XPUS – In umbria mortis sedent
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais le latin revient à la mode, notamment chez les groupes de métal extrême. On sent les types qui, enfants, ont été obligés de servir la messe comme jeunes acolytes toujours à la merci d’un prêtre amateur de chair fraîche et qui se sont coltinés le Credo, le Gloria, le Sanctus et l’Agnus Dei en pensant à la partie de foot qu’ils allaient pouvoir faire dans la cour du presbytère après la sortie de la messe ou des chansons de black metal qu’ils allaient pouvoir répéter dans le garage de papa le dimanche après-midi. Comme je le dis toujours, heureusement qu’il y a la religion car sans la religion, les groupes de heavy metal perdraient 80% de leur source d’inspiration et en seraient quittes à faire des chansons sur les filles, la bière et les motos. Triste programme…
Avec les Italiens d’Xpus, nous allons donc retrouver les saveurs des messes noires et les titres de morceaux dans la langue de Cicéron. Ces garçons viennent de Bergame, dans le nord du pays, et fomentent leur deuxième méfait sonore, un ʺIn umbria mortis sedentʺ (les morts sont assis dans l’ombre) qui fait suite à un premier ʺSanctus Dominus Deus Sabaothʺ (pleni sunt cæli et terra gloria tua, Hosanna in excelsis… euh, pardon, c’est encore mon passé au petit séminaire qui refait surface), sorti en 2015.
Les choses remontent déjà à loin dans l’arbre généalogique d’Xpus. Au départ, un nommé Luca Arnoldi grogne des borborygmes chez Bathim, un groupe de black metal de Bergame, actif entre 1994 et 1999. A la fin de Bathim, il crée Unholy Land, se fait appeler Aren, se met à la basse en plus du chant et engage, entre autres, un guitariste appelé Mornak (Matteo Bonassi pour les services fiscaux). Après deux albums en 2003 et 2008, Unholy Land se désintègre, Aren et Mornak transférant leur pavillon à bord de Soulphureus, un combo black/death qui réalise l’album ʺRest in hellʺ en 2012 avant de disparaître en 2015. Aren et Mornak continuent alors leurs aventures dans Xpus, créé en 2015 par leurs soins, avec d’abord l’apport du batteur L (Luca Mazzucconi) qui participe au premier album et cède ensuite son tabouret à Ulvirøs, alias Matteo Virotta, transfuge de Norsemen (autre combo de Bergame spécialisé dans le death metal viking).
Nous avons donc le prêtre, le diacre et l’acolyte et nous pouvons commencer le service de la messe. En guise d’introït, un petit ʺAbyssus abyssum invocatʺ sert à semer la frousse avec un montage sonore caverneux et un glas qui sonne mollement dans le lointain. En guise de Kyrie, on se prend la charge animale de ʺInto the sphere of madnessʺ qui cloue l’assistance sous des monceaux de death metal haché et servi par un chant d’ogre sous caféine. On l’avait pourtant dit, pas de café avant la communion… Le Gloria a été remplacé par ʺBlood rites of liberationʺ, c’est plus simple et ça développe 3000 kilowatts à la seconde en énergie death metal pure. Première lecture : ʺThe gates of doomʺ, qui va nous enseigner la résistance à toute forme de décibels surpuissants. Deuxième lecture : ʺOf purity, chastity and temptationʺ, où il ne va surtout pas être question de faire les pitres mais où on parlera de l’équarrissage pour tous à coups de riffs massifs, de rythmique tumultueuse et de toujours ce bon gros chant ursidé nourri au miel nucléaire ukrainien.
Voici le moment de la lecture de l’évangile selon Xpus, avec un ʺBroken is the seal of equilibriumʺ qui nous révèle que ce groupe peut aussi ralentir les rythmes et flirter avec un doom metal néanmoins tourmenté par des crises d’épilepsie. Xpus vient alors nous réciter son Credo, un ʺClerical room of depravityʺ qui s’intéresse beaucoup plus à l’enfer qu’au paradis et qui commence à faire comprendre aux fidèles que le batteur, finalement, joue toujours à peu près les mêmes rythmiques saccadées et brouillonnes. C’est au moment de la prière universelle, illustrée par ʺRighteous hands of molestatʺ, que l’on découvre que le chanteur nous sert toujours aussi les mêmes recettes vocales. Même chose au moment de la communion, avec ce ʺHoly sperm upon the lambsʺ qui reprend encore et toujours les rythmes rapides, la guitare en survitesse et le chant toujours aussi grognon. Il n’y a plus qu’à recevoir la bénédiction finale avec le court ʺRepentance, forgiveness and salvationʺ qui est le pendant à l’instrumental du début de l’album, cette fois en mode nettement plus saint-sulpicien avec des effets de voix angéliques.
Oui, finalement, nous avons suivi cet office en parcourant la rude route de l’enfer et de son death metal menaçant pour nous retrouver absous et pardonnés à l’issue de ce disque qui, malheureusement, à l’instar de la messe, a ses petits côtés ennuyeux et répétitifs. Pour un dimanche de temps ordinaire, ça peut faire l’affaire, mais pour les grand-messes de Pâques ou de Noël, on aurait intérêt à se trouver des cérémonies plus ambitieuses. Ite, missa est.
Le groupe :
Aren (basse et chant)
Mornak (guitare)
Ulvirøs (batterie)
L’album :
ʺAbyssus Abyssum Invocat (Intro)ʺ (01:54)
ʺInto the Sphere of Madnessʺ (04:38)
ʺBlood Rite of Liberationʺ (04:51)
ʺThe Gates of Doomʺ (02:04)
ʺOf Purity, Chastity and Temptationʺ (04:57)
ʺBroken Is the Seal of Equilibriumʺ (04:57)
ʺClerical Rooms of Depravityʺ (05:00)
ʺRighteous Hands of Molestationʺ (05:05)
ʺHoly Sperm upon the Lambsʺ (05:12)
ʺRepentance, Forgiveness and Salvation (Outro)ʺ (00:57)
Pays: IT
Transcending Obscurity
Sortie: 2020/04/24