GUESS WHO – The future is what it used to be
Quand j’ai entendu dire que les Guess Who sortaient un nouvel album, je n’en ai pas cru mes oreilles. Les Guess Who… Pas croyable… Sans doute l’un des groupes les plus anciens de l’histoire du rock depuis le début des années 60. Pensez-vous, je n’étais même pas né quand ces Canadiens ont sorti leur premier EP en 1965, inaugurant ainsi une succession d’albums tout simplement hallucinante. En matière de durée et de résistance au temps, les Guess Who sont matière d’exemple. Il n’y a guère que les inusables Rolling Stones (pour l’Angleterre) et les inoxydables Scorpions (actifs en Allemagne depuis 1965) pour rivaliser avec l’endurance des Guess Who.
Bon, on ne va pas raconter ici l’histoire détaillée des Guess Who, il y en aurait pour des semaines. Sachez que le hit terminal des Guess Who, celui qui doit figurer au fronton des plus grands morceaux de hard rock des années 70, c’est « American woman » (1970), un truc aussi énorme que le « Born to be wild » de Steppenwolf, une pierre angulaire fondatrice du son sauvage des tout débuts, ancêtre direct du heavy metal en devenir. En écoutant ce titre, on a envie d’enfourcher une Harley-Davidson puante d’essence contrefaite, de se visser un casque allemand sur le crâne et de partir à toute berzingue avec un gang de Hell’s Angels pour terroriser un bourg de ploucs du Nevada afin de siffler les bières de tous les bars de la rue principale.
A la suite de tout cela, les Guess Who gravent une vingtaine d’albums jusqu’en 1981, année où on ne parle normalement plus des vieux dinosaures du hard rock des années 70. Mais c’est compter sans la détermination du pourtant placide batteur Garry Peterson, dernier membre permanent des Guess Who, et cela depuis 1965. Reformant un gang d’électriciens patentés, le bon Garry revient en 1995 avec « Lonely one », petit album de soft rock gentil. On a ici tous les indices du chant du cygne avant le repos éternel. Pourtant, 23 ans plus tard, la momie Guess Who ressort du sarcophage et vient nous coller entre les oreilles un très pertinent « The future is what it used to be ».
Ici aussi l’ancêtre Garry Peterson (73 ans) repart à zéro en terme de co-équipiers, avec un line-up presque entièrement nouveau, composé de jeunes et de moins jeunes. Parmi les plus anciens, on trouve Leonard Shaw (claviers), qui est en fait dans les Guess Who depuis assez longtemps puisqu’il avait participé à l’album « Lonely one ». Il y a aussi Derek Sharp (chant) qui fait partie des Guess Who depuis seulement une dizaine d’années. Autrement dit, ce damoiseau d’à peine 53 ans est encore stagiaire. La guitare est tenue par Will Evankovich, un gamin de 46 ans encore plus novice dans les Guess Who puisqu’il n’est arrivé qu’en 2014. Mais la pièce la plus intéressante, et la plus récente, est incontestablement le bassiste Rudy Sarzo, vieux routier de la quatre-cordes qui a gagné ses galons chez les légendaires Quiet Riot et qui a ensuite développé un CV long comme le bras avec des passages chez Ozzy Osbourne, Whitesnake, Manic Eden, Dio, Blue Öyster Cult ou le Geoff Tate’s Queensrÿche. Bon, ce brave Rudy a beau être nouveau chez les Guess Who (depuis 2016), il n’en affiche pas moins 67 printemps. Plus vraiment un perdreau de l’année, donc.
Et cette bande de rockers à la jeunesse toute relative a réussi à retrouver une certaine jouvence avec cet album de rock ‘n’ roll d’excellente facture, traditionnel au possible mais qui sait quand même apporter des titres vifs et souriants comme « When we were Young » (mais vous l’êtes toujours, chers Guess Who!), « Talks all the time », « Runnin’ blind », « In America », « Playin’ on the radio » ou « Good girl ». Les autres morceaux mettent la pédale un peu plus douce, histoire de préserver un peu les artères de ces messieurs, mais l’émotion reste au rendez-vous, (« Haunted », « Long day »). On applaudit particulièrement le septuagénaire Garry Peterson, qui domine ses fûts avec rigueur et puissance, comme s’il avait été oublié par le temps.
Bref, on a vu des groupes vénérables se débrouiller moins bien en termes de résurrection et les Guess Who viennent nous surprendre avec ce disque d’une très bonne tenue, confirmant que le rock est quand même un des meilleurs antioxydants naturels.
Pays: CA
Cleopatra Records
Sortie: 2018/09/14