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Glenn Hughes dans le temple du Spirit


Dans une salle bondée où l’on parlait presqu’autant allemand et néerlandais que français, Glenn Hughes a fourni une prestation nettement plus Hard que celle du 6 juillet 2006. Il était accompagné de trois jeunes musiciens d’origine Nordique. Deux concerts sur le continent, à Verviers le 16 et au Luxembourg le 17, clôturaient une tournée au Royaume-Uni entamée le 23 septembre. Celle-ci suivait aussi quelques dates aux États-Unis et en Angleterre avec Black Country Communion, un nouveau supergroupe constitué par lui-même et le guitariste Joe Bonamassa avec le batteur Jason Bonham et le claviériste Derek Sherinian. Il devrait tourner prochainement, dès que les obligations contractuelles de chacun le permettront. À l’écoute de leur excellent album éponyme, on espère les voir bientôt au Spirit.

Sur la scène du Spirit, notre homme a organisé son spectacle en professionnel expérimenté. Il assure bien, fait preuve de beaucoup d’énergie et sait faire monter la tention dans le public. Le répertoire joué à volume (parfois trop) élevé ne propose que peu de temps de respiration. Le Hard-Rock domine largement. Le Funk est présent, mais dans une mesure moindre qu’il y a peu et toujours en version très Hard. Avec le temps, sa voix n’a rien perdu de sa force et de ses qualités malgré les prouesses qu’il n’a jamais cessé de lui imposer. Sur certains titres, il utilise beaucoup l’écho, ce qui donne une ampleur supplémentaire à sa voix magnifique. Il se consacre aussi plus intensivement à la basse qu’à certaines époques. Comme il sait y faire, on ne s’en plaint pas et on savoure le travail. Depuis sa collaboration avec Steve Salas, il aime transformer le son, usant de la distorsion avec un plaisir non dissimulé. La part du Funk étant plus réduite, l’utilisation de l’outil est un rien moins grande, mais toujours aussi attrayante. L’homme paraît fatigué et ses cinquante-huit ans se lisent sur son visage. Ce fait se constate aussi dans la relation avec le public, moins relaxe et chaleureuse qu’il y a quatre ans. L’humour a disparu, les paroles au public sont plus rares et convenues, les enchaînements entre titres sont réduits.

Au longtemps fidèle J.J. Marsh ont succédé divers guitaristes. Le Danois Soren Andersen a pris la relève pour cette tournée. Décidément, notre Anglais favori apprécie les instrumentistes Nordiques. Ce beau mâle au sourire attrape-nénettes possède tant le look que les attitudes typiques à l’univers du Hard-Rock des années quatre-vingts. Une vraie caricature du genre ! S’il avait eu l’âge, il se serait parfaitement fondu dans le Whitesnake le plus Hard-Rock de David Coverdale, celui de ses triomphes américains. Ce préambule signalé, l’homme n’est pas manchot. Loin de là ! Sa dextérité à la six-cordes impressionne et il aime le spectaculaire. Par contre, au vu de ce qu’il a montré, son registre apparaît clairement moins étendu que celui de son prédécesseur.

La personnalité discrète, taciturne et timide du claviériste Suédois Anders Olinder cadre mal avec celle des trois autres et avec l’environnement agité. Pourtant, sans vagues ni contorsions, il soutient l’ensemble avec mesure et talent. En prime, il apporte une petite touche légère et Jazzy.

Quant à son compatriote, le batteur Pontus Engborg, il fonctionne dans un état d’excitation totale. Son regard de bête sauvage et son agitation extrême assurent aussi une part du spectacle. Dans ce déchaînement, il parvient à garder une stupéfiante qualité de jeu. Sa prestation en solo fait partie des grands moments, spécialement lors de l’accélération finale.

