ZEA – Moarn gean ik dea
Derrière ce nom de Zea se cache en fait un seul musicien du nom d’Arnold De Boer. D’après le patronyme, on aura compris que ce garçon est néerlandais. Frison, plus précisément. Et la Frise, aux Pays-Bas, c’est toute une culture. On y parle une langue bizarre en regardant passer les lourds nuages gris au-dessus de champs et de prairies gorgées d’eau. Cette région agricole pas très engageante a quand même le mérite d’inspirer certaine artistes, comme Arnold De Boer, qui raconte ici son blues en langue frisonne avec ce nouveau disque un peu inhabituel par rapport à son projet Zea qui existe quand même depuis une bonne vingtaine d’années.
Les premiers albums de Zea se font avec du personnel (Anton van de Kerkhof à la guitare, Corina Kuiper à la basse, Michiel Verburgh à la batterie, Remko Muermans aux claviers et samplers). Arnold De Boer chante en anglais et est à l’époque inspiré par un pop rock assez électronique, primesautier et gentillet. Puis après le premier album « Kowtow to an idiot » (2000), Arnold De Boer met tout le monde dehors, conserve Remko Muermans le temps des albums « Today I forgot to complain » (2003) et « Insert parallel universe » (2006) en conservant cette ligne électro-pop un peu impertinente et décalée (« Counting backwards leads to explosions », « Flying objects will reach you soon », « My bed is a monument of hate against my job », « Boredom for beginners »). « The Beginner » (2010) se veut plus punk dans son esprit. Il faut dire que depuis 2009, Arnold De Boer a aussi rejoint le légendaire groupe punk néerlandais The Ex, qui vient de la même région que lui et existe depuis 1979.
Au fil du temps, Arnold De Boer a tendance à devenir de plus en plus expérimental dans ses œuvres, avec l’étrange « The swimming city » (2014), où les effets électroniques environnent un chant clairement détaché et mélodieux. « The 7 » cassette » (2015) est en quelque sorte à la croisée des chemins, avec une cohabitation entre pop électro nerveuse, post-punk simpliste et folk acoustique. C’est cette orientation folk qui prime résolument sur le dernier album « Moarn gean ik dea », chanté intégralement en frison (un dialecte dérivé du néerlandais). Ici, Arnold De Boer opère une rupture complète avec ses albums précédents, se tournant vers la sagesse du musicien seul, gagné par la quarantaine. La jeunesse frivole semble laisser la place à la gravité de l’âge mûr, quand les rhumatismes portent plutôt les choix vers l’introspection que vers la fête. Seul avec sa guitare et une rythmique discrète, Arnold De Boer compose des chansons tantôt intenses (« Effter it gerdyn »), tantôt mélancoliques (« Moarn gean ik dea », « Wurch », « Gles wadsze », « Luk de triedden fan de wand »), que la barrière de la langue n’empêche pas de passer au travers du cœur.
Cet album résolument calme est une première pour Arnold De Boer. Commencer à découvrir cet artiste par ce seul disque mènerait à des incompréhensions concernant la carrière du personnage. On aurait pu y voir ici un vieux gratteur de guitare sèche ronchonnant dans sa barbe mais l’écoute de ses disques précédents nous fait comprendre que le bonhomme a une large palette artistique, qui mérite sincèrement d’être découverte.
Pays: NL
Makkum MR-20
Sortie: 2017/04/20