WIEGEDOOD – There’s always blood at the end of the world
J’avais tout faux. Lors de la sortie du dernier album de Wiegedood, j’avais avancé l’hypothèse que l’album suivant de ce groupe de black metal flamand de plus en plus influent allait s’appeler ʺDe doden hebben het goed IVʺ et que le logo du groupe, un mystérieux assemblage de branches aboutissant à une figure géométrique, allait se trouver au milieu d’une ville. Cette intuition venait du fait que les trois premiers albums de Wiegedood, ayant tous le même titre avec un numéro en plus, étaient construits sur un schéma logique, avec le logo se situant dans divers endroits naturels sur la couverture.
Eh bien, le temps des albums appelés ʺDe doden hebben het goedʺ est désormais révolu pour Wiegedood, qui revient cette année avec un quatrième album appelé ʺThere’s always blood at the end of the world”. Il y a plusieurs raisons à ce changement de paradigme. D’abord, la trilogie des morts était un long hommage du groupe rendu à un de leurs amis, décédé trop tôt. On sentait chez Wiegedood une plainte intérieure, une blessure personnelle qui portait à une introspection douloureuse. Le deuil finit toujours par s’atténuer un jour et s’il ne disparaît pas totalement, il y a quand même nécessité pour les vivants de se porter vers de nouveaux élans.
Et c’est là qu’intervient la deuxième raison au changement de stratégie de Wiegedood. Une fois le chagrin passé, c’est la colère qui prend le relais, notamment avec les conditions récentes dans lesquelles le groupe a été obligé de s’isoler du fait de la pandémie mondiale. Tout le monde a dû se confiner mais les hommes de Wiegeddod l’ont eu en travers de la gorge. Vu la violence dont Levy Seynaeve (chant et guitare), Gilles Demolder (guitare) et Wim Coppers (batterie) font habituellement preuve dans leur musique, on comprend que la frustration de ne pas pouvoir se défouler sur scène a abouti à une surenchère de rage, bien présente sur ce nouvel album.
Car ici, on peut estimer que Wiegedood a en effet commis son album le plus brutal et le plus violent à ce jour. Finie la détresse intérieure, on s’en prend maintenant au monde extérieur, avec toute sa méchanceté, son hypocrisie, sa violence et ses injustices. Sans être un album concept, ʺThere’s always blood at the end of the worldʺ tourne autour de l’idée de colère et porte bien son nom. Wiegedood réclame vengeance pour toutes les avanies que nous imposent une société décadente, cynique et implacable.
Et il le fait avec un expressionnisme musical qui défonce tout. Le groupe n’a jamais été aussi rapide sur les rythmiques, aboyeur sur le chant, radical dans ses propos et – il faut le dire – imaginatif dans la formulation de l’idée de furie pure. Les morceaux qui démarrent l’album ne font pas de prisonniers. ʺFN SCAR 16ʺ gagne les 1000 km/h en deux secondes, on sent à peine la transition quand on aborde l’énorme ʺAnd in old Salamano’s room, the dog whimpered softlyʺ, à la brutalité inversement proportionnelle à l’étrangeté du titre et qui bascule soudainement dans des rythmes plus lents mais tout aussi étouffants. ʺNoblesse oblige, richesse obligeʺ déploie des atmosphères angoissantes, où les accords en quarte augmentée viennent nous hanter les tympans. Ces tympans seront copieusement réduits en charpie au cours d’autres titres phénoménaux, comme l’impitoyable ʺUntil it is notʺ ou l’hypnotique et fascinant ʺNow will always beʺ et ses huit minutes.
Une petite transition à la guitare acoustique nous permet de rassembler nos esprits, en nous rendant compte de la puissante cohérence de ce disque, qui termine dans la grandeur black avec les tourments infinis de ʺNuagesʺ, le chaos total de ʺTheft and Beggingʺ ou la chevauchée monstrueuse du final ʺCarouselʺ.
Les gens de Wiegedood ont ici mené une razzia impériale sans temps mort et portée par une force continue et impressionnante, véritable tour de force dans la férocité. Tout cela marque les esprits au fer rouge, dégage les bronches et remet sur pied pour affronter l’avenir avec une bonne hache entre les mains.
Le groupe :
Levy Seynaeve (chant et guitare)
Gilles Demolder (guitare)
Wim Coppers (batterie)
L’album :
ʺFN SCAR 16ʺ (4:07)
ʺAnd In Old Salamano’s Room, The Dog Whimpered Softlyʺ (4:33)
ʺNoblesse Oblige Richesse Obligeʺ (5:06)
ʺUntil It Is Notʺ (5:40)
ʺNow Will Always Beʺ (8:17)
ʺWadeʺ (1:58)
ʺNuagesʺ (5:50)
ʺTheft and Beggingʺ (4:05)
ʺCarouselʺ (4:52)
Pays: BE
Century Media
Sortie: 2022/01/14