P.H.O.B.O.S. – Phlogiston catharsis
Ceux qui comme moi cherchent toujours encore un peu d’originalité dans l’univers désormais bien balisé du rock (pour employer le terme le plus général possible) vont pouvoir soulever un sourcil, sortir de leur léthargie et prêter une oreille plus que polie à la musique très particulière de P.H.O.B.O.S. Ce groupe parisien explore en effet depuis l’an 2000 les arcanes qui servent de jonction entre le doom metal et le black metal, avec une touche industrielle.
Et quand on réfléchit à ce qui peut bien se faire dans le domaine du black metal doom industriel, force est de constater que les groupes ne se bousculent pas au portillon. Et si, comme c’est possible, quelques groupes traînent dans ces contrées étranges, encore faut-il qu’ils soient capables de composer une musique convaincante et habitée. Or, c’est précisément ce que savent faire les gens de P.H.O.B.O.S., avec leur univers angoissant, sombre et descendu si bas dans les entrailles de la terre qu’on se demande bien si on va pouvoir remonter un jour. Il y a bien un peu Nine Inch Nails qui vient à l’esprit mais à côté de P.H.O.B.O.S., la musique de Trent Reznor fait quand même lourdement penser à de la valse musette. Plus pertinent, Godflesh pourrait être la comparaison qui se rapproche le plus du style de P.H.O.B.O.S.
P.H.O.B.O.S. aime cultiver un certain mystère puisqu’il est totalement invisible en concert. Le groupe a fait une seule prestation scénique à Tilburg en juin 2003 et puis c’est tout. Autrement dit, ceux qui étaient sur place ce jour-là peuvent revendiquer le privilège d’avoir vu le groupe le plus rare du monde. Frédéric Sacri est la tête pensante du combo et il a été par le passé accompagné de Philippe Gerber (basse, jusqu’en 2003) et d’Alexis Fouillet (batterie). Sur ce nouvel album ?Phlogiston catharsis? (qui est le quatrième disque long format du groupe), Frédéric Sacri est accompagné de Mani Ann-Sitar et de Magnus Larssen, qui manipulent tous des synthétiseurs et autres machines électroniques produisant un son énorme et caverneux.
Ce qui frappe d’emblée chez P.H.O.B.O.S., c’est l’angoisse hypnotique qui hante des morceaux en général assez long (dans les six minutes). Le chant est black metal mais le reste de l’atmosphère confine surtout au métal industriel et en second plan au doom. La complexité artistique de Frédéric Sacri se reflète aussi dans les titres des morceaux, complétement abscons (?Igneous Tephrapotheosis?, ?Zam Alien Canyons?, ?Taqiyah Rhyzom?, ?Aljannashid?). Ici, ça ne parle pas de motos, de gonzesses ou de bière…
Pour le reste, cet album nous emporte dans le tréfonds des peurs primales. L’atmosphère mécanique et la lourdeur instrumentale dégage une impression d’inhumanité consommée, où on devine des ombres derrière soi, des choses pas claires, pas saines. Ça grouille dans les anfractuosités des caves humides mais l’obscurité empêche d’y distinguer quoique ce soit. Qui sait quelles créatures monstrueuses seraient capables de surgir du fond de ces ténèbres, à moins que ce soit de notre propre esprit?
Voilà un album qui ira parfaitement bien pour accompagner vos soirées d’errance dans les bas-fonds des faubourgs mal famés ou vos promenades dans les cimetières. L’automne approche, préparons-nous à l’accueillir dans une digne tristesse.
Pays: FR
Transcending Obscurity
Sortie: 2018/09/10