WHO (The) – Live at Shea Stadium 1982 (DVD)
En 1982, les Who sont arrivés au bout du chemin, en tout cas de leur chemin initial puisqu’ils sont toujours actifs de nos jours. Mais à l’époque, c’est le chant du cygne pour la première mouture du groupe. Les Who ont subi un coup capital avec le décès de leur batteur Keith Moon en 1978 et Pete Townshend (guitare), Roger Daltrey (chant) et John Entwistle (basse) ont néanmoins continué le combat rock. Ils recrutent un successeur à Keith Moon en la personne de Kenney Jones, un ancien des Small Faces et des Faces, autrement dit un membre de la nébuleuse mod des années 60, à laquelle les Who étaient identifiés.
Jones est un excellent batteur mais son jeu n’est pas celui de Keith Moon, inimitable. C’est ce qui gênera quelque peu Roger Daltrey qui ne manquera pas d’exprimer ses frustrations à ce sujet. Il y a donc un peu d’eau dans le gaz au sein du groupe mais celui-ci parvient néanmoins à sortir deux disques tout à fait décents en 1981 (« Face dances ») et 1982 (« It’s hard »). Ces années sont effectivement dures pour les vieux maîtres des Sixties car l’époque est en plein chamboulement du point de vue musical. Les années punk ont miné la crédibilité des groupes rock des années 70, considérés alors comme de vieux dinosaures décadents Puis la new wave et le heavy metal naissant sont venus ringardiser davantage la vieille garde, qui a laissé sur le carreau plusieurs de ses vaillants bataillons (Deep Purple, Led Zeppelin, les Faces, Humble Pie) et en a laissé d’autres en sursis.
Les Who tiennent toujours mais sont donc au bord de la séparation. Ils lancent cependant avec brio une dernière tournée mondiale pour la défense de leur album « It’s hard ». Celle-ci passera par New York et son Shea Stadium les 12 et 13 octobre 1982. Les concerts furent filmés et un témoignage visuel ressort aujourd’hui avec ce DVD en provenance du label Eagle Vision.
Ce témoignage est d’autant plus intéressant qu’il montre un concert de la fin de la période classique des Who, celle qui précède leur séparation avant leur reconstitution à la fin des années 80 pour leur 25e anniversaire. C’est aussi l’occasion d’observer le jeu de batterie de Kenney Jones. Les vidéos en concert des Who avec Keith Moon sont courantes (île de Wight en 1970, Killburn Theater en 1977) mais celles de la période Kenney Jones sont plus rares.
On retrouve donc les Who sur cette scène du Shea Stadium, qui vit jouer les Beatles 17 ans auparavant. Ce qui frappe d’entrée, c’est le look quelque peu Eighties des musiciens. Daltrey porte un costume lamé argenté, avec une permanente de petit minet de l’époque, tandis que Townshend porte un cuir informe et un improbable pantalon à rayures, avec les cheveux courts. Le cadrage du film est principalement concentré sur la scène et le groupe, et l’on voit assez peu le public, ce qui ne donne pas l’impression d’un concert dans un stade. D’énormes lettres lumineuses représentant le nom des Who surplombent la scène, au fond de laquelle on aperçoit le claviériste Tim Borman, qui place de temps en temps quelques notes discrètes.
La set list est intéressante puisqu’elle laisse une large part à des morceaux de « It’s hard » et « Face dances », des albums un peu délaissés par les Who sur scène aujourd’hui. C’est ainsi que l’on peut voir le groupe jouer « The quiet one », « Dangerous », « It’s hard », « Eminence front » ou « Cry if you want ». On peut aussi apprécier des interprétations de titres issus de l’album « Odds and sods » de 1974, qui réunissait des raretés et des morceaux uniquement sortis en singles, comme « Naked eye » ou « Long live rock ». Et bien sûr, il y a les morceaux qui constituent le sel d’un concert des Who, ceux qui ont fait leur légende : « Substitute », « I can’t explain », « Baba O’Riley », « Pinball wizard », « See me, feel me », « Won’t get fooled again ». Une phase consacrée à l’album « Quadrophenia » permet de redécouvrir les titres « I’m one », « The punk and the godfather », « Drowned » ou l’impeccable « Love reign o’er me ». C’est l’occasion de se souvenir de la grandeur de cet album « Quadrophenia », moins populaire que « Tommy » mais qui a toujours été défendu par Pete Townshend, totalement à raison, d’ailleurs.
La fin du show met en lice quelques reprises des Beatles (« I saw her standing there », « Twist and shout ») ou l’incontournable « Summertime blues » d’Eddie Cochran. Tout se fait dans le dynamisme typique des Who et l’on peut juste deviner ce dynamisme, car l’absence de plans larges ne permet que très rarement de voir le groupe dans son ensemble. Le montage très compartimenté du film montre souvent les musiciens pris individuellement, ce qui casse un peu la dynamique d’ensemble.
Nous n’avons pas cité ici « My generation » car le titre ne figure pas au programme du show. Ce scandale est vite réparé si on de dirige vers les bonus, où le titre figure. A l’origine, « My generation » se tenait au milieu de la set list du concert, comme « A man is a man », également présent dans les bonus. « 5.15 », aussi dans les bonus, était quant à lui inséré dans le dernier tiers du show.
En conclusion, ce « Live at Shea Stadium 1982 » est un témoignage captivant sur une période un peu trouble de l’histoire des Who. La qualité de l’image aurait pu être un chouia meilleure et le montage aurait gagné à souligner davantage l’énergie d’un concert des Who. Mais dans l’ensemble, cela n’enlève rien au caractère indispensable de ce DVD pour tout fan des Who.
Pays: GB
Eagle Vision
Sortie: 2015/06/29