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Dour Festival 2016 (Jour 5) : les Pixies en apothéose


Ce n’est pas parce que le Dour Festival dure désormais cinq jours qu’il faut négliger la dernière ligne droite. Au contraire, l’affiche de ce dimanche 17 juillet regorgeait de noms incontournables mais aussi de découvertes au potentiel certain. Il était en tout cas essentiel d’arriver bien à l’heure pour le début du set de Cocaine Piss car, malgré les trente minutes annoncées, l’expérience nous a appris qu’ils en jouent tout au plus la moitié… mais avec deux fois plus d’énergie que leurs pairs. Les Liégeois dont on parle beaucoup et qui tournent assidument dans tous les coins du royaume (et surtout en Flandres) sortiront leur premier album fin septembre. Un album enregistré à Chicago dans les studios du légendaire Steve Albini. Et on comprend pourquoi ce dernier a été séduit par le rock fougueux et sans concession d’un groupe qui sort de l’ordinaire. Par sa charismatique chanteuse tout d’abord, hurleuse petite blonde au regard démoniaque qui passe la moitié du concert dans le public, via les trois musiciens qui développent une rythmique infernale ensuite. Malgré deux titres en rappels, les retardataires n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Quand on vous disait qu’il fallait arriver à temps…


L’année dernière au même moment se produisaient les déjantés Spagguetta Orghasmmond sous le Labo pour un moment de franche rigolade. Ce dimanche, les curieux Why The Eye? allaient faire presqu’aussi bien. Il s’agit de Bruxellois pour le moins originaux puisqu’ils se produisent masqués et jouent exclusivement sur des instruments qu’ils ont fabriqué eux-mêmes à partir de vieux brol. Pour rajouter du fun à l’ensemble, quatre ours géants déambulent dans le public et finiront par se retrouver sur scène pour y effectuer quelques pas de danse. Essentiellement instrumentales (les rares vocaux sont générés par l’entremise d’un cornet de téléphone old school), leurs compositions tribales et expérimentales tiennent la route. Comme quoi, l’originalité et la récup peuvent payer…


Un peu plus loin, sous la Petite Maison dans la Prairie, César Laloux venait défendre le premier album de son projet parallèle Italian Boyfriend. Le percussionniste de BRNS (dont le leader Timothée Philippe officie à la batterie cet après-midi malgré un pied dans le plâtre) se retrouve dans la peau de frontman et il partage les vocaux avec la douce Sarah Riguelle. Si l’on apprécie le côté pop candide à la Moldy Peaches, voire aux débuts de Belle & Sebastian (le mariage des deux voix), on ne peut que regretter le côté (trop) gentil et propret de compositions calibrées.


Retour au Labo pour d’autres énergumènes, Fumaça Preta. Comme leur nom ne l’indique pas, ils sont originaires de Brighton mais leur style psyché tropical saccadé trahit les origines de son chanteur batteur vénézuélien, d’où les intonations hispaniques de sa voix engagée. Sapés de tuniques, ils sont plongés dans une vibe post Woodstock énervée, pour ne pas dire possédée. Encore une découverte improbable made in Dour.

Et on n’était pas encore au bout de nos surprises, même si on connaissait la réputation des furieux suivants à se produire à la Petite Maison dans la Prairie. Ho99o9 (à prononcer Horror) ne sont pas du genre à prendre les choses à la légère et ils vont le prouver avec un show incendiaire rehaussé d’animations vidéo à leur image. Les deux allumés chanteurs (dont un en jupe frou frou bleue) adoptent des voix agressives qui se fondent parfaitement au background extrême. On pense par moments à Die Antwoord en moins dansant mais en tout aussi exubérant. Ou comment se prendre une grosse claque dans la figure en plein après-midi.


Notre seconde visite de la journée sous la Cannibal Stage nous a permis de revoir un groupe qui avait soufflé tout sur son passage en février dernier chez Madame Moustache. Les Californiens de Together Pangea présentent une version des Allah-Las puissance dix avec une pointe d’agressivité typiquement rock ‘n’ roll mais en prenant soin de conserver une accessibilité mélodieuse que l’on retrouve chez les Arctic Monkeys par exemple.

