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BECK, Jeff – Loud hailer

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A maintenant 72 ans, Jeff Beck semble avoir réussi à échapper aux griffes du temps. La preuve avec son dernier album qui prend effrontément un bain dans la fontaine de jouvence. En effet, ce nouveau « Loud hailer » affiche une forme olympique en matière d’inspiration, de son, de production et de capacité pour Jeff Beck à se renouveler, après bien des décennies de carrière. Mais ce don pour la mue perpétuelle de sa musique, Jeff Beck l’a depuis longtemps. On s’en aperçoit dès la fin des années 60, quand Jeff Beck transite aisément du rhythm ‘n’ blues ombrageux des Yardbirds au hard rock de ses premiers albums « Thruth » et « Beck-ola ». Puis c’est une mutation vers le funk rock qui s’opère sur « Rough and ready » et « Jeff Beck Group » au tout début des années 70. Après une phase blues lourd négociée avec le Beck Bogert Appice, Jeff Beck se métamorphose en jazz rocker sur « Blow by blow » et « Wired » en 1975-76. Les années 80 voient Jeff Beck glaner les récompenses, notamment avec ses albums « Flash » (1985) et « Jeff Beck’s guitar shop » (1989). Après une décennie 1990 un peu plus discrète (un album de reprises de Gene Vincent sous le nom de « Crazy legs » en 1993), Jeff Beck fait à nouveau peau neuve avec une série gagnante d’albums à dominante électronique. Sa cadence de production pour ces albums « Who else », « You had it coming » et « Jeff » était alors une des plus élevée pour Jeff Beck (trois albums en quatre ans, entre 1999 et 2003).

Puis l’animal a encore fait parler de lui en 2010 sur le plus classique « Emotion and commotion », son plus gros succès commercial dans son Royaume-Uni natal. Et on le retrouve aujourd’hui avec de nouvelles surprises en provenance de « Loud Hailer », un disque concocté avec la complicité de deux jeunes musiciennes à qui il ne faut pas en conter : Rosie Bones (chant) et Carmen Vandenberg (guitare rythmique). Ce que l’on peut dire, c’est que la rencontre du vieux renard anglais et de ces deux chipies officiant dans un groupe appelé Bones a donné des résultats plus que sympathiques. Il parait que Beck a rencontré les deux jeunes filles lors de l’anniversaire de Roger Taylor, le batteur de Queen. Bien lui en a pris de décider de composer de nouvelles chansons avec ces louloutes qui portent sur elles la nouvelle génération et des revendications politiques ou sociales.

Car le nouvel album de Jeff Beck est un disque militant. Son titre « Loud hailer » est l’autre nom du mégaphone, instrument traditionnel des manifestations et de la contestation. On voit l’engin sur la couverture de l’album ainsi que sur les photos à l’intérieur. Jeff Beck a voulu mettre dans ce disque son point de vue sur la société actuelle, et faire entendre sa voix. Enfin, ce n’est pas sa voix que l’on entend ici mais celle de Rosie Bones, qui va placer ses feulements de tigresse sur des chansons choc, lourdement armées en rythmiques puissantes (« The revolution will be televised », « Live in the dark ») ou portées par une tendresse poignante (« Scared for the children »). Les titres mentionnés ici sont porteurs de textes invitant à la réflexion sur l’avenir de notre monde. « Que laissera-t-on à nos enfants? », se demande Rosie Bones sur « Scared for the children ». « Vous, les gosses du karaoké, estimez avoir le droit de gagner la guerre sans prendre part au combat », vient-elle scander sur le costaud et bluesy « Right now ». Il est encore question de guerre sur « Shrine » et de fascination pour le pétrole sur le bien-nommé « O.I.L. », autant de titres qui portent une forte marque politique malgré un positionnement musical plus léger (funk pour « O.I.L. » et folk pour « Shrine »).

On voit aussi une grande variété dans la palette musicale, où se mélangent blues rock, musique électronique, ballade, folk et funk rock. On sent surtout que le vénérable Jeff Beck en a encore sous les bottes en ce qui concerne l’expérimentation et la recherche de nouvelles possibilités de faire rugir la guitare (l’instrumental « Pull it », un « Thugs club » aux connotations à la fois blues et rap, ou le court instrumental « Edna »).

La production solide de Filippo Cimatti et la section rythmique tenue par les impeccables Davide Sollazzi (batterie) et Giovanni Pallotti (basse) viennent mettre quelques cerises rubicondes sur ce gâteau déjà bien appétissant. Il y en a autant pour les tympans que pour le cerveau avec cet album surprenant, râleur et inventif qui montre encore une fois qu’on a encore beaucoup à apprendre du grand Jeff Beck.

Pays: GB
ATCO Records
Sortie: 2016/07/15

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