ArticlesConcerts

Boris, soirée noisy à la Rotonde

Qui aurait imaginé qu’un jour on parlerait de Boris et de « Pink » dans les colonnes de Music in Belgium ? Rassurez-vous, il ne s’agit nullement du type qui animait des soirées disco au camping ni de la nana aux cheveux colorés mais bien du groupe japonais qui célébrait le dixième anniversaire de son album culte à la Rotonde du Botanique ce lundi 12 décembre.

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, c’était à Mongolito qu’avait été confié le soin d’initier les festivités. Parmi les nombreux projets dans lesquels Marc De Backer a prêté sa guitare (Dog Eat Dog, 10.000 Women Men, Mud Flow,…), il s’agit sans doute du plus mystérieux. Et pour cause, il joue assis sous le couvert d’un masque Anonymous et d’un chapeau à la Zorro. Si l’on y ajoute un environnement sombre timidement illuminé par une bougie emboîtée sur le goulot d’une bouteille de vin, on pourrait s’imaginer assister à une séance de magie noire ou à une cérémonie mystique.

Ceci dit, d’un point de vue musical, on ne se trouve pas systématiquement emportés par des parties à la Sunn O))) où les incantations finissent par rendre le cadre pesant. Au contraire, l’utilisation d’une boîte à rythme, la palette de pédales à effets, le son parfait et la limpidité du jeu de guitare du bonhomme nous offrent des variantes qui permettent à la personne voilée à sa droite de laisser exprimer ses bras de manière très sensuelle, bien qu’à genoux. Une expérience curieuse et envoûtante à la fois.

Il y a dix ans sortait la version internationale de « Pink », l’album qui a définitivement lancé Boris hors de leurs frontières japonaises. Les natifs de Tokyo trituraient pourtant leurs guitares depuis le début des années 90 sans rencontrer l’écho que leurs compositions puissantes méritaient (il s’agissait déjà de leur dixième album). Depuis, ils ont continué à enregistrer frénétiquement et à tourner inlassablement autour du monde.

Ce soir, ils s’offraient un trip nostalgie avec un set basé sur cet album charnière. Mais contrairement au Everything Must Go de Manic Street Preachers ou au « 1977 » de Ash eux aussi récemment célébrés, ils ne vont pas le faire de manière carrée. Cela n’aurait de toute façon pas cadré avec la fougue du trio qui montera sur scène au milieu de fumigènes et qui se lancera dans « Blackout », une introduction pleine d’anticipation devant d’impressionnants murs d’amplis que la plage titulaire de la plaque viendra ensuite souffler.

La puissance sonore sera en effet le mot d’ordre ce soir, même s’il convient de nuancer les abords bruts et directs avant de s’attarder sur la richesse de titres qui flirtent autant avec le grunge version Alice In Chains ou Soundgarden des débuts qu’avec le metal (les riffs de « Woman On The Screen »). Sur « Nothing Special », c’est le batteur qui prendra le micro, hurlant littéralement dans celui-ci.

Un début de set tonitruant qui va faire souffler un vent de révolte sur la Rotonde et initier de vigoureux mouvements de foule. Il était impensable de tenir nonante minutes durant à cette cadence et « N.F. Sorrow » (un extrait de la version Deluxe du disque) va nous permettre d’observer de plus près le phénomène. Le chanteur principal, Takeshi, joue d’un double instrument qui lui permet de choisir guitare ou basse en fonction des morceaux. À sa droite, la guitariste Wata semble la plus sage du lot car l’expressif batteur Atsuo (au faciès proche de celui de Michael Jackson circa « Dangerous » et qui joue avec des gants) va lui voler la vedette, et pas seulement avec l’immense gong qui se trouve derrière lui qu’il fera retentir de toutes ses forces à de nombreuses reprises.

La suite du set alternera hymnes noisy (l’excellent « Pseudo-Bread »), guitares crasseuses sur voix grasse (« Talisman ») et même post rock extrême (le final « Farewell »). On assistera également à l’émancipation de la guitariste via un solo de derrière les fagots qui va laisser le public pantois (« Electric »). Un public étonnamment calme entre les morceaux mais qui n’hésitera pas à se bousculer généreusement pendant le très Nirvana « Six, Three Times » ou le kilométrique « Just Abandonned Myself » aux effets stroboscopiques appuyés. Et ce ne sont pas les deux titres du rappel (dont une brutale nouvelle composition) qui allaient calmer la donne. En résumé, Pink is the new black…

Laisser un commentaire

Music In Belgium