T. Herring (Future Islands), Jae Matthews (Boy Harscher) et Lee Bains III mais aussi des figures urbaines telles que Backxwash, Billy Woods et Big Rube.

Et c’est bien cette vibe hip hop sur beats vintage qui rend ces nouvelles compositions surprenantes. Un boost revigorant qui a redonné envie et énergie à un groupe visiblement au bord de l’implosion. De l’énergie, Franklin Fisher n’en manque pas, lui qui arpentera la scène sans relâche, s’effeuillant au fur et à mesure du show. Veste en cuir, foulard en guise de couvre-chef et lunettes de soleil ne laisseront bientôt plus place qu’à une chemise généreusement déboutonnée.

À sa droite, Ryan Mahan, lui, semble particulièrement apprécier la nouvelle direction du groupe et, casquette sur le crâne, va se la jouer pile électrique tout en usant et abusant des clichés propres aux rappeurs. À nos yeux, son cinéma ne lui apportera qu’une place sur le podium des bassistes les plus insupportables de ces dernières années, aux côtés de Josh Finerty (Shame) et Alexander Jesson (Palma Violets). Le guitariste Lee Tesche et le batteur Matt Tong se la jouent quant à eux bien plus sages, d’autant que ce dernier reçoit le coup de main d’un confrère de tournée, positionné à ses côtés derrière un kit complet lui aussi.

Une double batterie qui, contrairement à celle de Poliça par exemple, apportera quelques nuances dans un environnement majoritairement soutenu (le frappadingue « A Good Man », « Bite Back » à la sauce Run The Jewels en final du set principal). Mais le groove prendra par moments le dessus, comme sur le consistant « Cold World » (magnifié par l’arabisante voix enregistrée de Nadah El Shazly) ou le prenant « I Can’t Stand It! » aux contours gospel que ne renieraient pas TV On The Radio.

Ceci dit et à bien y réfléchir, ce virement urbain ne constitue pas vraiment une surprise. Il s’agit même du prolongement naturel d’influences sous-jacentes depuis leurs débuts, même si elles se sont surtout développées à partir de « The Underside Of Power » en 2017. Extraits de cet album, les excellentes versions de « Walk Like A Panther » et de « Cry Of The Martyrs », bourrées d’intensité, confirmeront d’ailleurs nos impressions. Une tension que l’on retrouvera également autour d’un puissant « Cleveland » et d’un vindicatif « Old Girl » qui verra le leader se rouler par terre au pied de son piano.

Un piano qu’il n’utilisera, à l’instar de sa guitare, que par à-coups mais qui prendra tout son sens sur l’envoûtant « Losing Is Ours » et surtout sur « Green Iris ». Premier titre des rappels et ultime extrait de « Shook », il verra le groupe emprunter une déconcertante voie free-jazz expérimentale. Dans la foulée, un « The Underside Of Power » sans concession sera notamment caractérisé par la rage de Matt Tong en train de martyriser ses fûts, décuplant du même coup la puissance de l’imparable composition. Quelque chose nous dit qu’ils n’ont pas fini de nous surprendre…

SET-LIST
IRREVERSIBLE DAMAGE
73%
COLD WORLD
WALK LIKE A PANTHER
OUT OF STYLE TRAGEDY
I CAN’T STAND IT!
A GOOD MAN
CLEVELAND
LOSING IS OURS
OLD GIRL
CRY OF THE MARTYRS
DISPOSSESSION
BITE BACK

GREEN IRIS
THE UNDERSIDE OF POWER

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