Alcatraz Metal Fest 2013 : une minute de silence pour Phil
Afin de faire honneur à sa sixième édition, l’Alcatraz Metal Fest s’est évadé du Brielpoort de Deinze où il était enfermé depuis cinq ans pour aller respirer l’air pur du Katho Festivalterrein de Courtrai. Nous sommes le samedi 10 août 2013. Il fait beau (en tout cas, il ne pleut pas, ce qui, pour nous les Belges, veut à peu près dire la même chose). Le parking est aisé, l’accueil sympathique, la scène bien visible, les stands de restauration nombreux et variés, les toilettes gratuites, l’affiche alléchante. Bref, toutes les conditions sont réunies pour que nous puissions passer une excellente journée. Arrivé peu après l’ouverture des portes, je me délecte d’une petite bière matinale en compagnie d’une poignée d’amis fidèles (NDR : le café était hors de prix) en attendant l’arrivée de Fozzy. Formé en 1999 par d’anciens membres du gang Rap Métal américain Stuck Mojo et par la superstar du Catch professionnel Chris Jericho, Fozzy propose un heavy métal catchy aux sonorités modernes. S’il est relativement agréable sur album, Fozzy sur scène, fait penser un Bon Jovi gonflé aux hormones qui aurait avantageusement remplacé les miaulements de la six-cordes de Richie Sambora par les rugissements guitaristiques de Zakk Wylde. Sympathique petit déjeuner, si on l’aime frugal !
Satan, en personne, sur le site de l’Université Catholique de Courtrai, c’est sans doute une première. Nous sommes quelques centaines à avoir eu la chance d’assister, l’année dernière, à la prestation qu’a donnée cette figure légendaire de la N.W.O.B.H.M. dans le cadre intimiste du ‘Ages Of Metal Festival’ d’Oostrozebeke. Depuis lors, Satan a confirmé la validité de son retour sur terre en publiant un nouvel opus (« Life Sentence ») dont la qualité n’est pas loin d’égaler celle de son classique « Court In The Act » de 1983. C’est donc avec un plaisir certain que j’assiste au triomphe de Brian Ross et de son gang sur les planches de l’Alcatraz. Contrairement au concert du Ages Of Metal, dont la setlist était essentiellement axée sur les titres de « Court In The Act », la prestation du jour fait la part belle aux pépites du nouvel album. Bien sur, les classiques ne sont pas oubliés et le public, dont la moyenne d’âge dépasse les quarante ans, se régale au son des fantastiques « Blades Of Steel », « No Turning Back » et autres « Alone In The Dock » sur lesquels Ross démontre qu’il est l’un des vocalistes les plus sous-estimés de la N.W.O.B.H.M. L’un de mes coups de cœur du jour, assurément.
Vicious Rumors est (presque) un habitué du Alcatraz Metal Fest puisqu’il y a déjà joué en 2011. Le vétéran de la ‘Bay Area’ (NDR : ou du moins ce qu’il en reste, puisque seul le guitariste Geoff Thorpe a résisté aux ravages du temps) propose un set en demi-teintes, sans véritables fautes de goût, mais un peu ennuyeux sur la longueur. Les inconditionnels, dont je ne fais pas vraiment partie, semblent pourtant apprécier ce Heavy/Thrash Métal mélodique. Après avoir apprécié durant une bonne demi-heure les descentes de manche de Thorpe et les vocalises agréables de Brian Allen, je me résigne à suivre les invectives d’un estomac ayant beaucoup de difficultés à résister à l’appel du hamburger/frites. Je regarde donc la fin du set, de loin, prisonnier de la longue file qui mène à l’un des alléchants débits de lipides.
