FEED THE RHINO – The silence
En voyant arriver ce nouvel album de Feed The Rhino, nous nous réjouissions déjà à l’idée d’entendre un hardcore aussi percutant et convaincant que ce que le groupe avait apporté sur son précédent album « The sorrow and the sound« . On se voyait déjà observant l’envol du bel oiseau métallique avec son chargement de bombes punk hardcore, prêt à continuer le bouleversement des règles post-hardcore et metalcore opéré avec ce disque de 2014. Oui, sauf qu’ici, l’envol de l’oiseau métallique fait plutôt l’effet d’un décollage poussif d’un vieil albatros souffreteux emportant dans ses pattes quelques grenades à plâtre parfaitement inoffensives. Parce que le ramassage de Feed The Rhino avec son nouvel album « The silence » est la plus fabuleuse déception de l’histoire du rock depuis le passage de Fleetwood Mac du blues lourd au rock west coast.
Lee Tobin (chant), James Colley et Sam Colley (guitares), Oz Craggs (basse) et Chris Kybert (batterie) tenaient le monde entre leurs mains avec « The sorrow and the sound ». Ils avaient ouvert une fenêtre qui laissait passer un air frais dans l’univers compassé du metalcore. Ils avaient réintroduit une certaine virilité dans une scène trop souvent sujette à un conformisme douillet, bien calée dans une absence de prise de risque digne d’une maison de retraite. Et ici, sur ce nouvel album « The silence », c’est le faux pas, le retour dans le rang, la peur de se détacher du troupeau et de passer pour une bande de décalés bizarres, indignes de vivre dans notre nouveau monde feutré et niveleur par le bas.
C’est donc à un virage à 180 degrés (ce qu’on appelle une volte-face) que se livrent nos Anglais du Kent, avec une série de titres qui se sont vite empressés de retourner dans le giron protecteur du metalcore le plus conventionnel, quasiment débarrassé de tous ses apparats hardcore et reprenant tous les poncifs du genre, refrains mélodiques de voix angéliques en tête. Ceux qui suivent l’évolution de mes rapports difficiles avec le metalcore (entre haine et amour, en quelque sorte) savent que ce style de refrains tout en gentillesse intervenant après une charge électrique hyper puissante a le don de m’horripiler. Soit on démantèle tout à coups de hache, soit on fait dans l’organdi, la mousseline et le pampre, mais on ne fait pas les deux en même temps. La schizophrénie a bien des attraits, mais pas dans le metalcore.
De « Timewave zero » à « Featherweight » en passant par « Heedless », « Yellow and green » ou « Fences », on a donc à subir un hardcore très encombré de metalcore avec tout ce qu’il a d’irritant. Une certaine violence surnage et marque néanmoins quelques points, mais le tout a de gros airs de déjà entendu. Sauvons néanmoins de ce peloton uniforme les titres « All work and no play makes Jack a dull boy » (tiré de la fameuse phrase écrite des milliers de fois par Jack Nicholson dans le film « The shining ») et « Nerve of a sinister killer » qui tiennent une ligne plus dure, débarrassée des tentations mélodiques gentillettes. Mais à part ça, on reste lourdement sur notre faim.
C’est donc, en ce qui me concerne, un petit peu la douche froide avec ce nouvel album de Feed The Rhino. C’est rosse comme critique mais c’est bien souvent ce qui arrive quand de grands espoirs et une grande admiration ont été déçus. L’espoir reste néanmoins toujours présent de voir un jour revenir ce groupe vers des inspirations plus brutales. Il en est capable, il l’a montré par le passé, et c’est déjà une lueur dans la nuit.
Pays: GB
Century Media
Sortie: 2018/02/16