KOOPER, Al – Black Coffee
Le seul nom d’Al Kooper évoque toute une époque et c’est toujours un plaisir que de retrouver un artiste de ce calibre.
Né en 1944 à Brooklyn, il étudie d’abord le piano, puis la guitare. Particulièrement brillant, on le retrouve au sein de la formation Royal Teens dès l’âge de quatorze ans et, à seize ans, il est engagé comme musicien de studios et compositeur professionnel.
Entre 1964 et 1972, sa carrière explose littéralement et on le voit partout. Il compose quelques hits pour d’autres artistes comme Gary Lewis et Gene Pitney. Il travaille avec Bob Dylan (« Highway 61 Revisited », « Blonde on Blonde », « New Morning »), le Blues Project, les Who, les Rolling Stones (« Let It Bleed »), Jimi Hendrix (« Electric Ladyland »), Joan Baez, Simon & Garfunkel, B.B. King, dont il organise également la première jam avec Eric Clapton, Shuggie Otis, Taj Mahal, Moby Grape, … Il développe un nouveau style de fusion « Rock-Jazz » avec Blood, Sweat & Tears, qu’il quitte après le premier album. Chicago reprendra bientôt le flambeau et l’exploitation de ce genre musical hybride, marqué par une imposante section de cuivres très « Jazz », sur une base foncièrement « Rock ». Il se lance simultanément dans la production et rencontre un succès notoire avec « Super Session », qui comprend Steve Stills et Mike Bloomfield, puis poursuit avec « The Live Adventures of Al Kooper and Mike Bloomfield » avec également Carlos Santana. Il publie cinq albums en solo durant cette période.
De 1973 à 1980, même s’il poursuit occasionnellement un travail de musicien de session, sa carrière de producteur prend généralement le dessus. Il fonde « Sound of the South » à Atlanta (Géorgie), découvre Lynyrd Skynyrd et produit leurs trois premiers albums. Il poursuit sur sa lancée avec The Tubes, Nils Lofgren (l’immense « Cry Tough »), Lenny White, le Johnny Van Zant Band (le fantastique « No More Dirty Deals »), Eddie & The Hot Rods, … Souvent, il y ajoute sa petite touche aux instruments et participe parfois à la composition.
A partir de 1981, toutes ses différentes activités, augmentées de musiques de films, s’entremêlent, toujours avec de belles pointures (Jeff Baxter, Joe Walsh, Bob Dylan, Bill Wyman, Ron Wood, …), mais à un rythme moins soutenu. Si le guitariste de « Blues » Mike Bloomfield reste un de ses partenaires importants jusqu’à sa mort en 1981, Bob Dylan demeure, à travers toutes les époques, l’artiste qu’il retrouve le plus régulièrement, en tournée et sur disque.
Ce nouvel album, son septième seulement en solo, est savoureux de bout en bout. Il développe tout ce qui a constitué sa copieuse vie d’artiste, dans toute sa diversité. Il alterne ou mélange du « Rock », du « Blues », du « Jazz », des compositions personnelles, des reprises, des parties en « Live », certaines où il joue seul de tous les instruments, d’autres où il est accompagné. Il se défoule également au chant où il se révèle parfois un étonnant imitateur, dans le bon sens du terme.
Autre élément attrayant, le livret d’accompagnement de ce CD détaille synthétiquement, mais précisément, la carrière d’Al Kooper, année par année, et Andrew Oldham, l’ancien producteur et manager des Rolling Stones, y va d’un long commentaire bien intéressant sur les quatre premières pages.
