VARIOUS ARTISTS – Rock’n’Roll Rebels & The Sunset Strip Volume 1 (coffret 4 CD)
Le label américain Eönian Records s’est fixé pour but de nous faire découvrir une page de l’histoire du Rock que nous ne connaissons pas (ou peu). Et pour cause ! Elle n’avait jamais vraiment été écrite jusqu’ici. Il s’agit de l’histoire de la troisième et dernière génération des rebelles de Sunset Strip.
Sunset Strip est le nom donné à la section du Sunset Boulevard qui traverse West Hollywood, à Los Angeles. Entre les Seventies et le début des années 90, ces deux kilomètres et demi de d’asphalte ont été le port d’attache de trois générations de rockers. Van Halen et Quiet Riot y avaient élu domicile au début des seventies et, peu à peu, l’endroit a été envahi par toute la clique des Mötley Crüe, Ratt, Dokken, etc.. Ces derniers furent suivis, quelques années plus tard, par vague des suiveurs de Guns’n Roses. Durant plus de vingt ans, Sunset Strip a été le lieu de toutes les débauches. C’était l’endroit où étaient implantés tous les clubs rock de LA. Le Roxy, Le Whisky à Gogo, Gazzarri’s, le Troubadour, le Country Club, et de nombreux autres encore. Après l’avènement d’Axl Rose et sa troupe, des dizaines de groupes talentueux y ont vécu la philosophie du ‘Sex, Drugs & Rock’n’Roll’. Nombreux sont ceux qui étaient célèbres dans le Strip et qui y jouaient chaque semaine à guichets fermés sans que le reste du monde ne soit vraiment au courant. Au début des années 90, le raz-de-marée Grunge a effacé tout cela. Le désintérêt des labels pour la musique festive et, dit-on, un nettoyage radical opéré par les autorités locales ont signé l’arrêt de mort des rebelles de Sunset Strip.
Eönian Records élève aujourd’hui un véritable monument à ces soldats inconnus du rock. Le label a passé trois années à dénicher des enregistrements rares; des titres inédits enregistrés entre 1987 et 1992 dans le but de démarcher des labels. 72 enregistrements studios originaux (NDR : deux par groupe) ont ainsi été remastérisés et compilés dans un superbe coffret 4 CD présentant près de cinq heures de musique. Le tout est agrémenté d’un livret de 60 pages (NDR : 13 pages consacrées à l’histoire du Strip telle qu’elle a été vécue par deux musiciens, 36 pages résumant l’histoire de chaque groupe et des tonnes de photos et de documents d’époque).
CD 1
Rattesnake Shake, à ne pas confondre avec RattleShake dont l’« album éponyme« était également sorti chez Eönian en 2012, proposait un Sleaze Rock énergique. Ses deux titres sont extrait d’un single produit en 1987 par Dave Reitzas, un ingénieur du son qui avait bossé sur l’« Appetite For Destruction » de qui vous savez. Alice Be Tokelas versait quant à lui dans un style Hard Rock bluesy, proche de Whitesnake et de Led Zeppelin et au sein duquel l’harmonica tenait une place relativement importante. The Wild et son vocaliste Johnny X, à qui Eönian Records a confié une partie de la rédaction des 13 pages de présentation du strip et la co-production de la compilation, déclinait un Hard Rock teinté de Funk et de Jazz qui incorporait quelques notes de saxophone et de claviers. Ses deux titres rappellent un peu le style des Electric Boys suédois. Longgone jouait un Hard Rock assez convenu, teinté d’évidentes influences seventies. Ses deux titres sont sympathiques, mais probablement pas les plus transcendants de du package. Hans Naughty, qui se targuait d’influences allant de Judas Priest à Boston en passant par Ozzy et AC/DC, propose deux brûlots d’un Hard Rock très accrocheur. Imagine World Peace est un peu l’OVNI de ce premier CD. Le groupe n’hésitait pas à mélanger Thrash, Classic Rock et Punk et son chanteur possédait une voix nasillarde à faire pâlir d’envie le plus enrhumé des Vince Neil. Bad Blood citait The Doors et Ramones au nombre de ses héros, mais sonnait plus, à notre avis, comme un croisement entre The Cult et Love/Hate. D’après la page qui lui est consacrée dans le livret, Cyclone Sound voulait sonner différemment et n’hésitait pas à mixer les influences de Van Halen et Aerosmith avec celle des ‘ennemis potentiels’ qu’étaient Soundgarden et Mother Love Bone. L’influence de ce dernier est d’ailleurs assez palpable sur les titres proposés. Le Grunge, mais sans la déprime qui l’accompagne généralement : intéressant, faute d’être transcendant ! Hap Hazzard, dont les deux titres clôturent ce premier CD, sonnait plus Van Halen que Van Halen lui même. Au diable la personnalité si on a la classe et le vocaliste Bobby Hickle, qui imitait David Lee Roth à la perfection, n’en manquait assurément pas.
