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MAALOUF, Ibrahim – Kalthoum

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Nous retrouvons Ibrahim Maalouf avec le deuxième album de sa cuvée 2015, toujours consacré à un hommage général aux femmes. Alors que l’album « Red & black light » se voulait un hommage à la femme intimiste, la mère, l’épouse, celle du quotidien, « Kalthoum » est une célébration des grandes dames qui ont bouleversé l’histoire, notamment dans le domaine artistique. Ibrahim Maalouf a particulièrement en tête une grande artiste de l’orient, l’immense, l’indépassable chanteuse égyptienne Oum Kalsoum, ou Oum Kalthoum, ou encore de son vrai nom Oum Kalthoum Ibrahim al-Sayyid al-Beltagui. Cette artiste, dont on ignore exactement la date de naissance (entre 1898 et 1904), décédée en 1975, est encore de nos jours considérée comme la plus grande chanteuse du monde arabe. Si vous voulez arrêter les bagarres entre sunnites et chiites, vous prononcez le nom d’Oum Kalthoum et tout le monde se met à pleurer dans son béret en pensant à la grande époque.

Le lien entre la musique d’Ibrahim Maalouf et Oum Kalthoum est assez ténu car le jazz rock du franco-libanais a peu de choses à voir avec les élans lyriques de la grande dame. Ce n’est donc pas sur un plan musical qu’il faut situer cet hommage mais sur un plan spirituel ou historique. Cependant, les intonations orientales qui ressortent des sept titres de l’album constituent un lien avec la musique arabe. Mélanger jazz et musique traditionnelle orientale n’est pas de tout repos. Mais Ibrahim Maalouf s’en tire merveilleusement bien grâce à une arme secrète, à savoir sa trompette spéciale, mise au point par son propre père dans les années 60 et qui est constituée d’un quatrième piston permettant d’obtenir des quarts de ton, élément indispensable à la musique arabe.

Plus précisément, l’album « Kalthoum » est basé sur une chanson traditionnelle d’Oum Kalthoum, « Alf Leila Wa Leila » (les mille et une nuits), datant de 1969 et durant près d’une heure. Cette chanson-fleuve était composée de refrains de trois minutes et de couplets variant entre cinq et vingt-cinq minutes. Ici, Ibrahim Maalouf et ses hommes relèvent un défi de taille : retranscrire en langage jazz un pur produit du répertoire traditionnel égyptien. L’album est découpé en une introduction, deux ouvertures et quatre mouvements (dont les deux derniers occupent quasiment la moitié des 52 minutes de l’album).

Ibrahim Maalouf se fend ici d’un hommage qui rappelle celui qu’il avait rendu à Miles Davis sur son album « Wind » (2012) et c’est pour cela qu’il a recours à la même équipe qui avait officié sur ce précédent album. Larry Grenadier (contrebasse), Clarence Penn (batterie), Mark Turner (saxophone) et Frank Woeste (piano) accompagnent Ibrahim Maalouf et contribuent grandement à cette architecture complexe traitée avec maestria et classicisme jazz. Effectivement, cette retranscription d’Oum Kalthoum reste empreinte d’un jazz assez conventionnel qui fait penser à du Coltrane ou à du Keith Tippett. L’originalité réside dans les sonorités orientales qu’Ibrahim Maalouf parvient à faire jaillir de son instrument.

On est en face d’une œuvre jazz moderne et agréable d’écoute, marquée par un certain classicisme mais tout à fait excellemment interprétée. C’est une belle rencontre entre l’Orient et l’Occident, une œuvre à méditer en ces temps troublés ou l’Orient et l’Occident sont jetés l’un contre l’autre dans une incompréhension contre nature. Ibrahim Maalouf, outre son hommage à Oum Kalthoum, nous rappelle ici en filigrane que la musique reste le plus grand instrument de paix en ce monde.

Pays: FR
Mi’ster Productions
Sortie: 2015/09/25

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