PSYKOKONDRIAK – Gloomy days
Scénario de science-fiction : en 1991, un label de Los Angeles envoie vers la Belgique un disque de rap metal, typique de l’époque. L’avion postal qui le transporte est pris dans un orage magnétique et disparaît dans une faille spatio-temporelle qui le garde enfermé dans une autre dimension pendant 25 ans. Finalement, le zinc ressort de cette faille en 2016 et atterrit comme si de rien n’était à Zaventem, avec des pilotes tout étonnés de voir les gens se promener avec des ordinateurs de la taille d’une tablette et n’arrivant pas à croire que Kurt Cobain est mort. Le disque du label angelino, fermé depuis longtemps, arrive enfin sur la table du chroniqueur à qui il était destiné. Lorsque ce dernier l’écoute, il a du mal à comprendre comment un groupe peut encore faire en 2016 une musique foncièrement ancrée en 1991, à l’époque du crossover et de la fusion du métal et du rap qui avait fait la réputation de groupes comme les Red Hot Chili Peppers, Senser, Primus ou Ugly Kid Joe.
C’est un peu de cette façon que l’on pourrait illustrer le sentiment que nous avons eu en écoutant le deuxième album de Psykokondriak, un combo lillois qui avait déjà à son actif un mini-album « Hopital psykotrip » sorti en 2012. A l’époque le groupe chantait en français mais ici, il passe à l’anglais pour un résultat que l’on pourrait qualifier de supérieur à l’œuvre précédente. Psykokondriak est composé de personnages hauts en couleurs, affublés de surnoms qui en disent long. Cédric Desneulin (basse) est le Comte Eskarfesse, Aurélien Desneulin (batterie) est l’empereur Mark Oreill, Tristan Florin (guitare) est le Docteur Florkin, Julien Delville (djing) est le DJ Stamm Iff et les deux chanteurs se font appeler McBody et McBoy.
Ces personnages cocasses s’en donnent donc à cœur joie au cours d’une dizaine de morceaux qui convoquent tous les effets et les gimmicks du rap metal des années 90. Guitares à la Red Hot, énergie à la Infectious Grooves, humour potache à la Ugly Kid Joe, agressivité à la Rage Against the Machine : les gens de Psykokondriak nous ressortent le grand jeu et nous ramènent à marche forcée près d’un quart de siècle en arrière. On s’amuse à l’écoute de titres efficaces et tapageurs comme « The fine art of terror », « Workless dance » ou « Monstros incorporantes ». Tout a déjà été inventé par les glorieux ancêtres mais on ne boude pas son plaisir à l’idée de faire un bond de plusieurs années en arrière dans les sonorités qui bercèrent notre jeunesse. Evidemment, il y a beaucoup de subjectivité dans l’appréciation que l’on peut avoir de ce genre d’album. Ceux qui ont connu l’époque, et qui l’ont appréciée, accueilleront cet album avec bienveillance et enthousiasme si le rap metal a toujours une petite place dans leur cœur. Restent ceux qui n’ont pas connu les Nineties ou – ils sont nombreux – ne les ont pas aimées. Pour eux, le style de Psykokondriak sera beaucoup plus difficile à avaler. Mais il n’empêche que ce combo sympathique réalise son trip musical avec énergie et conviction. Et ça, c’est déjà fort appréciable.
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2016/06/15