Lokerse Feesten 2014 : Miles Kane et Johnny Marr artisans d’une indie night réussie
Désormais solidement ancrées dans le programme des festivals, les Lokerse Feesten font cette année encore honneur à leur réputation. Un quarantième anniversaire sous le signe de la continuité qui rassemblait notamment sur le Grote Kaai Johnny Marr, Miles Kane et Triggerfinger ce lundi 4 août. C’était aux Limbourgeois de The Sore Losers qu’avait été confié le soin de lancer la soirée à 19h sonnantes. Le quatuor qui a terminé à la seconde place du Humo Rock Rally en 2010 (derrière School Is Cool) a sorti son deuxième opus en février dernier et n’y a pas été par quatre chemins en proposant un set énergique à souhait à défaut d’être subtil, si ce n’est peut-être l’atypique « Gold In Them Hills ».
Les guitares ont toutefois fait leur effet sur des titres comme « Don’t Know Nothing » et « Beyond Repair », nettement moins formatés que sur disque. Un groupe de scène, donc, à revoir à l’AB le 20 décembre pour ce qui sera sans doute l’apothéose de leur année musicale.
Johnny Marr, lui, n’a plus grand-chose à prouver mais continue de relever des défis avec brio. Le dernier en date a été d’enfin enregistrer (si l’on excepte celui avec son groupe The Healers en 2003) son premier album solo, l’excellent « The Messenger ». L’ancien guitariste des Smiths a en effet été un collaborateur de choix depuis la fin de son idylle avec Morrissey il y a plus d’un quart de siècle déjà : The The, Modest Mouse, The Cribs pour ne citer que les principaux alors que le NME lui a décerné le Godlike Genius Award en 2013.
Bref, c’est une véritable légende qui est montée sur scène devant une énorme banderole à son nom. Et ce n’est pas une chemise rose qui allait altérer son aura. Pas plus que ses poses guitare à la main, une Fender Jaguar verte avec laquelle il jouera l’entièreté de son set. Entamé avec « Upstarts », celui-ci va toutefois prendre une direction plus revival qu’il n’y paraît puisque seuls quatre extraits de « The Messenger » seront interprétés (dont le dernier single « New Town Velocity » et « Generate! Generate! » mais en oubliant scandaleusement la plage titulaire et le fantastique « Say Demesne »…). Un peu court pour un artiste qui s’apprête de surcroit à sortir son deuxième album solo à la rentrée (« Playland » sera dans les bacs le 6 octobre).
Ceci dit, les nombreux fans des Smiths présents en ont eu pour leur argent avec des interprétations de « Bigmouth Strikes Again », « How Soon Is Now » ou autre « Stop Me If You Think You’ve Heard This One Before » qui, contrairement à ce que les mauvaises langues ou les puristes pourraient prétendre, tenaient la route, même vocalement. Par rapport à sa prestation du Pukkelpop l’an dernier, « Panic », « Please, Please, Please, Let Me Get What I Want » ainsi que sa version indie du « Getting Away With It » d’Electronic (un autre de ses projets -avec Bernard Sumner– dans les années 90) remplaceront du matériel solo. Et avec « There Is A Light That Never Goes Out », pouvait-on rêver d’un plus beau final ?
Un mois seulement après avoir joué à Werchter, Miles Kane était de retour dans un festival belge. Un Miles Kane désormais barbu, ce qui le rend plus sérieux. Enfin, en apparence seulement car il est toujours le même : attentif à son look (son combiné chemise veston déboutonné et ses lunettes de soleil à la Poncherello feront sensation) et séducteur invétéré. Mais il est malade et le début de sa prestation sera dès lors assez difficile, comme le démontreront des versions assez moyennes de « Inhaler » et « Counting Down The Days ».
Heureusement, son état (et surtout sa voix) vont s’améliorer au fur et à mesure du set et l’énergie restante du bonhomme fera le reste (« Kingcrawler », « Give Up » avec des mesures du « Sympathy For The Devil » des Rolling Stones). À moins que ce ne soit la réaction enthousiaste d’un public inconditionnel ou le soutien-gorge d’une groupie qui atterrira sur scène. Pour la petite histoire, le trophée trônera jusqu’à la fin du concert accroché à un pied de micro.
Ceci dit, comment rester insensible à des bombes pop sixties sucrées comme « Rearrange » et « Don’t Forget Who You Are » qui seront reprises en chœur par des spectateurs conquis. N’omettons pas de mentionner les musiciens aux bouilles de jeunots mais à la dextérité certaine. À ce propos, il convient de donner une mention spéciale au batteur qui va cogner sur ses fûts comme si sa vie en dépendait. Sans surprise, « Come Closer » mettra un terme à un concert que Miles Kane aura eu le mérite d’assurer malgré son état.
Triggerfinger, la tête d’affiche du jour, est sans aucun doute un des meilleurs groupes live belges en activité. Une réputation que le groupe de Lier colporte depuis longtemps mais qui ne s’est transformée en réel succès que depuis 2010 et un troisième album (« All This Dancin’ Around ») mis en boîte dans les célèbres studios Sound City à Los Angeles. Le quatrième, « By Absence Of The Sun », est sorti au printemps et a atteint la première position de l’Ultratop du nord du pays. Une performance qui s’explique aussi par le succès inattendu de leur cover du « I Follow Rivers » de Lykke Li, enregistré presque pour du rire dans le studio d’une radio hollandaise avec des bruitages de tasses et de cuillères à café.
Une cover que les fans invétérés répudient et que le trio malmène depuis (elle sera jouée ce soir avec des bribes du « Jeanny » de Falco dans un allemand parfait). Car Triggerfinger, c’est avant tout un rock ‘n’ roll brut et sans concession exécuté par trois musiciens hors pair. Trois personnalités dont l’association explosive rend l’aventure sur scène palpitante. Il y a d’abord le chanteur guitariste Ruben Block, affublé ce soir d’une tunique pyjama qu’il aurait pu trouver dans la garde-robe de Miles Kane, le batteur Mario Goossens, expressif et explosif à souhait et enfin le charismatique bassiste chauve Monsieur Paul, tout de blanc vêtu.
Ceci dit, la set-list de ce soir sera bizarrement agencée pour un festival comme les Lokerse Feesten. Articulée essentiellement autour du nouvel album avec un décoiffant « Black Panic » d’entrée de jeu, elle va surprendre la majeure partie d’un public habitué jusqu’à ce moment à des compositions plus accessibles. Encore que, « Game » et « By Absence Of The Sun » pourraient sans trop de mal passer en radio tandis que « Perfect Match » va permettre à l’intenable leader de laisser s’exprimer sa guitare une première fois.
Après la fameuse cover dont on parle plus haut, le groupe va rentrer dans un trip qui, même s’il sera parfois drôle (comme lorsque le batteur aura droit à son moment de gloire sur un pourtant interminable « All This Dancin’ Around » ou que le chanteur se retrouvera en train de jouer au caméraman), va dérouter les non-initiés. Ils vont ainsi s’octroyer quelques longueurs qui vont ravir les mélomanes mais taper sur le système des curieux (« My Baby’s Got A Gun » notamment). En revanche, « Let It Ride » et un « Is It » d’une grande intensité vont remettre l’église au milieu du village, avant un rappel (« Big Hole » et « Cherry »), point final de la soirée. Leur concert prévu à Forest National le 6 décembre prochain devrait être à la hauteur de leur réputation.