CD 2
L’excellent Charlotte est représenté par le superbe « Little Devils »; un titre très « Still Of The Night » de Whitesnake dans l’esprit, qui figurait déjà sur l’album « Medusa Groove« (NDR : enregistré en 1991 et publié en 2010 par Eönian) et par « Krakerman », un inédit mis en boite un an après le premier et qui voyait le groupe explorer une direction un peu plus martiale. Lypswitch proposait un mix détonnant de Glam, de Hard Rock et de psychédélique, rehaussé par une voix proche de celle de Vince Neil (Mötley Crüe). Bad Bones est l’une des très belles découvertes de ce second CD. Émouvant avec la superbe ballade bluesy « My Love is For Real » (quelque part entre Led Zeppelin et Cinderella) et remuant avec « Give Good Love », un Hard Rock’n’roll qui n’est pas sans rappeler les débuts d’un certain « Aerosmith ». Enticier semblait avoir le cul entre deux chaises : plutôt Heavy sur le premier titre (il citait d’ailleurs Judas Priest et Iron Maiden parmi ses influences) et largement ‘Hairy’ sur le second qui lorgnait plutôt du côté de chez Ratt et Dokken. Le Hard Rock’n’Roll de Scratch semblait aussi insouciant qu’accrocheur. Les deux titres, qui font taper du pied dès la première seconde auraient pu devenir des hits ! Les Hardly Dangerous apportent une superbe touche féminine à la plaque. Ce quatuor de brunettes au physique avantageux balançait un Hard’n’Heavy d’excellente facture qui tenait autant de Girlschool et Rock Goddess que de Guns’n’ Roses. Une autre très bonne surprise. Derrière l’étrange patronyme Sam Mann And Thee Apes se cachait un combo extrêmement original qui mélangait d’amusantes harmonies vocales à un Hard Rock ‘Vanhalenien’ teinté de quelques touches de funk. Superbe découverte. Mad Reign est le moins ‘shampouiné’/’maquillé’ des groupes figurant sur la plaque. Ce quintette désignait MC5, AC/DC et Steppenwolf comme ses héros. Sa musique était brute, psychédélique et surtout, authentique. Imaginez James Brown jouant du Hard Rock et vous aurez une petite idée de la recette de The Mimes. Le groupe nous balance ici deux hits Hard’n’funky; guitares, basse, saxo et harmonica à l’appui, qui respirent la joie de vivre. Une conclusion parfaite pour cette seconde plaque !
