ECHO & THE BUNNYMEN à l’AB ou comment réactualiser son passé
C’est sur un mode nostalgique qu’a débuté notre année 2012 ce vendredi 20 janvier à l’Ancienne Belgique en compagnie des corbeaux d’Echo & The Bunnymen qui ont à leur tour succombé à la mode de l’interprétation live d’un album dans son entièreté. Sauf que le groupe emmené par Ian McCulloch a fait encore plus fort en choisissant de relire sur scène leurs deux premières plaques, “Crocodiles” et “Heaven Up Here”.
Deux albums, cela veut dire un concert plus long que la normale, raison pour laquelle Coves, le groupe choisi pour assurer la première partie, est monté sur scène à 19h30, devant une assemblée plus que clairsemée. Ce jeune duo mixte voix guitare dans la veine des Kills et des Raveonettes provient de Leamington, une ville du centre de l’Angleterre davantage réputée pour ses thermes que pour ses groupes de rock.
Au niveau des influences, on se retrouve plutôt dans la veine des seconds nommés, même si l’on se doit de nuancer cette affirmation. En effet, malgré une boîte à rythme omniprésente qui soutient le jeu de guitare affirmé de John Ridgard et la voix encore timide de Beck Wood, on est encore loin du charisme dégagé par le groupe danois. Et ce, malgré la tenue affriolante de la chanteuse qui porte avec bonheur ses quelques rondeurs. Ceci dit, l’environnement sombre mais pas glacial laisse entrevoir un potentiel qui s’affirme surtout lorsque les deux artistes se partagent le micro.
Il faut bien avouer que l’étoile d’Echo & The Bunnymen a légèrement pâli ces dernières années. Le dernier album convaincant du groupe de Ian McCulloch et de Will Sergeant (les deux derniers rescapés de la formation d’origine) date d’il y a déjà bien longtemps (“What Are You Going To Do With Your Life?” en 1999). On n’est donc qu’à moitié étonné de la démarche présentée ce soir qui nous renvoie virtuellement une bonne trentaine d’années en arrière.
En revanche, le choix des deux albums présentés à de quoi surprendre. “Crocodiles” (1980) et “Heaven Up Here” (1981) ne sont pas ceux qui ont rencontré le succès le plus retentissant ni même ceux dont le style allait leur apporter la gloire à partir de “Porcupine” en 1983, lorsqu’ils rivalisèrent un temps avec U2 et Simple Minds. Mais tout amateur du groupe de Liverpool qui se respecte n’est pas insensible à une période qui a vu éclore au même moment The Cure ou Joy Division notamment. Le sold out réalisé de justesse n’est donc qu’une demi-surprise et la moyenne d’âge tirait davantage vers les crânes chauves ou les cheveux grisonnant que vers les chevelures hirsutes qui caractérisaient les adeptes de l’époque.
En tout cas, Ian McCulloch, lui, arbore toujours fièrement sa coiffure de corbeau. Hormis sa silhouette, c’est à peu de choses près tout ce que l’on a réussi à distinguer, tant l’obscurité et les fumigènes volontairement mis en avant amenaient une ambiance mystérieuse. Même les photographes tout devant n’ont pas réussi à confirmer le fait qu’il portait des lunettes noires (classique) et une barbe (beaucoup moins courant). La seule chose dont on est sûr, c’est qu’il avait aux pieds une paire de baskets… Et que le décor ressemblait à une sorte de grillage ou de camouflage militaire.
Vu qu’elle est calquée sur les tracklistings des albums originaux, la set-list ne réserve à peu de choses près aucune surprise (tout au plus aurons-nous la confirmation de leur dévotion assumée du psychédélisme des Doors lorsque quelques mesures de “Roadhouse Blues” seront intercalées au milieu de “Villiers Terrace”). En revanche, la réécoute de la plaque avant le concert nous avait laissé une impression de disque daté aux sonorités désuètes que les musiciens s’empresseront de balayer d’un revers de guitare.
Dès les premières mesures de “Going Up”, on retrouve en effet un groupe bien en place. La voix de Ian McCulloch tient la distance (on ne comprendra rien de ses interventions, mais cela n’est pas nouveau) alors que Will Sergeant va démontrer que la dextérité de son jeu de guitare en renverrait plus d’un en backstage. Il faudra toutefois attendre “Rescue” pour que le public s’enflamme réellement une première fois, avant que le précité “Villiers Terrace” ne lance définitivement le concert et que “Pictures On My Wall” ne clôture une trilogie de grande classe.
À peine les dernières notes de “Happy Death Men” évaporées des amplis, voici qu’ils quittent la scène, histoire de bien scinder les deux parties de la pièce présentée ce soir. Un break bienvenu pour faire un détour par le bar, mais un break un peu trop long malgré tout, qui a eu pour effet de faire retomber momentanément l’intensité. Heureusement, le très sombre “Show Of Strength” va bien vite remettre les choses à leur place. On va dans la foulée se rendre compte du fossé séparant les deux plaques. À la candeur de “Crocodiles” succède la puissance de “Heaven Up Here”, dont les compositions plus travaillées vont particulièrement bien donner ce soir.
En tout cas, la redécouverte de ce deuxième album va nous montrer combien Echo & The Bunnymen a influencé certains groupes. Wayne Hussey (The Mission), par exemple, a dû s’inspirer fortement de l’excellent “Over The Wall” au moment de composer “Wasteland”. Retenons également “With A Hip”, “A Promise” ou encore le très court mais intense “The Disease”. Sans oublier le très beau “All My Colours” (connu aussi sous le nom de “Zimbo”) qui va, inexplicablement, clôturer le set trois titres trop tôt…
C’est précisément à ce moment que tout partira en vrille. Ou plutôt lorsque le groupe reviendra sur scène pour des rappels anticipés (alors que l’on s’attendait toujours à entendre ne fut-ce que “All I Want”). Affirmer que Ian McCulloch a un petit souci avec l’alcool n’est pas un scoop en soi, mais il est dommage que cela aille jusqu’à ternir la prestation du groupe dans son ensemble. Ceci ne se remarquera pas trop sur “Bring On The Dancing Horses” mais le pourtant excellent “Nothing Lasts Forever” va par contre atteindre un sommet de médiocrité.
En fait, bien plus que son organe vocal (dont il n’a jamais vraiment pris soin), c’est l’attitude du chanteur qui va faire pitié à voir, lui qui ira jusqu’à insulter son batteur et une partie du public massé au premier étage (à vrai dire, un spectateur en particulier qui ne voulait pas rendre le tambourin qu’il lui avait lancé). Sans compter des paroles soit inventées soit incompréhensibles. Bref, un tableau tout sauf valorisant. “The Killing Moon” fera à peine mieux, un peu comme si le groupe était programmé pour jouer parfaitement des titres issus du début de sa carrière. Car “The Cutter” (un single de 1983) allait clôturer le concert sur une note bien plus positive. Peut-être auraient-ils dû jouer “Heaven Up Here” jusqu’au bout et laisser le public sur sa faim. Car mis à part cette faiblesse au niveau des rappels, cette soirée de rentrée peut s’assimiler à une réussite…