GOV’T MULE – Revolution come… revolution go
Avec 23 ans de carrière, Gov’t Mule a fini par devenir une pierre angulaire de la scène rock sudiste / americana aux Etats-Unis. Ce qu’on retient de ce groupe après toutes ces années, ce ne sont pas vraiment ses albums solos mais ses formidables disques live où même les bootlegs où on entend Warren Haynes et son groupe inonder le public sous des flots ininterrompus de reprises de classiques du rock et des solos de guitare époustouflants. Warren Haynes est un musicien qui peut tout jouer et c’est un boulimique de travail. Outre Gov’t Mule, Haynes joue aussi sans l’Allman Brothers Band, avec Phil Lesh de Grateful Dead, poursuit une carrière solo et passe également beaucoup de temps dans les studios pour jouer en tant que musicien de session. Le concert annuel de nouvel an au Beacon Theater de New York est devenu un rendez-vous obligé pour tous les fans de Gov’t Mule, qui ne manque jamais d’inviter quelques musiciens prestigieux pour quasiment quatre heures de spectacle où les types sont autant capables de jour du Hendrix que du Black Sabbath, du Pink Floyd, du Yardbirds, du Lightnin’ Hopkins, du John Lee Hooker ou du Led Zeppelin. Ça ne m’étonnerait pas s’ils étaient aussi convaincants dans des reprises de Slayer ou de Suicidal Tendencies…
Bref, avec Gov’t Mule (dont le nom est tiré de la mule du gouvernement, un animal promis à chaque Noir s’étant battu pour le Nord après la guerre de Sécession mais qu’ils attendent toujours), on en a pour son argent et les gars de Haynes ne font jamais les choses à moitié. Le nouvel album, arrivé quatre ans après « Shout » (2013), nous en donne pour 77 minutes et douze morceaux. La production soignée est signée Gordie Johnson et Warren Haynes, avec une collaboration de Don Was sur « Pressure under fire » et « Dreams & songs ». Outre un chœur de cinq chanteuses, Warren Haynes (guitare et chant), Matt Abts (batterie), Danny Louis (claviers) et Jorgen Carlsson (basse) voit passer quelques invités sur certaines chansons : Rey Arteaga (percussions), Bobby Allende (congas), Gordie Johnson (guitare sur « Traveling tune ») et Jimmie Vaughan, frère du défunt Stevie Ray et animateur des Fabulous Thunderbirds à la guitare sur « Burning point ».
On sent le boulot soigné pour le contenant, mais qu’en est-il du contenu? Comme à son habitude, en fait, Gov’t Mule va manifester ses petits défauts qui sont dus à sa volonté de trop bien faire. Si le démarrage est bien électrique et Seventies dans l’âme (« Stone cold rage », dans une veine James Gang ou Black Crowes), Warren Haynes ne va pas tarder à emmener son groupe dans des compositions mid-tempo assez calmes, ce qui va donner une impression de routine au cours de ces nombreux morceaux aux durées souvent étendues (presque sept minutes de moyenne). En effet, après le bon gros blues rock épais de « Drawn that way », l’album se met en vitesse de croisière sur un itinéraire soul et rock qui ne manque évidemment pas de qualités ni d’émotion mais qui a tendance à la timidité quand il faut sortir vers des horizons différents. Entre Springsteen (« Pressure under fire »), Hendrix rencontrant Joe cocker (« The man I want to be »), Clapton (« Traveling tune »), Rod Stewart (« Sarah, surrender »), le disque brille plus sur les longs morceaux (« Thorns of life », « Revolution come… revolution go », « Dark was the night, cold was the ground ») mais l’ensemble aurait pu se débarrasser de quelques poids morts (« Dreams & songs », à la découpe soul tellement classique qu’elle en devient anonyme, « Easy times » la ballade standard de trop sur un disque qui en compte déjà beaucoup) pour retrouver davantage de rythme.
Finalement, Gov’t Mule parle ici de révolution mais n’a pas l’air très révolutionnaire dans sa façon d’aborder cet album, qui est de bonne facture mais reste timoré et soigneusement barricadé derrière un classicisme qui ne cherche pas à prendre des risques. Mais rien que pour les parties de guitare du prodigieux Warren Haynes, il mérite une écoute respectueuse.
Pays: US
Fantasy Records
Sortie: 2017/06/09