SPEDDING, Chris – Click Clack
Retracer toute la carrière de Chris Spedding serait fastidieux. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il a commencé par apprendre le violon, instrument pour lequel il avait un don, à l’âge de neuf ans. Très vite, il en a eu marre de la musique classique et s’est tourné vers la guitare. Son premier album, sorti uniquement au Japon, « Songs Without Words », était très jazz.
Il a ensuite emprunté la voie du rock. Il a joué avec les plus grands en tant que musicien de studio ou en tournée : Jack Bruce, John Cale, Bryan Ferry, Elton John, Nick Cave, Paul McCartney,Jim Capaldi, Art Garfunkel, Ginger Baker, Roxy Music, Hubert-Félix Thiéfaine (comme guitariste et producteur), Michael Mantler (avec Kevin Coyne et Carla Bley), Marc Almond, Willy DeVille, Roger Daltrey, etc.
Il a aussi été pressenti par les Rolling Stones pour remplacer Mick Taylor mais ça ne s’est pas réalisé. Quel dommage !
Il a d’abord joué du jazz rock avec Nucleus, puis il est passé au blues rock. Il est devenu subitement célèbre en même temps que le punk à partir de 1976, avec des titres comme « Hey Miss Betty », joué sur un rythme endiablé, « Pogo Dancing », irrésistible danse toujours d’actualité aux concerts, « Guitar Jamboree », où il reproduit successivement et presque à la perfection les styles de tous les grands de la guitare, dont Albert King, son idole, ou encore « Wild Wild Women ».
A part le premier, il les a joués au Spirit of 66 le 17 janvier 2003 avec un groupe français très quelconque. J’y étais, chers lecteurs, mais je n’écrivais pas encore pour votre site préféré. Et puis j’étais plus attiré par une jeune et gracieuse danseuse dandy que par le concert proprement dit. Honte sur moi ! Fin de la digression !
Il a sorti « One Step Ahead Of The Blues » en 2002. Avec cet album, il rend hommage à tous les musiciens qui l’ont influencé. Bref, Chris Spedding excelle dans tous les genres, depuis le jazz jusqu’au blues en passant par le punk, le prog, le rock ‘n’ roll, la country, le gospel et j’en passe. Sur « Click Clack », il renoue avec tous ces genres et compose même la moitié des titres.
Il s’est fait aider par Sarah Brown au chant, Tal Bergmann à la batterie, Iain Dixon au saxophone ténor, Danny Thompson à la basse et Freddy Koella à la mandoline. Il a aussi invité son ami Bryan Ferry (Roxy Music) à venir jouer de l’harmonica sur « Hear Your Daddy ».
C’est une rythmique musclée qui accueille « Hiline », qui mélange les genres et tient à la fois du jazz, de la soul et du funk. Il se caractérise par des claviers remarquables, avec quelques interventions judicieuses de Iain Dixon au saxophone ténor.
« Cure » est un magnifique blues avec de nouveau l’orgue en vedette mais avec des riffs de guitare époustouflants. Il a enregistré en partie les instruments dont il joue. Après un bref passage à la slide, le chant parfait de Sarah Brown, ancienne choriste de Roxy Music, vient rehausser le morceau de sa présence et lui donne une crédibilité supplémentaire.
« You Don’t Own Me » est aussi un titre country rock mid tempo qui soigne la mélodie avec beaucoup de brio. Ici, c’est Chris lui-même qui chante. Cela ne l’empêche pas de nous concocter des riffs dont il a le secret et son utilisation de la slide est superbe. La basse ajoute un peu de piment et contribue à la régularité du rythme imprimé par la batterie de Tal Bergmann, qui l’accompagnait déjà sur l’album précédent. C’est sans doute un des meilleurs morceaux de l’album mais il se termine de façon assez brutale.
« Why Are People Like That » est plus axé sur le funk et la voix magnifique de Sarah Brown lui apporte de l’ampleur par intermittence. Sa voix rappelle de loin celle de Aretha Franklin mais n’atteint pas sa qualité, même si sa performance est très bonne. L’harmonica est aussi très bien joué.