Depuis l’année dernière, l’organisation de l’Alcatraz a pris le parti de se contenter d’une seule scène. Si cette pratique va à l’encontre de ce qui se fait dans la plupart des festivals actuels, elle offre au public l’occasion de profiter d’agréables moments de silence dans l’intervalle qui sépare deux prestations et de se retrouver, entre amis, pour tailler le bout de gras dans des conditions optimales. L’intervalle qui sépare la prestation de Vicious Rumors de celle de Death Angel n’a rien de très agréable. C’est ce moment précis qu’à choisi l’organisation pour annoncer le décès de Phil Baheux et l’annulation de la prestation de Channel Zero qui en découle. La chape plombée qui s’abat sur le ‘Katho’ est soulignée par une émouvante minute de silence, suivie d’une respectueuse salve d’applaudissements. Le nom de Phil squattera les lèvres des festivaliers tout au long de la journée. Plus tard Death Angel et Anthrax lui rendront, chacun à leur tour, un poignant hommage.
C’est dans cette ambiance tristounette que Bernie fait son apparition sur le site du Festival. Bien qu’il ignore tout du drame s’est joué avant son arrivée, notre ami photographe affiche sa tête des mauvais jours. Il faut dire qu’en bon keupon, il a passé la soirée d’hier à cracher des glaviots gluants sur une horde de tatoués ‘straight edge’ réunie au Ieper Hardcore Fest afin d’engloutir des burgers végétariens en buvant les paroles de Jello Biafra. Nous comprenons donc que l’idée de se lever à l’aube pour assister à un concert métal lui soit intolérable.
L’Alcatraz commence donc pour notre ami mono-neuronal avec les Filipino-Californiens de Death Angel. Et pour le coup, l’infâme chasseur d’images a eu du flair. Le concert est flamboyant. Mark Osegueda et ses compagnons de route délivrent l’une des meilleures prestations du jour. La setlist, très équilibrée, revisite la quasi-intégralité de la discographie du groupe en s’arrêtant à plusieurs reprises sur les classiques extraits des trois premiers opus. En bonus, Death Angel se fend d’une reprise plutôt musclée du « Heaven And Hell » de Black Sabbath. Contrairement à celle de Vicious Rumors qui était plutôt statique, la prestation de Death Angel est furieusement remuante et les amateurs de slams, pogos et autres circle pits s’en donnent à cœur joie.
Exodus, comme Death Angel, est un vétéran de la scène thrash métal américaine. Toutefois, l’Exodus qui se produit aujourd’hui sur les planches courtraisiennes n’a plus grand-chose à voir avec celui qui, en 1985, avait régurgité l’époustouflant « Bonded By Blood ». Seul Tom Hunting, le batteur/fondateur du groupe, reste fidèle au poste. Bien que faisant toujours officiellement partie d’Exodus, le guitariste Gary Holt n’est pas de la partie ; trop occupé, nous dit-on, à enfiler les chaussures du regretté Jeff Hanneman sur les dernières tournées de Slayer. En attendant son retour, Lee Altus de Heathen assure la guitare, secondé par Kragen Lum, transfuge, lui aussi de chez Heathen. Depuis 2005, les vocaux sont assurés par Rob Dukes, un tatoué aux cheveux courts dont le chant furieux, mais trop typé hardcore, ne rend pas vraiment justice à la folie des titres interprétés jadis par Paul Baloff sur « Bonded By Blood ». Pire, il gâche carrément les deux superbes titres (« Toxic Waltz » et « Fabulous Disaster ») extraits de l’excellent « Fabulous Disaster » de 1989 sur lesquels Steve ‘Zetro’ Souza faisait des merveilles. Si, pour des raisons que vous comprendrez aisément, Bernie trouve cela plutôt bien, je suis, quant à moi, déçu par cette prestation, certes énergique, mais pas franchement respectueuse du glorieux passé d’Exodus.