Voici les titres (69’00) :
- « My Hands Are Tied » (Al Kooper) (4’51)
- « Am I Wrong » (Kevin Moore) (3’28)
- « How My Ever Gonna Get Over You » (Al Kooper) (5’34)
- « Going, Going, Gone » (Al Kooper/Dan Penn) (4’57)
- « Keep It To Yourself » (Al Kooper) (5’20)
- « Get Ready » (Smokey Robinson) (3’13)
- « Imaginary Lover » (Al Kooper/Sandi Stewart) (3’37)
- « Green Onions (Live !) » (Jones/Steinberg/Cropper/Jackson) (6’23)
- « Another Man’s Prize » (Al Kooper) (6’06)
- « Childish Love » (Al Kooper) (3’25)
- « Got My Ion Hue » (Hal Lindes) (4’18)
- « Just for a Thrill » (Don Raye/Lil Armstrong) (3’54)
- « Comin’ Back in a Cadillac (Live !) » (Al Kooper) (9’54)
- « (I Want You To) Tell Me The Thruth » (Al Kooper) (3’54)
avec les musiciens ci-dessous :
- Al Kooper : Claviers, Guitares, mandoline, Basse, Hautbois, Cordes, Cor, Percussions & Vocaux
- Bob Doezema : Guitares (1, 3, 4, 8, 11, 12, 13, 14)
- Tom Stein : Basse (1, 3, 4, 8, 11, 12, 13, 14)
- Larry Fin : Batterie (1, 3, 4, 8, 12, 13, 14)
- Anton Fig : Batterie (6, 11)
- Jeff Stout : Trompettes (1, 4, 11, 12, 13, 14)
- Daryl Lowery : Saxophones (1, 3, 4, 11, 13, 14)
- Curtis King : Chœurs (1, 4, 5, 13, 14)
- Jimmy Vivino : Chœurs (4, 14)
- Sherryl Marshall : Chœurs (1, 4, 5, 13, 14)
- Catherine Russell : Chœurs (1, 4, 5, 13, 14)
- Sandi Stewart : Chœurs (7)
« My Hands Are Tied » se situe dans la stricte tradition de ses premiers albums en solo et s’appuie harmonieusement sur un gros travail des cuivres, une belle couverture des choristes, un chant omniprésent, un court solo de guitare et l’orgue.
La reprise « Am I Wrong » est poignante. C’est un « Blues » sautillant où guitare et mandoline se relayent sur un chant qui rappelle clairement le « Deep South » et le Ronnie Van Zant alcoolisé et traînant de certaines pièces de « Nuthin Fancy ». Dans un autre genre et à un autre rythme, ces mêmes intonations vocales se retrouvent sur le classique « Get ready ».
Le cool et sirupeux « How My Ever Gonna Get Over You », tout comme le feutré « Going, Going, Gone » et « Just for a Thrill » s’étirent avec élégance dans des ambiances typiquement « Blues » et « Jazz » rappelant Ray Charles, ce que le chant accentue encore d’un cran. Le saxophone est mis en valeur dans la première pièce, la trompette dans la troisième.
Le languissant « Keep It To Yourself » reprend le cap « Sudiste ». On se croirait sur un album de J.J. Cale. Le chant d’Al Kooper lui ressemble étonnamment, les choristes y sont merveilleux de force et d’émotion ; l’orgue et la guitare, même dans le solo final, traînaillent plaisamment.
Les talents de multi-instrumentiste d’Al Kooper s’étale sur le beau « Imaginary Lover ». Chaque instrument s’y agence de façon parfaitement équilibrée, parfois même par de minuscules traits. Par contre, le chant y paraît un peu forcé et ridicule, mais sans nuire à l’ensemble.
Un autre classique du « Blues », « Green Onions », enregistré en concert en 2001, sans vocaux, met surtout le groupe en valeur et permet de longs solos à la guitare et à l’orgue, comme à l’époque des « Super Sessions ».
Dans « Another Man’s Prize », le chant croise Bob Dylan et Bruce Springsteen.
« Childish Love », particulièrement bien foutu, respire totalement l’odeur du Lynyrd Skynyrd de « Nuthin Fancy » tant par le chant, que par le rythme et les guitares. Une perle!
On peut dire exactement la même chose pour « Got My Ion Hue » sauf qu’il ne faut plus parler de Lynyrd Skynyrd mais de David Lindley, son côté un peu fou compris et le solo de guitare, augmenté des cuivres. Une autre perle!
Interprété en longue formation, le long « Comin’ Back in a Cadillac », plus banal, montre la chaude ambiance en « Live », sur une pièce plus typique de ses albums solos.
« (I Want You To) Tell Me the Truth », dans la même veine, est écrit en hommage aux deux musiciens décédés du Band, le bassiste Rick Danko et le claviériste Richard Manuel.
Un très bon album, impeccablement réalisé, qui déroule différents volets de sa brillante carrière et paraît souvent comme un clin d’œil aux artistes qu’il a côtoyé.
Pays: US
Favored Nations FN 2520-2
Sortie: 2005/07/12