AYALA, Hector J. – Cluster
Il ne faut pas confondre Hector J. Ayala avec Hector Ayala, super-héros de la Marvel connu sous le pseudonyme de White Tiger. Il ne faut pas non plus confondre Hector J. Ayala avec son homonyme argentin qui vécut de 1914 à 1990 et qui fit carrière dans son pays comme guitariste et compositeur. Mais l’Hector J. Ayala qui nous intéresse ici pourrait bien avoir un peu des deux précédents dans ses veines. Musicien, il l’est incontestablement puisque sa formation classique l’a entraîné depuis quelques temps dans une carrière musicale. Et super-héros, pourquoi pas quand on sait que ce garçon ne recule pratiquement devant rien.
Né au Mexique où il avait tout pour être heureux (sauf l’envie d’y rester, dit-il), Hector J. Ayala quitte son pays natal en 1998 et erre dans le grand monde, transitant par l’Espagne où il rédige une thèse de doctorat de philosophie sur Leibniz (rien que ça!), puis par Berlin et enfin Strasbourg, où il réside actuellement. Là-bas, il a tout le loisir de se laisser aller aux expériences musicales qui lui tiennent à cœur, à savoir le croisement des genres et des cultures, l’inspection minutieuse des nuances de désespoir qui peuvent se traduire en croches et en demi-croches avant qu’elles ne pénètrent dans l’âme. Outre ses projets sous son nom propre, Hector J. Ayala est également associé à d’autres expérimentations qui prennent le nom de The Post-Decadent Singers, Wooden Wolf ou We’ve Killed The Drummer. A chaque fois, il est question de visiter des sphères musicales sous un angle non-conformiste et expérimental, bien loin des préoccupations des pop stars du hit-parade.
En solo, Hector J. Ayala signe « Cluster », un album qui suit un mini-disque intitulé « La cuisine », qui était sorti en 2013. La définition d’un cluster est déjà complexe. En anglais, c’est un bloc et par extension, le mot a donné des définitions informatiques (unité de stockage défini sur un disque dur), musicales (bruit provoqué par un groupe de notes lorsqu’on pose le poing sur un clavier) ou organisationnelles (groupes de laboratoires ou d’entreprises regroupés dans un endroit précis). Pour Hector Ayala, ces clusters sont des pièces musicales exécutées à la guitare acoustique dans le dépouillement le plus total. Il enregistre 21 de ces pièces en décembre 2013 et en choisit huit pour cet album.
Musicalement, attendez-vous à une certaine conception de l’expérimental. Hector Ayala égrène des notes sur son manche selon un rythme lent, avec des successions de notes souvent cassées, suspendues, rencontrant des changements de tonalité. Il semble errer sur sa guitare, en recherche d’une inspiration ou d’un souffle. L’auditeur se retrouve rapidement décontenancé par ce qui paraît être une hésitation sans fin. Mais loin d’être de l’à-peu-près, le travail d’Hector Ayala peut aussi être assimilé à une sorte de tissage, de patiente construction d’une trame sonore en provenance directe de son imaginaire. La tonalité générale de ces pièces instrumentales, assez basse, contribue à élaborer une atmosphère quelque peu inquiétante, voire étouffante, d’où émane une lourde impression de solitude. Egarement, solitude, recherche angoissée d’une vérité introuvable : c’est un peu ce qui surgit à l’esprit quand on parcourt le dédale de ces clusters (sobrement intitulés « #4 », « #13 », « #19 » ou – subtile nuance – « #7b », « #7g » et « #7g »), qui semblent autant de chambres sans porte et sans fenêtre dans lesquelles on ne sait comment on est arrivé.
Ce n’est pas forcément une musique pour tout le monde ou pour tous les jours, mais l’approche d’Hector Ayala a le mérite de casser une peu plus les murailles du conformisme et d’apporter de nouvelles pierres à l’édifice biscornu mais séduisant de la musique expérimentale.
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2015/11/24