OTIS, Shuggie – Inter-Fusion
Fascinante histoire que celle de ce Shuggie Otis, né à Los Angeles en 1953 et fils du célèbre musicien / compositeur / producteur / animateur de shows télévisés / pionnier du Rhythm And Blues Johnny Otis. Guitariste (et bassiste) surdoué, Shuggie était considéré comme un enfant prodige. En 1969, alors qu’il était âgé de 15 ans à peine, il avait déjà joué sur deux albums de son père, enregistré les lignes de guitares de l’album « Kooper Session » d’Al Kooper, joué de la basse sur l’un des titres de l’album « Hot Rats » de Frank Zappa et publié son premier album solo (« Here Comes Shuggie Otis », 1969). Auteur de deux autres plaques solitaires couronnés de succès (« Freedom Flight » en 1971 et « Inspiration Information » en 1974), il avait été qualifié d’héritier de Jimi Hendrix ! Alors que l’un de ses titres (« Strawberry Letter 23 ») atteignait les sommets des charts américains, il avait été approché par les Rolling Stones qui, par l’intermédiaire de leur claviériste Billy Preston, lui avaient proposé de se joindre à eux sur leur tournée américaine. Une offre qu’il avait cordialement déclinée, préférant, à l’époque, se concentrer sur sa propre musique. Selon une interview postée sur la toile, il aurait également refusé les invitations de David Bowie, Stevie Wonder, Blood, Sweat & Tears et Quincy Jones. Des choix, qu’il affirme ne pas regretter, même s’il admet qu’il aurait sans doute été plusieurs fois millionnaire s’il avait été plus apte à gérer le succès. Les trente années qui ont suivi sont un peu brumeuses. Souffrant de ce qu’il appelle une ‘paralysie créative’, il s’était peu à peu éloigné du monde de la musique pour se réfugier dans l’alcool et les substances illicites.
Sobre depuis quelques années maintenant, Shuggie a repris la guitare et décroché un contrat avec le label californien Cléopatra Records. « Inter-Fusion », son nouvel album solo (NDR : le premier depuis 1974) est sorti le 20 avril aux formats CD, LP et digital.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ami Otis sait s’entourer lorsqu’il fait de la musique. Et si son talentueux claviériste est (pour nous en tout cas) un parfait inconnu (NDR : Kyle Hamood du groupe californien Them Guns, sa section rythmique est plutôt flamboyante puisqu’elle réunit le roi de la batterie Carmine Appice (Vanilla Fudge , Beck, Bogaert & Appice, Cactus, King Kobra, etc.) et le prince de la basse Tony Franklin (Jimmy Page, The Firm, Roy Harper, Blue Murder, etc.).
Comme son titre l’indique, « Inter-Fusion » est un album de Rock Fusion instrumentale, au sein duquel s’imbriquent des sonorités Blues, Jazz, Funk et Classic Rock. Forcément technique, mais surtout, truffé d’émotions intenses et de groove, l’album sonne comme une jam session perpétuelle. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, la guitare de Shuggie Otis ne monopolise pas l’essentiel des compositions, mais elle partage l’espace sonore de manière égale avec les claviers (souvent vintage) de Kyle Hamood (NDR : qui produit également l’album). Inutile de préciser que les pros que sont Carmine Appice et Tony Franklin baignent comme des poissons dans ces quarante minutes de bonheur musical semi-improvisé.
Pas tout à fait dans l’air du temps, « Inter-Fusion » n’est probablement pas l’album par lequel Shuggie Otis renouera avec son succès d’antan. Cependant, les nombreuses qualités de la plaque nous donnent une petite idée de ce dont le gaillard était capable au moment de sa gloire et nous font rêver à tout ce qu’il aurait pu accomplir s’il avait eu la bonne idée de prendre d’autres décisions au milieu des Seventies.
L’album (41’41) :
- Aphelion (4’28)
- Get A Grip (5’00)
- Ice Cold Daydream (3’54)
- Interlude (5’06)
- Woman (4’36)
- Sweet Surrender (5’44)
- Clear Power (8’02)
- V8 (4’56)
Le groupe :
- Shuggie Otis : Guitares, chant
- Tony Franklin : Basse
- Kyle Hamood : Claviers
- Carmine Appice : Batterie
- Aaron Kaplan : Guitares additionnelles
Pays: US
Cleopatra Records CLO 0785
Sortie: 2018/04/20