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SPOOK – Blurred heads and scrambled eggs

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Vous vous souvenez sans doute de cette scène des « Tonton flingueurs », film culte du cinéma populaire français, où l’on voit le jeune Antoine De La Foy, incarné par Claude Rich, se livrer dans son appartement à des expériences sonores à partir de robinets qui fuient et de balles de ping-pong jetées sur des cymbales, à la recherche de l’anti-accord absolu et de la musique des sphères. Eh bien, je peux vous annoncer que l’anti-accord absolu a été découvert et que le secret de la musique des sphères a été percé par Spook, un trio suisse dont les musiciens très éduqués et très sérieux se livrent à des facéties bruitistes en provenance directe d’une autre dimension.

Spook se forme en 2015 avec la rencontre de trois musiciens aux pedigrees divers. Coralie Lonfat a un diplôme de composition, est passée par l’Ecole de Jazz de Lausanne et est spécialisée dans le design sonore et l’improvisation électronique sur ordinateur. Jamasp Jhabvala a fait le conservatoire de Genève (violon et basson) et s’est ensuite engagé dans des projets underground d’obédience rock expérimental, sans parler de la composition de musiques de films ou la participation à des groupes d’impro (Insub Meta Orchestra) ou carrément grindcore-noise (les excellents Convulsif). Dominique Frey est batteur, issu de l’école de jazz de Montreux et a évolué dans le jazz et la musique contemporaine, s’efforçant de lier des genres et des cultures musicales différentes, entre occident et orient, parallèlement à des participations dans des projets d’improvisation rock (Apollonius Abraham Schwarz, Atomik Paracelze…).

Ensemble, les trois membres de Spook croisent tout un bagage d’expériences variées et réalisent sur leur premier album « Blurred heads and scrambled eggs » un assemblage on ne peut plus audacieux dans l’avant-garde expérimentale bruitiste. Avertissement désormais classique aux fans de Status Quo : la sortie est au fond à droite, merci d’être passé. Et pour les autres, les travailleurs de l’amer, les vices dans la vallée, les bateaux ivres et autres défenseurs de musiques ubuesques, ils pourront se plonger dans des couloirs resserrés d’où dégringolent des crissements de guitare, des rafales de baffes électroniques, des clapotis de vibrations condensées, des rythmiques déglinguées, des borborygmes poisseux et de longues promenades chahutées sur des sables mouvants. Les morceaux (ou devrait-on plutôt les appeler des passages, des épisodes, des performances) se répandent généralement sur des durées moyennes de huit minutes, laissant le temps à l’auditeur de composer tranquillement le numéro de l’asile psychiatrique le plus proche afin d’y réserver une chambre à l’année après écoute.

Bref tout ceci est aussi passionnant pour l’amateur éclairé d’avant-garde underground inclassable qu’il est insupportable à celui qui aime les compositions bien structurées, avec des paroles polies et des partitions instrumentales parfaitement identifiables. En tant que promoteur amusé de l’insoluble, je préconise un passage dans ce genre d’expériences, ne serait-ce que pour découvrir que les plafonds de verre qui séparent la logique de l’illogique peuvent être brisés.

Pays: CH
Pied De Biche/Atypeek
Sortie: 2016/02/01

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