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WISHBONE ASH – Raw to the bone

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Nous poursuivons l’analyse des deux albums de Wishbone Ash remontant aux années 1980 et réédités par Cherry Red. Après « Twin barrels burning » (1982), voici « Raw to the bone » qui va nous révéler beaucoup de faits intéressants concernant le Wishbone Ash du milieu des années 80.

A cette époque, Wishbone Ash fait partie de ces groupes rock anglais ayant leurs plus beaux jours derrière eux, ayant d’abord été secoués par la vague punk rock de 1977-78, immédiatement relayée par la fameuse New Wave Of British Heavy Metal qui allait orienter toute la scène hard rock britannique vers des territoires beaucoup plus métalliques et brutaux en ces glorieuses années 1980-85.

Pour ce qui le concerne, Wishbone Ash traverse cette période comme un navire en pleine tempête ayant perdu sa boussole et se retrouvant obligé de se laisser porter par les eaux en espérant ne pas aller s’écraser contre des récifs inattendus. Mais, à titre de coup de chance, le groupe d’Andy Powell et de Steve Upton va connaître quelques vents favorables qui vont le tirer d’affaire, momentanément… Car les choses ne sont pas simples au départ. En 1982, le label de Wishbone Ash, MVA (monté par le management du groupe), a dépensé des fortunes pour la production de son album « Twin barrels burning », ce qui a mis la compagnie presque sur les jantes et les musiciens du Ash sommés de tourner à outrance pour remettre un peu de beurre dans les épinards, à défaut de renflouer les caisses avec leurs propres deniers, si besoin est. Devant cette situation inquiétante, le bassiste Trevor Bolder préfère se casser en douce, s’estimant peu concerné par une solidarité financière envers un groupe qui venait juste de l’engager. Et voici donc Bolder reparti dans le giron de son Uriah Heep d’origine et Wishbone Ash en panne de bassiste. Heureusement, la perle rare est trouvée en la personne de Mervyn Spence, un fan du groupe qui a tout donné lors de son audition et a même révélé un talent vocal insoupçonné, revisitant les classiques de Wishbone Ash dans les aigus. Le garçon est donc engagé et se voit signifier qu’il a une semaine pour assimiler une vingtaine de morceaux du répertoire de Wishbone Ash, le groupe étant sur le point de partir en tournée.

Le miracle est accompli et la tournée de Wishbone Ash se passe bien. De retour au bercail, le groupe planche sur un nouvel album et est conscient que ce nouveau disque devra pouvoir rivaliser avec les sonorités énervées et viriles de la New Wave Of British Heavy Metal si Wishbone Ash veut se maintenir au meilleur niveau commercial dans sa chère Angleterre. Ici encore, Mervyn Spence vient au secours du groupe avec des compositions de son cru qui lorgne plus vers un rock dur que ce que Wishbone Ash a l’habitude de faire. Les compos sont travaillées en studio et Wishbone Ash couche sur cire une dizaine de morceaux qui vont constituer « Raw to the bone ». Mais un autre obstacle émerge, celui de la maison de disques, qui n’existe tout simplement pas. MVA a en effet cessé d’exister et Wishbone Ash n’a plus aucune écurie où se réfugier. Ici, c’est le management du groupe qui parvient à conclure un accord avec la maison allemande Metronome, qui assurera une distribution du disque, mais uniquement en Europe germanophone (Allemagne de l’Ouest, Autriche, Suisse). Pour le reste du monde, Wishbone Ash sera pris en compte par Neat Records, ce qui est très étonnant quand on sait que ce label est spécialisé dans les jeunes groupes les plus radicaux de la New Wave Of British Heavy Metal (Venom, Raven, Atomkraft, Blitzkrieg, Satan…). De vieux dinosaures comme Wishbone détonnent plutôt crument parmi cette horde de jeunes fauves aux dents longues. Mais il faut faire avec et il faut surtout illustrer l’album d’une pochette évoquant la cruauté et la sauvagerie de la New Wave Of British Heavy Metal. C’est l’illustrateur Nigel Lowe qui reçoit un jour l’injonction de pondre une pochette en deux jours chrono et l’homme ne trouve rien de mieux que de dessiner en un week-end, et avec une grippe carabinée, un dessin représentant une femme des cavernes dévorant un bout de fémur sur fond de décor néolithique plutôt glauque. Ainsi, Wishbone Ash s’offrait la pochette d’album la plus laide de sa carrière.

L’album sort ainsi fin mai 1985 et va connaître un succès assez modeste, passant largement à côté des classements dans les charts anglais. Il connaît néanmoins un succès d’estime chez les critiques, le magazine Kerrang! lui attribuant une excellente note. Un coup de chance pour Wishbone Ash, qui pouvait ainsi faire bonne figure en pleine explosion du thrash metal américain et se voir à peu près aussi bien coté que le « Hell awaits » de Slayer, le « Thunder in the East » de Loudness ou le « Innocence is no excuse » de Saxon. Aujourd’hui, quand on évoque ces quatre albums, il faut bien reconnaître que c’est le « Raw to the bone » qui passe complètement inaperçu dans les mémoires.

Pourtant, comparé à son prédécesseur « Twin barrels burning », cet album de 1985 est quand même relativement sympathique. L’ensemble est daté aujourd’hui, fleurant bon un hard FM typiquement Eighties qui a un peu pris la poussière (« Dreams (Searching for an answer) ») ou tentant de dégager une brutalité surannée (« People in motion »). Mais quelques écoutes successives permettent de repérer le chant pointu et habile de Mervyn Spence, une reprise intéressante de Little Feat (« Rocket in my pocket ») ou des réminiscences encore assez fines du style classique de Wishbone Ash (« Love is blue », « It’s only love »). On ne va pas hurler ici au génie mais ce n’est pas non plus aussi ignominieux que ça.

Après « Raw to the bone », Wishbone Ash va retourner dans une certaine tourmente, marquée par le départ du pourtant indispensable guitariste Laurie Wisefield (qui ira gagner sa croûte chez Tina Turner et Joe Cocker, plus rémunérateurs en terme de carrière et d’émoluments), suivi de l’enthousiaste Mervyn Spence, pour raisons familiales. Wishbone Ash retrouve un peu de prestige avec la reformation de son équipe d’origine (Andy Powell, Ted Turner, Martin Turner et Steve Upton) pour trois albums de 1988 à 1991. Aujourd’hui, bien des années plus tard, Andy Powell est le seul membre original restant de la formation anglaise. Le dernier album de Wishbone Ash remonte à 2014, il n’est pas mal du tout et tous ceux qui veulent voir le Ash en concert savent que le groupe fait toujours sa visite annuelle de janvier au spirit Of 66 à Verviers.

N’oublions pas non plus de mentionner que la réédition de Cherry Red fournit quatre morceaux totalement inédits sur le premier CD et exhume des enregistrements à la BBC sur un second CD, parmi lesquels on peut entendre des versions des classiques « Living proof » (de l’album « Just testing » de 1980) et surtout des fabuleux « The king will come » et « Blowin’ free », extraits de l’immense album « Argus » de 1972. Ça, ce sont des petits cadeaux qui remontent considérablement la note de cet album.

Pays: GB
Cherry Red Records
Sortie: 2018/02/02 (réédition, original 1985)

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