CD 3
En 2009, Eönian avait réédité l’album éponyme (enregistré en 1990) des Shake City, le titre « Baby Blue » en est extrait. Quant à « She’s Atomic », c’est un enregistrement un peu plus ancien. Le groupe décline un ‘Hair Métal’ classique, dans la veine de groupes tels que Warrant et Winger. Le son des guitares des Blackboard Jungle nous rappelle beaucoup celui d’Hanoï Rocks, tandis que la voix de son frontman (Kenny Price) est vraiment proche de celle de Bret Michaels (Poison). Un mélange très plaisant ! La contribution de Paradise à la compilation ne se limite pas à ces deux chansons, puisque son vocaliste (Adam Gifford) cosigne les treize pages du texte d’introduction figurant au début du livret. Le groupe propose une musique à la fois Heavy, accrocheuse et mélodique dans la veine de ce que faisait Dokken. Il fut un temps où des musiciens d’Hollywood Rose se nommaient Axl Rose et Izzy Stradlin, mais c’était bien avant qu’ils aillent … voir ailleurs. Le guitariste Chris Weber a continué sans eux et propose ici deux titres qui ‘Rockent’ et qui ‘Rollent’ autant que l’Aerosmith des seventies. Taz proposait un Sleaze Rock aux refrains accrocheurs, à la rythmique entrainante et aux guitares lead délicieuses. Impossible de ne pas taper du pied sur ces deux bombes mises en boite en 1990. Daddy Ray semblait vouloir tenter autre chose : des vocaux et des chœurs particulier et un style fortement inspiré par la pop rock musclée des seventies et par le punk rock. Original. Children est l’un des très rares groupes du box qui citait Black Sabbath au nombre de ses influences. Il y ajoutait également Kiss, Red Hot Chili Peppers. Un mélange surprenant sur papier, mais compréhensible dès que l’on découvre ces riffs lourds et groovys, agrémentés de solos gonflés à la pédale wah wah. Bien qu’il n’y fasse aucune allusion dans sa mini bio, Shel Shock semble avoir beaucoup écouté Mötley Crüe et ses titres n’auraient pas fait tache sur un album tel que « Girls Girls Girls », par exemple. Dallas Dollz était un groupe de Texans immigrés à LA. Il tronçonnait un Hair Métal musclé truffé de riffs acérés et de solos rapides dans lequel l’influence de WASP semblait prégnante.
CD 4
Deaf, Dumb & Blonde est une autre très bonne surprise. Ce groupe formé en 1991 et disparu en 1993 proposait un Hard Rock teinté de Blues, très proche de ce que faisait Tesla sur son premier opus. Nous vous avons déjà vanté les nombreux mérites de Cold Shot il y a moins d’un an, lorsqu’Eönian nous avait transmis la réédition de son « Album éponyme« enregistré en 1989. « Give Me What I Need », qui est extrait de cette plaque, nous confirme l’impression de croisement entre Dokken et Cinderella que nous avions éprouvée à l’époque. L’inédit « Little Too Late » a, quant à lui, un petit côté Ratt tout à fait plaisant. New Improved God aimait les Ramones, les Sex Pistols, Hanoi Rocks et Iggy Pop et cela s’entend. Son « Back Where you Belong » est une version Punk de ce que proposait Poison; quant à « Dead Rock Stars », il y ajoute un petit côté Doors surprenant. Un excellent groupe ! Agent Zero explorait quant à lui un Heavy/Hair Métal, plus classique, proche de groupes tels que Warrant ou Slaughter et faisait quelques emprunts à ‘stylistiques’ à Def Leppard et même, nous semble t’il, à Uriah Heep sur le titre « Distant Memories ». Le texte du livret décrit la musique d’Aces & Eights par les termes : ‘le Hard Rock des Seventies rencontre le Métal des eighties’. Pour vous faire une idée de ce que cela signifie, prenez un peu de Led Zep et d’AC/DC et mélangez le avec un peu de Great White et de Ratt. Headbanging assuré. Rough Justice était un groupe avec un concept : ils avaient un look de flics de comic books et jouaient un Heavy Rock immédiat, influencé par la lourdeur de Kiss et le côté entrainant de Mötley Crüe. Byte The Bullet déclinait un Glam Rock aux guitares lourdes rehaussé d’une voix stridente proche de celle de Mark Slaughter (Vinnie Vincent Invasion, Slaughter). Pour la petite histoire, le groupe a changé son nom pour SouthGang peu de temps après l’enregistrement de cette démo et a publié deux albums dont un qui fut produit par le tandem de choc Howard Benson/Desmond Child. Malgré son look intensément ‘Hair Métal’, Spyder Blue proposait un Hard/Funk Rock très dansant au sein duquel les influences combinées de groupes tels que Mother’s Finest, Fishbone ou Sly And The Family Stone étaient prégnantes. C’est à Charlemagne que revient l’honneur de clôturer ce premier chapitre de la collection « Rock’n’Roll Rebels & The Sunset Strip ». Le groupe, dont l’album éponyme enregistré en 1990 fut l’une des premières rééditons d’Eönian (en 2009), propose ici deux titres inédits d’un Hard Rock ultra-mélodique aux refrains accrocheurs, enregistrés en 1988.
