LEVIN, Tony – Prime Cuts
L’américain Tony Levin, né en 1946, a déjà derrière lui une carrière bien chargée. En tant que technicien de la basse, il est capable de s’adapter aux styles et aux contextes les plus divers. En conséquence, sa réputation l’a amené à participer à une quantité impressionnante de sessions avec des artistes qu’il a parfois longuement suivi en tournée (Anderson/Bruford/Wakeman/Howe, Judy Collins, Peter Gabriel, Chuck Mangione, Herbie Mann, Carly Simon, Paul Simon, …) ; de plus, il a intégré de nombreux groupes ou projets (King Crimson, Bozzio/Levin/Stevens, Liquid Tension Experiment, …) et a même enregistré quelques albums solos. En plus des noms déjà cités, on l’a également vu avec John Lennon et Yoko Ono, Alice Cooper, Mark Knopfler et Dire Straits, Andy Summers, Peter Frampton, …
Outre une utilisation de basses de tous genres, de toutes formes et de toutes sonorités, il a développé, à partir de 1986, lors de l’enregistrement de l’album « So » de Peter Gabriel, un jeu encore plus spectaculaire en utilisant des baguettes (sticks) fixées au bout des doigts.
Au vu de la carrure du personnage et de son parcours, le côté épouvantablement réducteur de cet album paraît incontestable. Il ne comprend que sept plages, bonus compris, provenant uniquement des enregistrements effectués chez Magna Carta entre 1997 et 2002, ne représentant même pas une heure de musique. En guise de bonus, ce CD contient également une interview de l’artiste, d’une quinzaine de minutes, qui ne passionnera pas les foules et que d’autres titres auraient pu avantageusement remplacer.
Pourtant, en considérant simplement cet album comme une ouverture vers un grand bassiste et vers quelques albums passionnants, comprenant en outre quelques artistes de valeur, on n’en ressort que satisfait et désireux d’approfondir la recherche.
Voici les titres présentés :
- « Kindred Spirits » (6’29)
- « T & T Vignette » (2’32)
- « Another Dimension » (9’50)
- « Dark Corners » (10’30)
- « Brother’s Keeper » (9’13)
- « Endless » (10’10)
+ - « Roadside America Medley » (6’50)
Provenant des albums ou des sessions (2, 7) ci-dessous :
- « Black Light Syndrome » (1997) de Bozzio/Levin/Stevens : 2, 7
- « Liquid Tension Experiment » (1998) de Liquid Tension Experiment : 1
- « Liquid Tension Experiment 2 » (1999) de Liquid Tension Experiment : 3
- « Situation Dangerous » (2000) de Bozzio/Levin/Stevens : 6
- « Hundred Year Flood » (2002) de Magellan : 5
- « Sonic Residue from Vapourspace » (2002) de Vapourspace : 4
Avec les musiciens suivants :
- Tony Levin : Basses, Sticks & Violoncelle
- Terry Bozzio : Batterie & Percussions (2, 4, 6, 7)
- Steve Stevens : Guitares (4, 6, 7)
- Mike Portnoy : Batterie & Percussions (1, 3)
- John Petrucci : Guitares (1, 3)
- Jordan Rudess : Claviers (1, 3)
- Trent Gardner : Chant & Claviers (5)
- Wayne Gardner : Guitares & Basse (5)
- Joe Franco : Batterie & Percussions (5)
Pour essayer de détailler tout cela :
En provenance du groupe Liquid Tension Experiment :
« Kindred Spirits » est une parfaite pièce de « Progressif » instrumental, plutôt classique, typiquement américaine, très marquée par Steve Morse, dans la composition et, plus particulièrement, dans le jeu de guitare de John Petrucci.
Moins typé et plus personnel, « Another Dimension » sonne nettement plus « Hard ». Si, individuellement, la performance des musiciens reste impressionnante, le travail d’ensemble du groupe ressort plus fortement.
En provenance de l’association de Bozzio/Levin/Stevens :
L’inédit « T & T Vignette » provient des sessions de « Black Light Syndrome » de Bozzio/Levin/Stevens et permet de voir Terry Bozzio et Tony Levin, en duo, dans ce que l’on devrait plutôt considérer comme une expérimentation.
« Endless » est certainement la pièce la plus aboutie dans tout ce qu’a produit le trio. Toute la pièce se fonde sur une succession de climats différents. Le rythme est marqué par des accélérations progressives devenant même très « Hard ». Individuellement, chaque musicien y est à l’honneur, mais dans la recherche d’un parfait équilibre. Terry Bozzio (Frank Zappa, Missing Persons, UK, Jeff Beck, …) y file dans tous les sens, mais sans nervosité excessive, même dans les passages les plus « Hard ». De plus, sans vraiment jamais casser le rythme, il avance par une succession de touches saccadées, sèches, claires et précises. Tony Levin, par l’utilisation du violoncelle dans la première partie, participe à cette ambiance plus calme, mais accentue progressivement le côté « Hard » par l’utilisation des basses et des sticks. Dans un schéma similaire, après un départ plus empreint de quiétude, Steve Stevens ne rencontre aucune difficulté à durcir son jeu, lui qui est, à la base, un guitariste de « Hard » (la guitare derrière Billy Idol, c’est lui). Une perle !
Le deuxième inédit, « Roadside America Medley », arrache les tripes. Steve Stevens utilise beaucoup les distorsions et se déchaîne hargneusement soutenu par une rythmique puissante, efficace et impeccable. Une petite merveille.
Les sonorités flottantes, tordues et répétitives de « Dark Corners », dans sa version remixée et produite par Mark Gage de Vapourspace, m’ont semblé moins intéressantes.
En provenance de Magellan :
La deuxième perle de l’album s’appelle « Brother’s Keeper » et provient du groupe Magellan. C’est une composition, incroyablement bien ficelée, superbement chantée par Trent Gardner, également aux claviers. Elle est aussi marquée par l’énorme son de basse de Tony Levin, écrasant et percutant à souhait, suivi par le batteur et percussionniste Joe Franco, étonnant d’aisance et d’originalité. La guitare de Wayne Gardner joue sur plusieurs registres et respire tantôt la finesse et la subtilité, tantôt la brutalité et l’agressivité ; il complète également à la basse.
Un album intéressant, peut-être plus encore par les groupes abordés que par Tony Levin lui-même. Un album souvent en dehors des sentiers battus où l’importance de l’aspect expérimental apparaît souvent.
Pays: US
Magna Carta MAX-1002-2
Sortie: 2005/04/04