LELANGUE, Marc TRIO – Lost in the blues
Il paraît que la maternelle de Courtrai où est né Marc Lelangue a été transformée en hospice. Cela lui permettra, le grand âge venu, de retourner en toute tranquillité sur les lieux de sa prime enfance. Mais l’âge de la pension n’a pas encore sonné pour Marc Lelangue, qui est en pleine possession de ses moyens et délivre cette année un magnifique album de blues rural, fruit de plus de trente ans d’expérience dans le domaine.
Passionné de blues depuis l’enfance, Marc Lelangue voue un culte à des figures tutélaires du Delta du Mississippi comme Blind Lemon Jefferson, Blind Boy Fuller ou l’immense Big Bill Broonzy dont l’écoute des disques oriente Lelangue vers le blues pour le reste de sa vie. Signe que le destin veut qu’il soit un bluesman, Marc Lelangue fait la connaissance d’un vieux crocodile du blues. Luther Tucker a été guitariste de session pour le compte de Little Walter, Sonny Boy Williamson II et a accompagné Muddy Waters, John Lee Hooker, James Cotton ou Snooky Pryor. Un pedigree aussi huilé en la matière, on ne peut pas imaginer. Comme Tucker a atterri à Bruxelles pour y vivre, Marc Lelangue passe des journées chez lui à apprendre le métier.
Marc Lelangue fait ses premières apparitions sur les planches lors du festival blues d’Ostende en 1984. On le voit aussi en 1987 à l’Ancienne Belgique, en première partie de Johnny Copeland. 1990 est l’année où Marc Lelangue forme son groupe sur une base régulière. Il est accompagné de Patrick Deltenre (guitare), Michel Hatzigeorgiou (basse) et Thierry Gutman (batterie). Le combo quitte les frontières belges pour tourner en France ou en Espagne, sortant le premier album « Blues you could use » en 1992. Avec le temps, Marc Lelangue et son groupe sont allés se dégourdir les jambes en Afrique (Tunisie, Algérie, Maroc, Burkina Faso, Congo), en Amérique (Canada, Bolivie), en Turquie et bien sûr dans la grande Europe (Suisse, Italie, Ukraine, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg) au cours de nombreuses tournées pour la cause du blues.
Il arrive aussi à Marc Lelangue de se produire en solo ou en format réduit, avec des compagnons comme le guitariste Kevin Mulligan (l’album « Greenville » en 2001), les guitaristes-chanteurs Roland van Campenhout, ou Elmore D ainsi que les harmonicistes Steven De Bruyn ou Thierry Crommen. On le voit aussi de temps à autre chez les Heavy Muffulettas, une formation spécialisée dans le répertoire blues de la Nouvelle-Orléans.
Après les albums « Glandeur nature » (avec des chansons en français) et « Second hand roots » (2006), Marc Lelangue revient avec ce « Lost in the blues », au titre très explicite. Accompagné du multi-instrumentiste Lazy Horse et du contrebassiste René Stock, Marc Lelangue effectue une plongée en grande profondeur dans les eaux du Mississippi. Il consacre l’essentiel de son album à des reprises en provenance de vieux maîtres plus ou moins oubliés de l’âge d’or du blues : Tampa Red, alias Hudson Whittaker (« Forgive me please », « You missed a good man »), Brownie McGhee (« Don’t pity me », « Walk on »), Robert Hicks, alias Barbecue Bob (« Mississippi heavy water blues »). Quelques morceaux de musiciens plus récents (Ruben Guaderrama, le liégeois Jean-Pierre Froidebise) figurent aussi au programme.
On est enchanté par le son rond et chaud qui entoure ces titres à la facture authentique, illustrés par la voix tout aussi authentique de Marc Lelangue, qu’on croirait être celle d’un Noir, genre Big Bill Broonzy ou Willie Dixon. Les glissades de bottleneck, le rythme chatouilleux de la contrebasse, le minimalisme rustique et les belles histoires chantées par Marc Lelangue nous attrapent directement pour nous replacer en plein sud des Etats-Unis, à la sortie d’un bar crasseux ou dans une plantation de coton, ou pourquoi pas à ce fameux carrefour de routes poussiéreuses où le diable a l’habitude de convoquer les bluesmen pour leur offrir gloire éphémère et déchéance finale.
A tous les amateurs de blues authentique, mettez rapidement la main sur ce petit joyau qui nous fait redécouvrir quelques petits maîtres des années 20 et 30 et nous rassasie d’un véritable nectar en provenance de la Louisiane ou de la Géorgie profonde. Marc Lelangue et ses sbires seront visibles lors du Jazz Marathon de Bruxelles le 21 mai prochain. Débusquez-les!
Pays: BE
Naked NP024
Sortie: 2016/05/24