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Chuck Berry : la mort du rock ‘n’ roll

Il fallait le redouter et le destin s’en est occupé : le plus grand pionnier encore vivant du rock ‘n’ roll, Chuck Berry, a tiré sa révérence le 18 mars dernier pour aller rejoindre ses copains Elvis Presley, Eddie Cochran et Gene Vincent dans le grand paradis du rock. Bon, c’est en tout bien tout honneur puisque ce brave Chuck avait atteint l’âge ultra-vénérable de 90 ans. Il faut bien faire une fin mais quand même, ça fait un sacré pincement au cœur de savoir que celui qui a tout inventé et tout inspiré en matière de rock ne sera désormais plus parmi nous. Chuck Berry était le plateau continental qui soutenait toute la falaise rock et ses nombreuses couches. Pour résumer l’impact du bonhomme sur le patrimoine commun de l’humanité, on rappellera simplement que sa chanson “Johnny B. Goode” a été sélectionnée sur le disque en or qui a été embarqué sur la sonde Voyager I, dérivant dans l’espace depuis 1977 dans le but d’être un jour découverte par des populations extra-terrestres, qui y trouveront à l’intérieur des objets représentatifs de la vie sur Terre et ce disque qui contient un certain nombre de musiques ou bruits terriens. Nul doute que quand les aliens protonucléaires de la planète Delta vont découvrir le rock ‘n’ roll, l’invasion de la Terre va devenir une menace réelle. Bref, si les Beatles étaient plus populaires que le Christ, Chuck Berry était plus populaire que les Beatles.

Berry a eu le mérite historique de faire entrer le blues noir dans la composition du rock ‘n’ roll, qui fut d’abord un genre revendiqué par les Blancs, qui tiraient parti de la musique country et hillbilly pour s’autoproclamer inventeurs du rock ‘n’ roll. Mais c’était compter sans Chuck Berry qui déboula en force vers 1956 pour imposer ses gigantesques chansons “Johnny B. Goode”, “Roll over Beethoven”, “Maybellene”, “Sweet little sixteen” et autre “Little Queenie” et les modeler dans la glaise du blues. Bill Haley et cette gueule d’ange d’Elvis se trouvaient donc remis à leur place dans le partage de la paternité du rock avec les héritiers du blues. De toute façon, histoire de renvoyer tout le monde dos à dos, il suffit de réécouter quelques titres de Blind Lemon Jefferson ou de Memphis Minnie datant des années 1920 pour comprendre que le rock n’ roll était en gestation bien avant les années 50.

Et dans cette cosmogonie rock des premier temps, où l’on trouvait les gentils (Buddy Holly, Ricky Nelson, Wanda Jackson) et les méchants (Eddie Cochran, Gene Vincent, Jerry Lee Lewis), Chuck Berry était assurément le plus agité des vilains petits canards. Coutumier des séjours en taule (être Noir dans les USA des années 50, c’était porter en permanence un uniforme virtuel de prisonnier), Chuck Berry était aussi connu pour recruter sur place les musiciens qui allaient l’accompagner quelques minutes seulement avant ses concerts. Et c’était aussi le créateur de cette fameuse “duck walk”, c’est-à-dire avancer en sautillant, un pied en l’air avec la Gibson ES 335 crachant du binaire à tout casser.

J’ai eu la chance de le voir deux fois en concert et je pense déjà au jour où, vieillard balançant gentiment sur son fauteuil à bascule, je raconterai tout cela à mes petits-enfants, comme ces vieux grognards racontaient à leurs descendants le jour où ils avaient vu passer Napoléon en personne sur son cheval lors de la bataille de Waterloo. Salut Chuck, et merci pour tout ceci.

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