VARIOUS ARTISTS – Ignoble Vermine – A Tribute to Ptôse
Avec ce CD complètement fou et déjanté, on entre dans un autre monde et dans d’autres standards musicaux. Cela impose donc une approche différente à l’auditeur plus traditionnel. Sans cela, on rejettera immédiatement le produit.
Déjà le titre de l’album, « Ignoble vermine », est rébarbatif. La pochette, incontestablement bien réalisée par un certain Jef Benech’, est hideuse avec cet enfant à tête de chien, entre des boules et un poisson, dans de vilaines couleurs, dans un style du début du siècle complètement obsolète. Le livret intérieur permet de découvrir une quantité de petites bestioles antipathiques (poux, puces, vers, et autres insectes habituellement peu plaisants). La musique et les ambiances se caractérisent par leur côté très spécial, allumé, souvent loufoque et ridicule, parfois abscons, agressif, répétitif, simpliste et même strident.
Patrice Comelade, dont j’avais commenté la rétrospective « Schizo », tout comme le fondateur de Gong, Daevid Allen, dans ses plus grandes folies, paraissent plus mesurés et compréhensibles.
Cet enregistrement est l’hommage de quinze ensembles et artistes à un groupe culte de la scène Underground française des années 1980. Ptôse, c’est son nom, a produit quelques albums aux noms évocateurs, dont « Woman in the Moon » en 1980, « Ignobles Limaces » et « The Swoop » en 1984, « Face de Crabe » en 1986. C’est le collectif parisien Palo Alto (Jacques Barbéri, Denis Frajerman & Philippe Perreaudin) qui en est le concepteur.
Le titre des dix-neuf plages avec leurs interprètes, représentant 70’54 de délire parfois plaisant, permet déjà de se faire une idée de leur contenu :
- Les Hauts de Plafonds – « Ecrasons la vermine » dit the Bogyman (5’01)
- Bosco – « Boule (viens ici) ! » (3’44)
- Laurent Pernice & Pakito Bolino – « Ecrase total vermix » (3’46)
- Klimperei – « Stick qui soûle » (1’51)
- La Société des Timides à la Parade des Oiseaux – « The Bogyman » (4’23)
- Servovalve – « Légère altercation » (6’02)
- Lefdup et Lefdup – « Ze tri » (3’13)
- Deleted – « Zouet nite #1 » (3’27)
- Norscq – « Cartilages et os longs (sans oublier la moelle mix) » (8’23)
- Pierre Bastien et Mecanium – « La nuit des sauriens / My Ghost » (2’58)
- Klimperei – « Petite Odile » (1’33)
- Palo Alto² featuring Emiko Ota – « Like a mouse (Ptôse-like version) » (5’46)
- Chazam – « Ecraser la vermine » (3’21)
- PhOnèMe – « Légère altercation (sombre version) » (3’42)
- Toupidek Limonade – « Waiting for my soul » (2’12)
- Deleted – « Zouet nite #2 » (1’20)
- Dragibus – « Boule (viens ici) ! » (3’03)
- Klimperei – « Dans ta bouche » (0’46)
- Non Finito Orchestra – « Ptôse-pourri (l’ignoble medley) » (6’13)
Quelques exemples et explications.
J’ai adoré les deux versions de « Boule (viens ici) ! ». En voici la conversation dingue entre le chien « Boule » et son maître :
- « Boule ! Boule ! Viens ici ! Viens ici, sale chien ! »
- « Non, non, non, je ne viendrai pas ! Oup là ! Oup là là ! »
Si la version de Bosco est intéressante, celle de Dragibus est bien rythmée et carrément hilarante avec la voix et le chant enfantin de Lore (aux percussions électroniques également), avec la guitare électrique folle ou saignante de Monsieur Pingouin ( ?), et avec le troisième compère, Franq, à la batterie, aux percussions électroniques et à la guitare-jouet. Marrant, décalé et bien construit !
« Like a mouse (Ptôse-like version) », mené sur un rythme lent, est également une réussite avec des voix, des chants et des cris à la Brigitte Bardot (à l’époque où elle n’avait besoin de personne en Harley Davidson), avec des instruments parfois pleurnichards, parfois complètement délirants. Le groupe comprend Jacques Barbéri (saxophone, chœurs), Philippe Perreaudin (arrangements, bandes, claviers, chœurs) avec Régis Codur (guitare à pédales), JLM (chœurs) et Emiko Ota (squeaky voice). Un peu dans le genre des groupes de Canterbury dans leurs premières phases. Belle composition Jazzy !
« Ecrase total vermix » est un véritable délire musical savamment incontrôlé, semblant représenter le monde des insectes se faisant agresser. Ce titre aurait bien convenu pour succéder à la célèbre publicité pour un insecticide de Michel Leeb.
On retrouve l’univers simplifié de Pascal Comelade dans « Stick qui soûle » mêlé à celui de Daevid Allen dans « The Bogyman », qui plane au départ pour se déchaîner à la fin dans une espèce d’infâme vomissement Punk. Intéressant !
La plage « Légère altercation », dans la version de Servovalve, est marquée par une rythmique électronique ultra répétitive, très Dance, ponctuée par une succession de petites touches sonores. La version de PhOnèMe, tout aussi répétitive mais à la flûte, n’a rien de particulièrement intéressant.
« Waiting for my soul » démarre comme du Gong, mais finit dans le néant.
Sur « Cartilages et os longs (sous oublier la moelle mix) », après quatre minutes où les guitares donnent l’impression de s’accorder, c’est la basse qui joue jusqu’à la fin les mêmes notes sur diverses distorsions. Crispant !
En bref, le genre d’album que l’on n’a pas envie d’écouter tous les jours, mais qui montre que la Musique incarne beaucoup de visions différentes et qu’elles méritent au moins d’être découvertes. Clairement, il faut se préparer à une écoute pareille. Dans ma propre maison, j’ai du m’isoler pour écouter cet album, particulièrement mal perçu par mes proches.
Bonne chance à tous. Un album pour les audacieux.
Pays: FR
Musea GA 8678
Sortie: 2005/03