Assez mélancolique et très lazy, « Please Don’t » commence dans un style hawaïen un peu chaloupé et se déroule tranquillement sur fond de guitare slide, alors qu’il demande à sa dulcinée de ne pas le quitter, tandis que « Nobody » est un rhythm & blues qui évoque irrésistiblement les Rolling Stones et plus particulièrement les riffs sanglants de Keith Richards. On est très proche aussi du style personnel de Spedding pour ce genre de titre. C’est un des très bons morceaux de l’album.
Sur « Hear Your Daddy », on assiste à un impressionnant solo de Bryan Ferry à l’harmonica. Pour le reste, c’est un rock saccadé où la bass line tient une grande place, bien dans le style du guitariste vedette, avec l’orgue en arrière-fond. Les riffs de guitare sont la cerise sur le gâteau.
« Ramblin’ » est plus dans la tradition blues rock mais avec un zeste de jazz apporté par le saxophone ténor. Le travail de Tal Bergmann à la batterie est impressionnant. Le solo de guitare sera apprécié de tous et la basse donne le meilleur d’elle-même pour se mettre au diapason. L’harmonica complète le tableau.
Dans la tradition du country blues, « How To Get Rid Of The Blues » émerge de la conscience collective et rappelle des souvenirs douloureux à ceux qui ont subi des injustices. La slide et la mandoline de Freddy Koella ajoutent une dramatisation inattendue et la basse fait un travail considérable.
« No Other Baby », qu’il a chanté à Verviers il y a deux ans en la dédiant à une femme connue de lui seul, est un rock qui a été intégré à l’album et y fait très bonne figure, avec des riffs impressionnants entourés d’une section rythmique performante et d’un violon joué par Spedding en personne. Il effectue ainsi un come-back pour boucler la boucle, comme si tout était dit.
Simulant le bruit d’un train, « Click Clack » est un autre blues rock axé sur la guitare et l’harmonica. Il y donne libre cours à son inspiration et nous distille quelques salves de riffs plus convaincants les uns que les autres. C’est l’essence même du rock mais il y apporte des variantes personnelles dans le rythme et le phrasé.
Enfin, « Last Date », avec un saxophone proéminent et un piano qui soutient la réplique, rappelle les gospels des années cinquante, avec une musique parfois tonitruante et un peu emphatique.
En résumé, c’est un excellent album qui plaira à tous les amateurs de guitar heroes mais aussi aux amateurs de bonne musique variée. Chris Spedding, qui n’a plus rien à prouver, possède le feeling en plus d’une technique éprouvée de longue date. Il n’a sans doute plus l’adresse de sa jeunesse mais il compense par une approche différente et un professionnalisme jamais pris en défaut. Sa timidité et sa simplicité ne le poussent pas vers le contact avec le public mais une fois apprivoisé, il est très aimable.
Chris Spedding sera au Rétro de Béthune le 4 septembre et au Paradiso d’Amsterdam le 10 septembre avec Robert Gordon. Ensuite, il entamera une tournée avec Paul Thompson (Roxy Music, Concrete Blonde) à la batterie, Mick Green (Bryan Ferry, Roxy Music) à la guitare et Glen Matlock (Sex Pistols) à la basse. Elle passera par De Center de Gand le 21 novembre, par le Spirit of 66 de Verviers le 22 novembre et par le Blue Shell de Cologne le 23 novembre. Avis aux amateurs. Notez-le déjà dans votre agenda.
Les titres :
- « Hiline » (Chris Spedding)
- « Cure » (Chris Spedding)
- « You Don’t Own Me » (Mick Green / Lancaster)
- « Why Are People Like That » (Bobby Charles)
- « Please Don’t » (Chris Spedding)
- « Nobody » (Chris Spedding)
- « Hear Your Daddy » (Chris Spedding)
- « Ramblin’ » (Ornette Coleman)
- « How To Get Rid Of The Blues » (Chris Spedding)
- « No Other Baby » (The Vipers)
- « Click Clack » (Captain Beefheart)
- « Last Date » (Floyd Cramer)
Pays: GB
SPV Recordings SPV 78052
Sortie: 2005/08/29