Pas le temps de souffler que les Canadiens de Suuns étaient déjà sur les starting blocks à la Petite Maison dans la Prairie. Il leur faudra tout de même un peu de temps pour se mettre en place, à vrai dire jusqu’à ce que leur logo gonflable se dresse juste avant “2020”. Les quatre Montréalais délibérément confinés sur un espace réduit vont ensuite donner la pleine mesure de leurs moyens. Plus que jamais, on est persuadés que leur troisième album, l’équilibré “Hold/Still” sorti au printemps dernier, leur donne une confiance invincible sur scène alors que jusque-là, il s’agissait de leur point faible. Des titres comme “Powers Of Ten” et “Arena” obtiennent enfin le statut d’hymne qui leur était destiné.


Bref, impossible de quitter avant la fin et par extension, de voir le concert de Slaves, le duo sauvage qui nous avaient impressionnés l’an dernier au Pukkelpop. Heureusement, notre ami photographe a tout de même été prendre un cliché (et quel cliché !) pour la postérité.


Le groupe suivant à se produire sous la Cannibal Stage avait clairement sa place à cet endroit. Les types de The Bronx savent en effet comment inciter une émeute dans le public tout en gardant le contrôle des opérations. Lourd mais pas lourdingue, leurs compositions cachent même un guide mélodieux non négligeable même si ce sont les riffs de guitare, les coups de batterie autoritaires et la voix énervée du chanteur qui s’imposent à l’oreille. Un chanteur aux bras tatoués qui passera pas mal de temps dans le public au milieu des pogos à hurler et à se démener. Bref, tout le monde a pris son pied.


Les Subways deviennent petit à petit les chouchous de Dour puisqu’ils en sont à leur quatrième participation depuis 2005. Le groupe de festival par excellence qui n’a pas son pareil pour mettre le feu malgré des albums de moins en moins convaincants (on a particulièrement été déçus par le dernier en date sorti en 2015). Mais voilà, le leader Billy Lunn, désormais barbu et arborant une longue crinière, parvient à faire passer la musique au second plan via des interventions dont le public raffole. Particulièrement en verve lorsqu’il s’agit de se lancer dans des figures acrobatiques, il n’occulte toutefois pas la sautillante bassiste Charlotte Cooper (qu’on a aperçu au printemps dernier dans le live band de Reverend & The Makers à l’AB avant
The Libertines
), elle aussi très en verve. Et puis, il y a les titres du premier album, l’impeccable “Young For Eternity”, dont on ne se lassera jamais. Ceci dit, on se demande comment ils pourront s’extirper du cul-de-sac dans lequel ils se sont engouffrés.

En tout cas, respect aux organisateurs qui ont réussi un tour de force en attirant les Pixies sur la plaine de la machine à feu. Le timing ne pouvait en effet être mieux choisi. Frank Black et ses compères, véritables têtes d’affiche de la journée (voire du festival) et précurseurs du rock indie US comme on le connaît aujourd’hui, ont récemment annoncé la sortie surprise de leur septième album (“Head Carrier” sera dans les bacs le 3 septembre). L’occasion de découvrir en primeur des extraits de cette future plaque.

Car même s’ils ont débuté avec l’impeccable “Gouge Away”, ils ne vont pas choisir la facilité en présentant un set best of. Au contraire, ils vont même s’adresser aux fans les plus pointus en puisant allègrement dans leur back catalogue sans nécessairement s’arrêter sur les singles (“Dead” et “River Euphrates” en tout début de set auraient pu faire fuir les novices). Bien en place sur scène, les musiciens semblent impliqués et dégainent avec une facilité déconcertante (29 titres au total sur les nonante minutes du set). La bassiste Paz Lenchantin, récemment confirmée en tant que membre des Pixies à part entière (elle avait déjà assuré l’intérim sur la tournée précédente) semble à l’aise dans un rôle qui lui va comme un gant. Discrète mais pas trop, sa voix remplace avantageusement celle de Kim Deal.


Et les nouveaux titres, dans tout cela ? À l’instar du single précurseur au titre étrange (“Um Chagga Lagga”), ils tiennent la route. “Classic Masher” et “Baal’s Back” notamment nous feront piaffer d’impatience jusqu’à la rentrée. Ils ne dépareillent pas aux côté des nombreux classiques qui ont émaillé la set-list : “Monkey Gone To Heaven”, “Velouria” et autre “Where Is My Mind?” pour n’en citer que quelques-uns. “Debaser” terminera leur prestation dans la sueur et le soulagement que la couronne des Pixies n’est pas encore prête de se retrouver sur le marché.

Un final parfait pour une vingt-huitième édition du Dour Festival qui aura, une fois de plus, illuminé un long week-end de juillet. Vivement l’année prochaine !

Photos © 2016 Olivier Bourgi

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