ROLLING STONES (The) – The Marquee Club live in 1971 (DVD)
L’offensive commerciale des Rolling Stones de cette année consiste en la réédition de luxe de leur chef d’œuvre « Sticky fingers », datant à l’origine de 1971. Nous avions eu droit à la réédition d’ »Exile on main street » il y a quelques années et voici maintenant l’autre élément essentiel des Stones qui est dépoussiéré et présenté avec des bonus.
Avec cette variété de versions (double CD dont un remastérisé, double CD plus un DVD dans un coffret avec livret), on trouve aussi l’intégralité de ce concert donné au Marquee de Londres le 26 mars 1971. Avertissement : si comme moi, vous avez acheté le coffret de luxe de la réédition de « Sticky fingers » avec un DVD annoncé dedans, vous avez tout intérêt à mettre la main sur le DVD seul car le DVD du coffret ne propose que deux titres (« Midnight rambler » et « Bitch »). Tout a été pensé pour que l’on n’ait jamais tous les produits dans un seul achat (le concert du Marquee existe aussi en version CD). Après, il ne faut pas s’étonner de Mick Jagger et Keith Richards figurent parmi les rockers les plus riches du monde.
L’argent a toujours été le nerf de la guerre pour les Rolling Stones. C’est l’oseille qui est d’ailleurs la conséquence de ce concert au Marquee de Londres. Nous sommes en mars 1971 et les Stones viennent de terminer l’enregistrement de « Sticky fingers », qui doit sortir en avril. Pourtant, Mick Jagger et ses sbires choisissent de monter une tournée anglaise durant le mois de mars, avant la sortie de l’album, ce qui n’est pas forcément logique puisque le public ne connaît pas les nouveaux morceaux de l’album qui est supposé être défendu lors de la tournée. La raison est fiscale : les Stones ont décidé de quitter le territoire britannique pour la France et ceci avant le mois d’avril, qui marque le début du nouvel exercice fiscal. Si les Stones étaient restés en Angleterre en avril, ils auraient dû payer davantage que les années précédentes. Donc, la tournée de dix villes anglaises est effectuée en mars et les Rolling Stones donnent un concert d’adieu au Marquee de Londres avant de partir s’exiler en France.
Le club du Marquee de Londres et un symbole du Swinging London et du rock anglais des années 60. Tous les monstres sacrés de l’époque sont passés par cette vénérable institution située à Wardour Street dans le quartier de Soho à Londres : les Who, les Small Faces, les Yardbirds, les Pretty Things et bien sûr les Rolling Stones qui y donnent d’ailleurs le tout premier concert de leur carrière, le 12 juillet 1962.
Près de 10 ans plus tard, les Stones reviennent sur les lieux de leurs débuts, auréolés des lauriers de la gloire et de la fortune. Ils sont également sur le point de lancer leur propre label Rolling Stones Records, symbolisé par la fameuse langue rouge. Ce label va servir à contrôler la perception des droits d’auteur après que les Stones aient été grugés dans les grandes largeurs par leur précédent manager Allen Klein, qui s’était arrangé pour qu’ils ne touchent pas un kopek sur les ventes de leurs dix premiers albums (éditions anglaises et américaines confondues). Si les Stones avaient touché toutes leurs royalties dès le début de leur carrière, et compte tenu que ces dix premiers albums sont encore les plus vendus de leur discographie, ils pourraient acheter tous les jours des Rolls-Royce en or.
Le concert des Stones au Marquee en mars 1971 est donné devant un parterre de happy few, on le remarque à la taille de la salle et au nombre relativement modeste de spectateurs. Dans le public figuraient d’ailleurs Eric Clapton, Jimmy Page, Rick Grech et Andrew Oldham, le premier manager des Stones. Les images du show sont d’un intérêt prodigieux. La dégaine des Stones à l’époque fait penser à celle de n’importe quel groupe stoner d’aujourd’hui, comme quoi l’histoire est un éternel recommencement. Mick Jagger, avec son petit boléro à paillettes, accapare toute l’attention. Derrière lui, Mick Taylor aligne de tranquilles et faramineux arpèges sur une Gibson SG, tandis que Keith Richards, chétif et mal rasé, calibre du riff sur mesure sur un répertoire de rêve : « Live with me » (du précédent album « Let it bleed »), « Dead flowers » (un titre de « Sticky Fingers » qui ne ressortira des oubliettes que pour la tournée de 1999), « I got the blues » (également un titre nouveau à l’époque), « Let it rock » (une reprise de Chuck Berry), « Midnight rambler » (la pièce de résistance), « Satisfaction » (obligatoire et ici dans une version un peu accélérée), « Bitch » et « Brown sugar », succulent final.
Derrière, la section rythmique de l’inaltérable Charlie Watts et du discret Bill Wyman assure une cadence métronomique inattaquable. On trouve aussi la section de cuivres composée de Bobby Keys et Jim Price et, quant au piano, on entend au loin le travail de Ian Stewart, le sixième Stones qui reste planqué quelque part dans l’ombre.
La qualité de l’image et du son font de ce DVD une acquisition obligatoire pour tout fan de rock, fan des Stones, fan des Seventies, fan de musique ou de poterie, peu importe, tout le monde doit avoir ce truc. Ce sont les Stones au plus haut de leur créativité et de leur carrière, et qui plus est dans le cadre restreint d’un club. Après, ce seront les concerts géants aux Etats-Unis, avec des centaines de caméras partout et des feux d’artifice. Ici, à Londres, les Stones jouent comme n’importe quel groupe de rock et ils démontrent qu’ils sont à l’époque le plus grand groupe du monde.
Pays: GB
Eagle Vision
Sortie: 2015/06/22