Les quatorze titres joués ce soir-là couvrent une bonne partie de la carrière de l’artiste. On les retrouve sur dix albums différents. Tous méritent leur place, même si l’on peut regretter certaines absences, ce qui est inévitable dans un répertoire aussi vaste. En voici le détail, avec leurs compositeurs et leur album d’origine :

  1. « Muscle and Blood » (Hughes/Thrall)(4)
  2. « Touch My Life » (Galley)(1)
  3. « Orion » (Hughes/Marsh)(8)
  4. « Sail Away » (Blackmore/Coverdale)(3)
  5. « Medusa » (Hughes)(1)
  6. « You Kill Me » (Salas/Hughes)(6)
  7. « Can’t Stop the Flood » (Hughes/Marsh)(7)
  8. « Crave » (Hughes)(10)
  9. « Don’t Let Me Bleed » (Hughes/Marsh)(8)
  10. « Keepin’ Time » (Galley)(2)
  11. « Steppin’ On » (Hughes/Marsh)(9)
  12. « Soul Mover » (Hughes)(8)
    + en rappel :

  13. « Addiction » (Hughes/Bonilla)(5)
  14. « Burn » (Blackmore/Coverdale/Hughes/Lord/Paice)(3)

(1) « Medusa » (1971)(Trapeze)
(2) « You Are the Music We’re Just the Band » (1972)(Trapeze)
(3) « Burn » (1974)(Deep Purple)
(4) « Hughes/Thrall » (1982)(Hughes/Thrall)
(5) « Addiction » (1996)(Glenn Hughes)
(6) « The Way It Is » (1999)(Glenn Hughes)
(7) « Building the Machine » (2001)(Glenn Hughes)
(8) « Soul Mover » (2005)(Glenn Hughes)
(9) « Music for the Divine » (2006)(Glenn Hughes)
(10) « First Underground Nuclear Kitchen » (2008)(Glenn Hughes)

La présence de trois titres de Trapeze peut surprendre. « Medusa » reste incontournable. Il s’agit d’une de ses meilleures et de ses plus fines compositions. Trop Hard, la version présentée ce soir n’aura pas vraiment satisfait tous les connaisseurs. Les deux autres, en hommage au guitariste Mel Galley décédé en 2008 d’un cancer, entraient mieux dans le ton général du concert. Il faut dire que ce vieil ami n’avait pas été marqué par la chance. En effet, après le départ précipité du bassiste-chanteur, les deux rescapés avaient tenté de sauver le navire Trapeze avec d’autres chanteurs. En 1979, le départ du batteur Dave Holland pour Judas Priest avait donné un nouveau coup au groupe. En 1981, lassé, il clôturait l’affaire et rejoignait Whitesnake où, lors d’une soirée arrosée en tournée, un accident stupide lui abîmait le bras. Diminué, incapable de retrouver son niveau, sa carrière était stoppée. Il rejouait à l’occasion avec Glenn Hughes, notamment au sein de Phenomema et lors de reformations ponctuelles de Trapeze.

Pour ce qui est des deux témoignages de l’aventure Deep Purple, le choix de « Sail Away » peut surprendre. D’abord parce qu’il n’a pas composé ce titre, ensuite, parce qu’un de ses principaux attraits réside dans le cachet des claviers de Jon Lord. Futuriste à l’époque, ce cachet ne l’était plus vraiment trente-six ans plus tard. Il n’empêche, le résultat fut plaisant. Par contre, « Burn », en rappel, fut une déception. Le volume sonore écrasant et l’interprétation débridée, plus que Hard, en firent un capharnaüm éprouvant pour les oreilles.

Parmi les grands moments de la soirée, il faut citer ceux où le Funk était bien présent et où la basse distorsionnait à volonté, comme dans « You Kill Me » ou « Soul Mover ». Dans le genre exclusivement Hard-Rock, « Muscle and Flood » et « Addiction » restent de petites merveilles.

En conclusion, Glenn Hughes et ses acolytes auront offert de bons moments à leur public. Par contre, le niveau global de qualité d’il y a quatre ans n’aura pas été atteint, malgré le potentiel intact du chanteur et bassiste. L’orientation résolument Hard en est probablement la cause, tout comme la présence d’un guitariste certes compétent mais trop calibré. En outre, avec un répertoire d’une telle qualité, la nécessité d’un volume sonore aussi élevé ne se justifiait pas vraiment.

One thought on “Glenn Hughes dans le temple du Spirit

  • Chouette article. Je suis d’accord concernant le volume sonore au Spirit. J’ai déjà pu constater ça plusieurs fois. Je me demande si ce n’est pas un problème de perception du mixeur, peut-être trop l’habitude de sa salle, ou d’un certain volume, ou tout simplement l’ouïe qui baisse un peu.

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