ENUFF Z’NUFF – Diamond boy
Le label Frontiers Music se fait une spécialité d’aller repêcher dans les fossés du temps les groupes de hair metal, glam et autre hard FM qui ont eu leur petit moment de gloire à une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et qui en sont souvent réduits aujourd’hui à courir le cachet dans l’attente d’un hypothétique retour sur les plus hautes marches du succès. Mais ainsi passe la gloire du monde, on revient rarement sur les sentiers du triomphe. Pourtant, grâce à Frontiers, quelques combos au lourd passé parviennent à retraverser encore une fois le ciel sous les regards de ceux qui se souvenaient d’eux mais les ont oubliés ainsi que de ceux qui les découvrent pour la première fois. C’est ce qui arrive à Enuff Z’Nuff, un groupe de Chicago qui compléta un temps le tableau chargé du glam rock (ou power pop, comme le groupe le revendiquait vraiment) dans les années 90, avant de retourner chaotiquement dans les coulisses de la notoriété tout en ne lâchant cependant pas le morceau.
Formé en 1984, Enuff Z’Nuff (prononciation dénaturée de l’expression anglaise enough is enough) est fondé sur deux hommes : Donnie Vie (chant et guitare rythmique) et Chip Z’Nuff (basse). Ayant recruté Gino Martino (guitare) et B.W. Boeski (batterie), le groupe s’appelle d’abord Enough Z’Nuff et place son premier single « Fingers on it » dans la bande-son du mythique film d’horreur « Henry : portrait of a serial killer », en 1986. Puis en 1989, après le choix définitif du nom, trois changements de guitaristes et un changement de batteur, Enuff Z’Nuff connaît enfin le succès avec son premier album éponyme qui monte à la 74e place des charts du Billboard 200 américain, notamment grâce aux singles « New thing » et « Fly high Michelle » qui grimpent respectivement aux 67e et 47e places du Hot 100. Ce sera la meilleure performance du groupe aux Etats-Unis. Après encore une 143e place pour le deuxième album « Strength » en 1991, le grand moment d’Enuff Z’Nuff est déjà passé.
Commence alors un tourbillon de faits plus ou moins glorieux, avec allers et retours multiples de Donnie Vie dans son groupe, changements de labels (d’Atco vers Arista, par exemple) et de décès (le guitariste Derek Frigo et le batteur Rick Parent, deux des musiciens qui étaient restés le plus longtemps dans le groupe). Et dans tout ça, toujours pas le moindre signe de retour dans les hauteurs du classement malgré une succession ininterrompue de disques. Il n’y a qu’au Japon qu’Enuff Z’Nuff parvient à se maintenir assez haut grâce à la fidélité indéfectible de son public nippon.
Et nous en arrivons finalement au quatorzième album cette année, le deuxième placé chez le label Frontiers, avec un Enuff Z’Nuff qui ne compte plus que Chip Z’Nuff comme membre original. Ce dernier a repris le chant à son compte et a reformé en 2016 une équipe nouvelle autour de Tory Stoffregen (guitare, déjà dans le groupe depuis 2008), Tony Fenelle (guitare rythmique, ex-Ultravox) et Daniel B. Hill (batterie). Il semble que ce sang neuf ait redonné des couleurs à Enuff Z’Nuff qui retrouve avec ce nouvel album une inspiration digne de ce nom. Le disque a d’ailleurs refait son apparition dans les charts US (33e place dans le Billboard indépendant).
Et tout cela fait sens puisque « Diamond boy » est étonnant de jouvence, de classe et d’une force tranquille qui donne du cachet à chacune des onze chansons qui le composent. La voix de Chip Z’Nuff, d’abord, est une nouveauté dans le groupe puisque c’est la première fois que le bassiste vient pousser la chansonnette sur un album d’Enuff Z’Nuff. Il faut dire que l’organe quelque peu nonchalant et planant du bon Chip ne manque pas de charme. Les chansons sont essentiellement power pop, avec un style bien particulier qui donne à penser à des chansons des Beatles qui seraient jouées par des artilleurs de montagne. Les guitares sont charnues, on ne s’excite pas trop sur les tempos et on distille en fait une pop psychédélique assez puissante qui sait envouter l’auditoire.
Les choses commencent dans la force et la joie sur la première partie de l’album (« Diamond boy », « Where did you go », « Fire & ice ») pour dériver peu à peu vers plus de tranquillité (« Faith, hope & luv », « Dopesick »), mais toujours dans la grâce d’un rock plus power que pop et dans lequel ne surnage aucune vulgarité (c’est n’est donc définitivement pas du glam rock ni du hair metal). La dernière chanson est étonnante : « Imanigary man » est quasiment un pompage du « For no one » des Beatles, avec une ambiance à la « Sergeant Pepper ». Preuve que c’est bien de pop dont il s’agit ici, avec un je-ne-sais-quoi de classe et de puissance qui rend cet album délicieux.
Pays: US
Frontiers Music
Sortie: 2018/08/10