KRONOWITT, Pete – A lone voice
Que reste-t-il de la contestation musicale aux Etats-Unis? Les Bob Dylan, Joan Baez ou Bruce Springsteen ont-ils des successeurs dans un pays où toutes les valeurs morales semblent partir à vau-l’eau, où la présidence du pays est convoitée par n’importe quel milliardaire peu scrupuleux capable de se l’acheter, où les flics se remettent à tirer sur les Noirs comme aux pires temps de la ségrégation, où les héros de la jeunesse sont des Pokémon ou des pop stars abruties par l’argent et la gloriole? Dans cette décadence sordide d’un pays qui est encore présenté comme le modèle de l’Occident et où ce qui s’y passe maintenant atterrira immanquablement dans notre Europe dix ans plus tard, il serait temps de faire remonter à la surface les voix de la conscience et du bon sens. Il y en a un qui a repris ce combat dans son coin sans chercher à comprendre si ça lui rapportera quelque chose, c’est Pete Kronowitt.
Ce bonhomme a l’allure tranquille écrit d’abord des chansons pendant une bonne dizaine d’années avant de se lancer dans la fabrication de disques. Son premier album « Phases of my heart » sort en 1993, sous la production de John Alagia, connu pour ses travaux avec le Dave Matthews Band, John Mayer ou Ben Folds. Les albums suivants, « Threads » et « Elements » sont produits pas Pete Snell, qui tourna un temps avec Lyle Lovett.
Sans chercher fortune et gloire, Pete Kronowitt fait ce qu’il a à faire, des chansons venant se placer sur le terrain du folk, de la pop, de la country et d’un certain punk acoustique. Ses héros sont les Ramones, Pete Seeger ou John Mellencamp. Mais on pourrait aussi dire Bruce Springsteen ou Elvis Costello, si l’on en juge par les sonorités qui émanent de son nouvel album « A lone voice ».
Enregistré dans la légendaire Nashville, avec la production de Phil Madeira et le concours de David Mansfield (guitare), Dennis Holt (batterie et percussions) et Chris Donohue (basse), ce quatrième album de Pete Kronowitt montre un musicien au mieux de sa forme, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat avec des textes politiques qui dénoncent les turpitudes de l’Amérique actuelle. « Change is gonna come » semble être un reflet du « Times they are a-changing » de Bob Dylan et « Got guns » est bien sûr une critique acerbe du port d’armes et de toutes les tragédies que cela entraîne. « Necessary evils », « Puppet master » et « The beast » poursuivent dans la voie de la contestation tandis que « Tears on the back on her head » ou « Holding your hand » révèlent l’autre face de Pete Kronowitt, celle du romantique et du sensible qui parle aussi d’amour et de relations profondes entre les personnes. Ici, Pete Kronowitt rend hommage à sa fidèle épouse ou évoque la mémoire d’amis décédés du cancer. « Perfect day » est une chanson en souvenir de sa sœur suicidée.
On trouve un peu de tout sur cet album, du folk rock, de la ballade, du rock ‘n’ roll, toujours parfaitement ficelés et illustrés de la voix claire et précise de Pete Kronowitt. « A lone voice » est un disque frais et digne, qui réveille le souvenir de la protest song telle qu’elle florissait dans les Sixties, avant que le politiquement correct ne vienne tout niveler. Si l’on n’y prend pas garde, le politiquement correct pourrait devenir la nouvelle censure d’un fascisme 2.0. Dans les Etats-Unis en proie à d’inquiétantes évolutions, les baladins contestataires comme Pete Kronowitt redeviennent indispensables.
Pays: US
Mean Bean Records
Sortie: 2016/07/15