MAKHNO – Leaking words
Derrière ce nom de Makhno se cache un certain Paolo Cantù, musicien italien qui roule sa bosse depuis une trentaine d’années au service d’une multitude de projets plus ou moins aventureux ou anarchiques. L’anarchie est d’ailleurs un terme intéressant pour définir la personnalité de Paolo Cantù, puisque celui-ci tire le nom de Makhno de Nestor Makhno (1889-1934), anarchiste libertaire ukrainien qui s’était battu à la fois contre les armées tsaristes et les armées bolcheviques lors de la guerre russe de 1920 avant de trouver exil en France.
Notre Makhno musical a donc un passé puisqu’on trouve sa trace dans différents combos italiens d’obédience noise ou indus, comme Tasaday (important groupe lombard ayant émis des albums durant une vingtaine d’années), Afterhours (un groupe de rock alternatif des années 90, toujours actif aujourd’hui), Sixty Minute War Madness (post-rock de la fin des années 90), A Short Apnea (trio expérimental du début du 21e siècle), EAReNOW (encore un trio monté avec Xabier Iriondo, autre gros producteur de disques fous sous de nombreux projets et habituel collaborateur de Paolo Cantù sur tous ses projets), Uncode Duello (toujours avec Xabier Iriondo, comme on vient de vous le dire). Au passage, Paolo Cantù a également fait partie du mythique Damo Suzuki’s Network monté par l’ex-chanteur de Can.
Ainsi, en matière de boucan éruptif et de bouillonnements électroniques caractériels, Paolo Cantù n’a de leçon à recevoir de personne. Personne, c’est précisément le principal accompagnateur de Palo Cantù dans Makhno, puisque celui-ci évolue seul dans ce projet. Makhno a déjà inoculé dans le monde moderne trois albums, « Leaking words » étant le dernier en date. Y a-t-il eu une évolution entre « Silo thinking » (2013), « The third season » (2015) et « Leaking words »? Euh, pas vraiment puisqu’on on retrouve toujours la même cohérence commune entre ces trois disques, c’est-à-dire que rien n’est cohérent. Divagations électroniques saupoudrées de guitares saturées sur « Silo thinking », on remet ça sur « The third season » avec quelques martèlement déments de batterie en plus, et on renouvelle la formule sur ce « Leaking words », avec des ambiances encore plus étranges et caverneuses. Paolo Cantù joue tous les instruments (essentiellement guitare et machines électroniques) et se fait aider au chant par quelques invités, comme Federico Ciappini sur « La ragazza in coma » et « Attese », Hysm? (c’est son nom, il faut respecter) sur « Sunday Clouds » ou Andrea Bordoni sur « Can the world be as sad as it seems? ».
Ça commence nerveusement avec « La ragazza in coma » mais qu’on se rassure, ça reste dingo jusqu’au bout avec les élucubrations hésitantes de « Techno (Berlino inSottofondo) », les grincements de guitare de « Slowing down (An aspect as a whole) », les épaisseurs assourdissantes de « You can’t run the church on Hail Marys », le bruitisme acide de « Sunday clouds », les rythmiques obsédantes d' »Attese », le délire tout simplement total de « Not in your shoes » ou les stridences apocalyptiques des neuf minutes du final « Can the world be as sad as it seems? ».
Après avoir écouté tout ceci avec intérêt, je me suis commandé un nouveau lot de camisoles de force ainsi qu’une douzaine d’entonnoirs, on ne sait jamais au cas où la saison de l’électro-noise-indus anarchique s’annoncerait riche cette année…
Pays: IT
Wallace Records
Sortie: 2018/03/15