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DAMNED (The) – Evil Spirits

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Les Damned sont sans doute le groupe de tous les exploits. Ils ont été le premier groupe punk à émerger dans la bouillonnante Angleterre des années 1976-77, devançant de huit bons mois la sortie du légendaire « Never mind the bollocks » des Sex Pistols, avec leur premier album « Damned Damned Damned » en février 1977. Ils ont ensuite été un combo qui a survécu à bien des péripéties de son équipage, avec le penseur Brian James (guitare) qui quitte le navire juste après le deuxième album ?Music for pleasure?, éreinté par la critique à la fin de 1977. Ce départ sera suivi d’incessants va-et-vient de Captain Sensible (basse, puis guitare) et même de Rat Scabies (batterie), qui met les voiles définitivement en 1995, laissant le chanteur Dave Vanian seul membre permanent des Damned à n’avoir jamais été tenté par une escapade. Les Damned sont également le plus vieux groupe punk anglais historique à être encore en activité et à n’avoir jamais connu de temps mort dans sa carrière, même si plusieurs années ont parfois espacé les sorties d’albums. Oublions donc les Sex Pistols, petits escrocs poseurs du rock and roll, les Stranglers, faux punks mais vrais progueux, ou les Clash, des sociaux-traîtres ayant échangé l’authentique combat ouvrier anglais contre des chimères caribéennes à la fin de leur carrière. Voici les vrais, les purs, les durs Damned qui reviennent aujourd’hui avec un nouvel album, juste dix ans après la sortie de leur précédent « So, who’s paranoid ».

Enfin, les durs… On va relativiser un peu à l’écoute de ce nouvel album « Evil spirits » qui amoncelle sur ses épaules quarante années d’expériences musicales ayant vu les Damned passer du punk juvénile électrifié à un certaine new wave gothique, dont on a vu l’évolution au cours des albums « Machine gun etiquette » (1979), « The black album » (1980), « Strawberries » (1982), « Phantasmagoria » (1985), « Anything » (1986), « Not of this Earth » (1995) ou « Grave disorder » (2001). Il était même question sur la fin d’un petit penchant pour un rock plutôt psychédélique. C’est donc armé de ces pensées préalables qu’il faut aborder « Evil spirits » si on veut saisir toute la subtilité du disque, produit qui plus est par le grand Tony Visconti. Car si on se jette d’entrée de jeu sur « Evil spirits » en pensant réentendre « Damned Damned Damned », la douche risque d’être glaciale.

Et ainsi, avec la grille de lecture qui va bien, on se prend à découvrir toute la finesse et la force des nouvelles compostions des Damned, qui trouvent Dave Vanian fort en voix et Captain Sensible magnifiquement costaud dans ses parties de guitare. Les autres lascars Monty Oxymoron (claviers), Paul Gray (basse) et Pinch (batterie) sont également touchés par la grâce des musiciens qui ont compris qu’ils étaient en train d’écrire un bon album. Pourtant, rien n’était gagné d’avance quand on sait que Tony Visconti, qui n’avait plus produit de groupes depuis des années (au profit d’artistes solo), avait accepté de bosser avec les Damned en n’ayant entendu aucune démo préalable des nouveaux titres. La bande à Dave Vanian revenant en studio dix ans après le dernier album, il y avait lieu de craindre un peu de rouille dans l’imaginaire musical du groupe. Et pourtant, tout a parfaitement bien fonctionné entre Tony Visconti, calme et rassurant derrière la console, et les Damned qui ont sans doute cherché à réaliser un grand ultime album, histoire de rassurer les fans et de consolider leur prestige. Le disque est ficelé en à peine dix jours pour l’enregistrement et les dix chansons sélectionnées (parmi un nombre deux fois plus grand parmi les nouvelles compos) s’enchaînent harmonieusement et finement.

Il n’est donc plus question ici de punk des origines mais d’un rock que le magazine Rock & Folk, dans son numéro d’avril 2018, a judicieusement qualifié de britannicana, copiant la formule sur l’americana, ce rock américain qui n’est plus folk ou west coast mais qui est un peu des deux. Nous approuvons cette formule à l’écoute d' »Evil spirits », qui mélange harmonieusement un rock encore énergique (« Sonar deceit », « Procrastination »), un psychédélisme mûr et urbain (« The daily liar ») et ballades de grand style (« Look left », « I don’t care »), tout en défendant un esprit authentiquement anglais. Les Damned aménagent aussi de façon très intelligente le déroulement de leur album, démarrant avec une prise en main alliant douceur et énergie (« Standing on the edge of tomorrow », « The devil in disguise ») et faisant évoluer les morceaux selon une logique qui marque de plus en plus les esprits à mesure que l’on progresse dans le disque. Et surtout, au fil des écoutes, des morceaux qui semblaient anodins, comme « We’re so nice » ou « Evil spirits », deviennent de plus en plus marquants, relevés qu’ils sont par les solos excellents de Captain Sensible. Et cela est valable pour l’ensemble de l’album qui finit par devenir un compagnon fidèle du mélomane électrique.

Il n’est pas insensé de dire qu’on tient en fait le meilleur album des Damned depuis… « Damned Damned Damned »? Difficile de dépasser ce crucial premier album mais il est clair que nos toujours fringants sexagénaires londoniens ont commis ici un remarquable ouvrage musical.

Pays: GB
Search And Destroy Records
Sortie: 2018/04/13

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