SLUND – Brain dysfunction
C’est en musardant au hasard sur le site Bandcamp en quête d’une petite pièce musicale capable de dissoudre les graisses accumulées aucours des repas de fêtes de fin d’année que je suis tombé sur ce groupe Slund et cet EP qui m’a fait immédiatement fait perdre trois kilos dès la première écoute. Heureux de l’efficacité du régime, j’ai donc effectué quelques recherches afin de faire profiter la communauté scientifique de ce phénomène rare. Et si Slund est aussi efficace, c’est parce qu’il se livre à un grindcore extrême d’une impitoyabilité peu commune. Vous voilà donc avertis : ce qui suit devrait être interdit aux moins de douze ans, mais comme c’est à cet âge que s’enracinent le plus durablement les passions musicales, nous ne pouvons qu’encourager grands et petits à se laisser ravager par la sauvagerie ultime de ces enfants de choeur de Slund.
Le pluriel est d’ailleurs superflu pour quaifier Slund puisqu’il n’est constitué que d’un seul membre qui fait tout, du hurlement de pestiféré jusqu’à l’écrasement de fûts à 4000 coups/minute en passant par le broyage de basse et l’assaut à mains nues sur des guitares en acier trempé. Le gusse s’appelle Igor Mortis et il vient de Slovénie, pays peu connu en matière rock mais qui a quand même engendré des cas cliniques inquiétants comme les légendaires industrialistes punko-militaristes de Laibach.
On ne sait pas où le brave İgor Mortis a enregistré cet EP mais j’opterais volontiers pour une grotte ou un bunker de la Seconde Guerre mondiale, avec encore des fantômes de nazis dedans. Dans un premier album long format (« The call of agony », sorti en février 2017), Slund abordait avec brio des rivages sludge metal et doom icroyablement graisseux et lourds. İci, İgor Mortis se livre à une combinaison grindcore/sludge qui détruit tout. Avec une durée de moins de dix minutes et un total de 14 titres, on se doute bien que certains morceaux vont tenter de battre des records de brièveté, dans la grande tradition grindcore. Et en effet, avec ses deux secondes, « You are creating a vacuum, both physically and mentally » ne bat certes pas les une seconde six dixièmes de « You suffer » de Napalm Death mais il parvient à être le morceau dont la lecture du titre prend plus de temps que sa durée d’écoute. İdem pour l’insensé « Haha, you spend your time on social media », qui dure quand même cinq secondes, ce qui laisse juste le temps de lire son titre. Certains morceaux sont annoncés par des extraits de discours scientifiques des années 60 sur le traitement des maladies mentales, un thème qui semble obséder, on le comprend, notre cher İgor Mortis.
Quasiment aucun titre ne dépasse la minute et avec ses deux minutes et dix secondes, le dernier morceau « Cognitive dissonance » fait figure de chanson-fleuve, d’opéra-rock, de « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust en quinze volumes. C’est avec un sludgecore (on peut tenter ce néologisme pour définir la musique de Slund) d’une effrayante brutalité que se termine cette petite aubade thermonucléaire qui nous permet de commencer l’année sur un mode tonique et psychiatrique. Car ce disque rend fou, est-il besoin de le préciser? Le médecin assis à côté de moi dans l’ambulance retire l’entonnoir de sa tête pour me confirmer qu’il est d’accord avec cette conclusion.
Pays: SI
Red Truth Records
Sortie: 2017/11/25