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PINK FAIRIES – Naked radio

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S’il y a bien un groupe d’anciens combattants dont je n’osais plus espérer la moindre résurrection, c’était bien les Pink Fairies. Ces types avaient déferlé avec une telle force et une telle folie lysergique au début des années 70 et avaient si bien explosé en vol vers 1975 que je pensais tout ce petit monde disparu au fin fond de sectes himalayennes, d’asiles psychiatriques ou de cimetières pour animaux. Et pourtant, il existe encore une bonne étoile pour les rockers des temps anciens puisque les Pink Fairies ont commis l’exploit de se reformer en 2014. Et cerise sur le gâteau, ils viennent de se fendre d’un nouvel album, le septième de leur discographie, commencée en 1971.

Les Pink Fairies était un groupe de l’underground rock anglais issu des encore plus underground Deviants, combo louche d’allumés notoires et de révolutionnaires anti-establishment monté par le journaliste chanteur Mick Farren (1943-2013). Les Deviants sortent sous le manteau trois albums choc entre 1967 et 1969, préfigurant le punk avec une dizaine d’années d’avance « Ptooff!« , « Disposable«  et « 3« ). Inutile de vous dire que ces disques sont indispensables aux oreilles de tout amateur de proto-punk historique. Puis, à la suite d’une désastreuse tournée au Canada, les Deviants se retrouvent sans argent pour payer leur billet de retour et Mick Farren est viré du groupe. Les membres restants descendent en Californie pour jouer dans les petits clubs de San Francisco durant la seconde partie de 1969. Mick Farren, lui, est rentré en Angleterre et s’associe avec Twink (ex-Tomorrow, ex-Pretty Things) et Steve Peregrin Took (ex-Tyrannosaurus Rex) sous le nom de Pink Fairies et entame une série de concerts complètement chaotiques qui aboutissent à une dispute entre Farren et Twink et au départ de Farren qui abandonne la musique pour se tourner vers l’écriture. Twink fait alors appel aux autres lascars perdus au fin fond des clubs de San Francisco pour les rapatrier en Angleterre et continuer les Pink Fairies. Vous me suivez toujours? Au final, on se trouve donc en Angleterre en 1970 avec des Pink Fairies qui se composent de Paul Rudolph (guitare et chant), Duncan Sanderson (basse et chant), Russell Hunter (batterie) et Twink (batterie et chant).

Twink ne tarde pas à jeter l’éponge et les autres parviennent à signer sur le label Polydor, ce qui aboutira à trois albums, également indispensables pour les historiens du hard rock et les amateurs de psychédélisme décadent. « Never Neverland » (1971) contient quelques titres majeurs, dont « Do it » et l’hallucinant « Uncle Harry’s last freak out », jam outrée de dix minutes entièrement orientée vers la brutalité sonore et l’envol vers des atmosphères de plomb, psychédéliques et zoroastriennes. Sur « What a bunch of sweeties » (1972), ce sont « Right on, fight on », « Marilyn », « Walk don’t run » (une reprise ahurissante d’un rock ’n’ roll chiant de Johnny Smith), le rigolo « X-ray » ou le babacool « I went up, I went down » qui marquent les esprits, sans parler d’une reprise brute de garage du « I saw her standing there » des Beatles. Et enfin, « Kings of oblivion » (1973) se veut un petit chef-d’œuvre de rock carré, avec la chanson « City kids », qui sera reprise par Lemmy et son Motörhead, de grands copains des Pink Fairies. Point commun entre les deux groupes, le guitariste Larry Wallis rejoint les Pink Fairies sur leur dernier album puis s’aventure avec Lemmy sur les débuts de Motörhead.

Et puis ensuite, plus rien. Le calme plat, a dissolution dans les brumes de l’oubli. Le punk fait son entrée officielle sur les ruines des Pink Fairies, précurseurs géniaux mais négligés par l’Histoire. Un album « Live at the Roundhouse » sort en 1982, à partir d’un concert – excellent – capté en 1975. Quelques années plus tard, en 1984, Mick Farren ressuscite les Deviants avec un line-up composé de Larry Wallis, Duncan Sanderson, George Butler et le légendaire Wayne Kramer (des MC 5). Ils enregistrent un album live dans un club de Dingwall, intitulé « Human Garbage ». En échange, les, Pink Fairies se reforment également en 1985 et alignent Twink, Russell Hunter, Duncan Sanderson, Larry Walllis et Andy Colquhoun pour l’album « Kill’em and eat’em » en 1987. Dix ans plus tard, deux autres albums sortent à l’initiative de Twink et de Paul Rudolph.

Il faut attendre près de vingt ans pour voir revenir les Pink Fairies, qui sortent ce « Naked radio » fin 2016. Du personnel original, il reste Russell Hunter (batterie et chant) et son complice Duncan « Sandy » Sanderson (basse). Andy Colquhoun (guitare et chant) et George Butler (batterie) sont également présents et la formation est complétée par la claviériste vocaliste Jaki Windmill.

Evidemment, quand on est un fan ardent des Pink Fairies, on ne va pas manquer de repérer sur le nouvel album un certain poids du temps qui fait que les performances de ces musiciens aux cheveux désormais blancs sont un peu moins vivaces et caustiques que par le passé. De beaux éclairs de guitare sillonnent le morceau introductif « Golden bud », les Fairies se rappellent à notre bon souvenir avec leur style nerveux sur « The hills are burnin' » ou « Runnin’ outta road » mais il faut admettre que quelques longueurs apparaissent sur la suite de l’album. Ça tambourine gentiment sur les fûts (« Naked radio »), ça chantonne tranquillement sur certains titres (« You lied to me ») et ça sait s’énerver quand il faut (« Midnite crisis ») mais il manque un petit quelque chose, un grain de folie qui aurait pu rendre cet album bien délirant. Un bon vieux rock ‘n’ roll des familles (« Deal deal ») vient terminer l’album sur une note plus dynamique mais force est de constater qu’il faut encore avoir recours aux structures archi-classiques du rock ‘n’ roll pour retrouver un peu d’inspiration sur ce disque.

Il faut néanmoins noter l’effort qu’ont fait les Pink Fairies en ajoutant un DVD bonus à leur album, ce qui remet un peu d’intérêt dans l’affaire. Ici, ce ne seront pas les quelques répétitions filmées, les interviews ou les vidéos clips (assez peu imaginatifs) qui vont mettre du beurre dans les épinards, mais un concert filmé en 2014 au 100 Club de Londres, avec des interprétations des classiques des Pink Fairies. On retrouve ainsi « When’s the fun begin », « The snake », « Do it » et surtout « Uncle Harry’s last freak out » qui fait sautiller le public pendant une bonne dizaine de minutes. C’est sans doute ce qui reste chez les Pink Fairies : une énergie communicative sur scène. Et donc, si ces papys flingueurs venaient à passer dans nos contrées pour un ou plusieurs concerts, il ne faudrait pas les rater.

Pays: GB
Gonzo Multimedia
Sortie: 2016/10/14

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