« Rock’n’Roll Rebels & The Sunset Strip Volume 1 « est un superbe objet. Bien sur, il s’agit ici d’enregistrements de démos et de maquettes qui, même remastérisées, n’offrent pas toujours une qualité d’écoute maximale. Cependant, de par son côté historique et surtout unique, et par respect pour le travail effectué par l’équipe d’Eönian Records, nous lui accordons avec plaisir notre note maximale. Indispensable !
CD 1
- Rattlesnake Shake – Shootin’ Daggers
- Rattlesnake Shake – Get Around (Everybody Needs Somebody)
- Alice Be Tokelas – In the Morning
- Alice Be Tokelas – This Is Now
- The Wild – Get Down 2 Night
- The Wild – Some Girls
- LongGone – Higher
- LongGone – Sticky Situation
- Hans Naughty – Fallen Nature
- Hans Naughty – Be In You
- Imagine World Peace – Something I Miss
- Imagine World Peace – Sometimes
- Bad Blood – Slip
- Bad Blood – Sweet Addiction
- Cyclone Sound – City Monsters
- Cyclone Sound – All Systems
- Hap Hazzard – Sorry
- Hap Hazzard – Under Fire
CD 2
- Charlotte – Little Devils
- Charlotte – Krackerman
- Lypswitch – Sexx On The Sun
- Lypswitch – She’s So Psychedelic
- Bad Bones – My Love Is For Real
- Bad Bones – Give Good Love
- Enticier – Daddy’s Little Girl
- Enticier – One Way Ticket
- Scratch – Merry Go Round
- Scratch – Smack Dab
- Hardly Dangerous – Sweeter Than Honey
- Hardly Dangerous – Game Of Love
- Sam Mann and Thee Apes – Feel My Body
- Sam Mann and Thee Apes – Nasty Woman
- Mad Reign – Rise
- Mad Reign – The First One’s Free
- The Mimes – Crack Alley
- The Mimes – Kick, Kick (Scratch And Fight)
CD 3
- Shake City – Betty Blue
- Shake City (Hot Wheelz) – She’s Atomic
- Blackboard Jungle – Paint You A Picture
- Blackboard Jungle – Chicago
- Paradise – Satisfaction Guaranteed
- Paradise – I’m In Love With You
- Hollywood Rose – Sweet Little Angel
- Hollywood Rose – Come A Little Closer
- Taz – Day Of The Dog
- Taz – Dogtown
- Daddy Ray – Success
- Daddy Ray – Nag, Nag, Nag
- Children – Dance With Me
- Children – Water Into Wine
- Shel Shoc – Lotta Love
- Shel Shoc – Pull The Trigger
- Dallas Dollz – Dirty Money
- Dallas Dollz – Doin’ Time
CD 4
- Deaf, Dumb and Blonde – Heaven’s Trail
- Deaf, Dumb and Blonde – Down And Dirty
- Cold Shot – Give Me What I Need
- Cold Shot – Little Too Late
- New Improved God – Back Where You Belong
- New Improved God – Dead Rock Stars
- Agent Zero – Shadows
- Agent Zero – Distant Memories
- Aces & Eights – Read My Lips
- Aces & Eights – You Ain’t My Religion
- Rough Justice – Cheap Disguise
- Rough Justice – Good Ole’ Days
- Byte the Bullet – Let Em Down Easy
- Byte the Bullet – Russian Roulette
- Spyder Blue – Dummy Says
- Spyder Blue – Love, Lies, And Hate
- Charlemagne – You’re All I Need
- Charlemagne – Who Needs Bad Girls
Pays: US
Eönian Records – ER00023
Sortie: 2015/03/24