PROCOL HARUM – Shine on brightly
Après un début de carrière remarqué grâce au single « A whiter shade of pale », le groupe anglais Procol Harum continue sa progression avec « Shine on brightly », son deuxième album paru en septembre 1968. Le disque est enregistré aux studios Olympic sous la houlette de Denny Cordell, assisté d’un tout jeune lieutenant appelé à une grande carrière de producteur, Tony Visconti. Le personnel n’a pas changé et nous avons toujours Gary Brooker (chant et piano), David Knight (basse), Matthew Fisher (orgue Hammond), Robin Trower (guitare), B.J. Wilson (percussions) et Keith Reid (paroles).
Le changement intervient plutôt dans l’orientation musicale du groupe, qui pose sur cet album les bases du rock progressif. L’été 1968 vient de voir naître ce genre, appelé à une longue et complexe existence. L’album « Music in a doll’s house » de Family est en général considéré comme le premier du genre, en juillet 1968. Suivra « In the court of the crimson king » de King Crimson en octobre 1969. Et entre les deux, ce « Shine on brightly » vient briser les structures traditionnelles du rock, composé en couplets et refrains bien nettement séparés. Ici, Gary Brooker et ses hommes composent la première suite de l’histoire du rock, avec « In held twas in I », décliné en cinq parties occupant 17 minutes en tout, soit toute la face 2 du vinyle d’époque.
Cette pièce tout en majesté et en complexité (jusque dans le titre qui, combiné avec certains mots des sous-titres des pièces, constitue un acrostiche) démarre par une phase parlée sur fond de nappes d’orgue et de sitar (« Glimpses of Nirvana »), puis oblique vers la courte chansonnette « Twas tea time at the circus », replonge dans le drame avec « In the autumn of my madness », oppose guitare puissante et orgue inquiétant sur « Look to your soul » et se termine sur un « Grande finale » qui porte bien son nom. « In held twas in I » éclipse les titres de la face 1 qui se distinguent par la chanson « Shine on brightly » (dont une version en italien sera également enregistrée par le groupe) ou le beau blues « Wish me well » dominé par le piano de Gary Brooker.
L’album « Shine on brightly » est reçu plus fraîchement que son prédécesseur en Grande-Bretagne, où il ne rejoint pas les charts. C’est aux Etats-Unis que le disque se classe 24e. L’influent magazine Rolling Stone considèrera à l’époque « Shine on brightly » comme manquant de cohérence. C’était une époque où la critique rock ne prenait pas de gants avec les albums, sans doute parce que les chefs-d’œuvre pleuvaient et que la concurrence se situait à un très haut niveau. De nos jours, n’importe quel disque crétin ou inintéressant est salué comme une merveille. Sic transit gloria mundi…
Avec le temps, bien sûr, « Shine on brightly » a gardé tout son intérêt. C’est un disque qui attirera en priorité les amateurs de rock classique, les historiens des Sixties, tous ceux qui veulent savoir d’où vient le rock symphonique et progressif et plus généralement ceux qui apprécient l’imagination ou la complexité dans la musique.
Le label Esoteric Recordings réédite « Shine on brightly » avec des bonus : la version italienne de la chanson titre (rebaptisée « Il tuo diamante »), ainsi que le single « Quite rightly so/In the wee small hours of sixpence », sorti quelques mois avant l’album. Et comme d’habitude, la remastérisation et le livret de photos sont excellents.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2501
Sortie: 2015/06/29 (réédition, original 1968)
