CINEMA CINEMA – Man bites dog
Connaissez-vous le nom anglais du fameux film « C’est arrivé près de chez vous » avec notre non moins fameux Benoit Poelvoorde? Réponse : « Man bites dog ». Et que trouve-t-on parmi les nombreuses scènes mythiques de ce film? Le passage où Poelvoorde et son équipe de bras cassés sont complètement bourrés et hurlent en chantant « Cinéma! Cinéma! ». Eh bien, en quelques lignes, nous avons ici un résumé de la philosophie culturelle du duo new-yorkais qui a créé ce groupe Cinema Cinema. Les mecs aiment le cinéma déviant, ont entendu parler de l’Europe et savent qu’on y tourne des films et ils vénèrent « C’est arrivé près de chez vous », l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma, au point d’y faire référence dans leur projet musical. Personnellement, je trouve que ces garçons de Cinema Cinema ont un bon fond…
Et du cinéma, il va en être question dans cet album, de même qu’une bonne dose de punk salvateur sachant mêler la complexité des compositions à une énergie primale spontanée et directe. Cinema Cinema est un de ces groupes tellement riches en références qu’on ne sait pas par où commencer. Par le début, c’est ce qu’il y a de mieux.
Créé en 2008 par les cousins Ev Gold (guitare et chant) et Paul Claro (batterie), Cinema Cinema sort son premier album « Exile baby » l’année même de sa formation. L’impatience est ce qui pourrait caractériser Cinema Cinema. Sitôt en possession de ce premier album, le duo se lance dans une tournée d’une centaine de dates, alimentant une réputation qui finit par porter « Exile baby » dans le Top 200 du célèbre College Media Journal (CMJ). En 2010, Cinema Cinema enregistre un EP trois titres « Shoot the freak » avec Don Zientara (Minor Threat, Fugazi, Bad Brains, Bikini Kill). On retrouve deux de ces trois morceaux sur l’album « Man children & the slow aggression », qui sort sur le label Lumière en 2012. Si cet album sonne plus conventionnel dans le style punk, « A night at the fights » (2014) se veut plus urgent et agressif, proposant un mélange qu’on pourrait comparer à un croisement entre Future Of The Left et les Dead Kennedys.
Cette impression est confirmée sur le nouveau « Man bites dog » qui nous envoie sur le pif 37 minutes de hurlements militants et de circonvolutions bruitistes enchâssées dans une structure rythmique versatile et frappeuse. La référence cinématographique reste prégnante puisqu’un bon nombre de titres évoquent des films (« Digital clockwork orange », « Taxi driver », « Mask of the red death »). On oscille entre des durées purement punk (les deux minutes quarante de « Bomb plot », les moins de quatre minutes de « Run until you’re out ») et des choses beaucoup plus longues (« Exotic blood », « Mask of the red death » ou les neuf minutes du final « Shiner number 5 »). On comprend vite que ces titres occasionnent des possibilités d’expérimenter et de s’infiltrer sur des territoires plus progressifs (« Exotic blood »). Ce qui fait que le chahut initial ne tarde pas à migrer vers des moments captivants qui enferment l’auditeur dans des atmosphères étouffantes et angoissantes (« Mask of the red death ») qui vont trouver un paroxysme sur « Shiner number 5 », environné du saxophone de Matt Darriau, un musicien jazz new-yorkais qui a gagné ses galons dans la frange balkanique du jazz (Paradox Trio ou Disastro Totale avec Yuri Lemeshev de Gogol Bordello).
Rugueux, affolé et rageur, ce sont les adjectifs que l’on peut retenir après écoute de cet album tout à fait intéressant et intelligent. Pensez aussi à revoir « C’est arrivé près de chez vous », ça fait aussi toujours du bien.
Pays: US
Labelship/Dullest Records
Sortie: 2017/04/28