Dorothee Pesch suit, depuis plus de trente ans, un régime très strict à base de métal lourd, de rock dur (et de formol, probablement) et il faut reconnaitre que pour ses 49 printemps, la blonde Germaine est plutôt bien conservée (NDR : pas autant, cependant, que la photo ‘photoshopée’ qui orne son backdrop voudrait nous le faire croire). Si, en trente ans de carrière, Doro n’a pas perdu beaucoup de sa plastique, elle a beaucoup gagné en expérience. Et, en experte de notre style de prédilection, la grande dame sait que le fan de métal est un nostalgique en puissance. C’est sans doute pour cette raison qu’elle n’hésite pas à axer une bonne moitié de son show sur la discographie classique de Warlock, et ce, même si sa discographie solo (NDR : sous le nom de Doro) est bien plus imposante que celle de son ancien groupe. Difficile donc de résister aux classiques « I Rule The Ruins », « Burning The Witches », « Metal Racer », « All We Are » et autres « Earthshaker Rock ». Bernie, que le métal classique et les vieilles teutonnes ne font pas rêver, profite de l’infâme ballade « Für Immer » pour m’attirer vers un débit de boisson. Déprimé par une nuit trop courte et par l’absence de protéines qui caractérisait son repas straight edge d’hier, le keupon m’affirme en avoir plus qu’assez de trimballer son matos de festival en festival et m’avoue qu’il songe sérieusement à raccrocher le zoom au râtelier. Choqué par cette révélation, je ne m’intéresse plus vraiment à ce qui se passe sur scène et c’est à peine si, au loin, j’entends Doro se lancer dans une tortueuse reprise du « Breaking The Law » de Judas Priest. Je vous l’apprends sans doute, mais, au fil des concerts, il se développe entre le scribouillard et son photographe une certaine complicité malsaine, proche parfois de l’amitié. Et j’avoue que cela me manquera de ne plus pouvoir tenir son énorme appareil pendant qu’il fait pipi. Mais je dois me faire une raison : comme le militaire ou le sportif de haut niveau, le photographe prend sa retraite dans la fleur de l’âge. J’essuie donc mes larmes, en me promettant, toutefois, de ne pas m’attacher au prochain disciple de Nicéphore Niépce que Music in Belgium voudra bien me coller dans les pattes !
Encore un peu étourdi par cette petite claque, je me dirige vers la scène et je tends l’autre joue pour recevoir la grosse baffe de la soirée. Il est 21h passée et Anthrax investit les lieux ! Les thrashers new-yorkais, Scott Ian et Joey Belladonna en tête, affichent ce soir une forme impériale. Rien à voir avec la prestation semi-statique donnée en novembre de l’année dernière au Brielpoort de Deinze en ouverture de Motörhead. Le public de l’Alcatraz ne s’y trompe pas et l’ambiance vire au délire. Bien que la setlist soit relativement similaire (dans un ordre de passage différent) nous avons affaire à deux shows totalement différents. De « Among The Living » au délirant « Antisocial » final en passant par « Caught In A Mosh », « Indians », « I Am The Law », « Death Rider » (NDR : dédié à Phil Baheux), le groupe égraine les classiques avec une énergie féroce qui n’est pas sans rappeler ses prestations des eighties. Le concert du jour !
Après cette déflagration d’énergie positive, il est franchement difficile d’encenser la prestation mollassonne de Nightwish. Le concert de ce soir est l’avant dernier de la tournée et le groupe est manifestement épuisé. Planqué derrière le décor qui orne ses claviers Tuomas Holopainen est aux abonnés absents. Marco Hietala (basse/chant) délivre une prestation sans failles, même s’il se contente souvent du minimum légal. Emppu Vuorinen tourne mollement autour de Floor Jansen, ce qui, étant donné la différence de taille entre le guitariste (haut comme trois pommes) et la géante batave, est plutôt amusant.
Bien sûr, il y a des lights et de la pyrotechnie mais tout cela ne vaut pas un brin de conviction. Floor Jansen, pourtant toujours intérimaire, semble devoir porter seule le poids du show. Souriante, sympathique et remuante, la belle fait son possible pour nous faire passer un bon moment, et pour peu, elle y parviendrait presque. Le concert se termine sur une déception : pas de rappel, malgré les demandes répétées d’une foule décidément bien tolérante.
Afin de terminer la journée sur une note réjouissante, l’organisation du Fest annonce, en clôture du Festival, une partie du programme de l’année prochaine. L’édition 2014 du Alcatraz Metal Fest accueillera Arch Ennemy et W.A.S.P. ! C’est sûr, nous y serons !
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Photos © 2013 Bernard Hulet