Car Seat Headrest au Bota, un goût de trop peu
En un peu plus d’un an, Will Toledo et son projet Car Seat Headrest sont passés d’un Witloof Bar du Botanique bien garni à une Orangerie pleine à craquer. En conséquence, ce mercredi 15 mars était sans doute la dernière occasion de les voir dans des conditions aussi intimes. D’autant qu’ils n’ont pas fait les choses à moitié en invitant Traams à ouvrir pour eux. Les natifs de Chichester connaissent bien l’Orangerie pour y avoir joué lors des Nuits du Bota en 2014, atteignant par défaut le statut de tête d’affiche suite à la défection tardive de The Julie Ruin. Depuis, ils ont sorti un deuxième album (« Modern Dancing ») et une série de singles sur le dynamique label Fat Cat.
Ce soir, ils mettront un peu de temps avant de trouver leurs marques. Leur début de set hésitant lorgnant vers du… Placebo va quelque peu nous surprendre avant qu’une guitare crasseuse, une batterie hypnotique et une basse particulièrement présente ne remettent les choses dans le droit chemin, le tout guidé par un chanteur à l’inamovible casquette dont la voix conjugue David Byrne et James Murphy (LCD Soundsystem) avec des intonations à la Alec Ounsworth (Clap Your Hands Say Yeah). Finalement, les dix minutes de rabiot par rapport à l’horaire initial ont été pertinentes.
À 23 ans à peine, Will Toledo a déjà enregistré treize albums de Car Seat Headrest, dont une dizaine dans sa chambre et dans sa voiture (d’où le nom du groupe), postés en ligne via Bandcamp. Le gratin de ces compositions réinterprétées se retrouve sur « Teens Of Style », une compilation sortie en 2015 chez Matador. Mais c’est avec « Teens Of Denial » qu’il a réellement explosé l’an dernier. Malgré son inhabituelle longueur (70 minutes), il compte parmi les meilleures plaques de 2016.
Au terme d’une longue intro, c’est d’ailleurs avec les deux premières plages de ce disque qu’il va entamer son set. Un prenant « Fill In The Blank » suivi d’un puissant « Vincent » vont déjà faire office de points culminants de la soirée. Le leader en mode casual (il porte un jeans et un blazer) semble tout à fait dans son élément sur scène. Physiquement, on dirait un croisement entre Rodrigo Beenkens et Jarvis Cocker alors que vocalement, on pense par moments à la voix rauque de Mark Oliver Everett (Eels), surtout lors des passages plus calmes où celle-ci est mise en valeur (« Maud Gone »)
À sa droite, Ethan Ives, le guitariste gaucher, va décocher des riffs dont il a le secret (visiblement, son t-shirt de Fugazi lui donne des idées). Il va ainsi magnifier des titres comme « Unforgiving Girl (She’s Not An) » ou « Sober To Death ». Ceci dit, malgré la bonne volonté du groupe complété par le batteur Andrew Katz et le bassiste Seth Dalby, on a l’impression qu’il manque un truc. Est-ce un semblant d’attitude blasée ou un milieu de set un rien moins captivant, toujours est-il que l’on avait des souvenirs plus vifs des concerts de l’année dernière, au Trix Bar notamment.
« Drunk Drivers / Killer Whales » va tout de même donner un coup de pied dans la fourmilière mais l’interminable « Famous Prophets (Minds) » et ses contours expérimentaux vont les faire retomber dans leurs travers juste après. Heureusement, le mur de guitares dont ils gratifieront « Destroyed By Hippie Powers » va terminer le set principal sur une note nerveuse.
Un note nerveuse qu’ils conserveront pour des rappels constitués d’un seul titre, le curieusement nommé « Connect The Dots (The Saga Of Frank Sinatra) ». Très Clash, il verra le chanteur dans un premier temps abandonner sa guitare pour se concentrer sur des pas de danse saccadés avant de récupérer son instrument pour un final démentiel qui incorpora des parties du « Gloria » de Them (inspirées de la version de Patti Smith). Un final en fanfare, certes, mais une prestation que l’on espérait nettement plus intense…