PROCOL HARUM – Procol Harum
A bien des égards, Procol Harum peut s’enorgueillir de certaines particularités. C’est un des rares groupes à avoir un parolier attitré dont le seul rôle est d’écrire les textes des chansons. Egalement, c’est un groupe qui a rencontré un gigantesque succès dès ses débuts… avec une chanson qui ne figure pas sur son premier album mais a été uniquement commercialisée en single.
Cette chanson, c’est bien entendu « A whiter shade of pale » avec son inaltérable motif d’orgue Hammond qui démarre le titre dans la grandeur, faisant de ce morceau un des plus grands slows de tous les temps. Aux jeunes (et même moins jeunes) lecteurs qui liront cette chronique, ils ont toutes les chances de devoir leur présence du Terre à « A whiter shade of pale » qui a dû réunir leurs parents sur des pistes de danse et susciter le grand émoi entre eux.
Mais Procol Harum, ce n’est pas que « A whiter shade of pale ». Nous allons essayer de rétablir la mémoire de ce groupe anglais qui fut un pilier des années 1960 et 70, grâce à une série de rééditions de ses premiers albums, sous l’égide du toujours indispensable label Esoteric Recordings. De 1967 à 1977, Procol Harum a réalisé une dizaine d’albums, puis s’est séparé jusqu’en 1991, année où les fondateurs Gary Brooker et Keith Reid ont reconstitué le groupe, qui est encore actif aujourd’hui.
Les choses commencent en 1964 à Southend-on-Sea, où Gary Brooker, Robin Trower, Chris Copping et B.J. Wilson s’escriment dans The Paramounts, un petit combo qui obtient un hit mineur avec une reprise du « Poison ivy » de Leiber et Stoller. Face à l’insuccès, ce groupe se sépare en 1966, devient brièvement les Pinewoods avant de signer chez EMI en 1967 et prendre le nom de Procol Harum. Ce nom n’a jamais été clairement expliqué par les musiciens du groupe. On peut y voir une citation en mauvais latin signifiant « au-delà de ces choses » ou « de ces lointaines choses » selon que l’on manie correctement le génitif.
Quoiqu’il en soit, le groupe est créé par Gary Brooker (chant et guitare), qui recrute dans un premier temps Keith Reid (poète), Ray Royer (guitare), David Knights (basse) et Matthew Fisher (orgue). C’est ce line-up qui enregistre le single « A whiter shade of pale/Lime street blues » aux studios Olympic de Londres au printemps 1967. Le siège du batteur, qui n’est pas encore attribué, est occupé par Bill Eyden, un musicien de session. Dès la sortie du single en mai 1967, c’est un raz-de-marée de numéros un qui s’abat sur toute l’Europe. Même la Pologne, communiste à l’époque, l’accueille à la deuxième place de son hit parade. Et avec une cinquième place au Billboard, Procol Harum est en bonne position pour la conquête des Etats-Unis.
Le premier album éponyme qui sort en septembre 1967 ne contient pas « A whiter shade of pale » sur son édition anglaise, dont les morceaux sont enregistrés avec Robin Trower à la guitare et B.J. Wilson à la batterie. Par contre, l’édition américaine comprend « A whiter shade of pale » en première position sur la face 1. Cet album a une valeur historique puisque c’est un des premiers disques à établir les fondements du rock progressif et surtout du rock symphonique, un style encore en soubassement parmi les titres, qui sont toujours un peu empreints de psychédélisme. Paradoxalement, « Procol Harum » ne contient pas de hit notable et ses ventes anglaises sont surtout commandées par la forte impression laissée par le single « A whiter shade of pale » quelques mois auparavant. On peut cependant apprécier de beaux morceaux comme « Conquistador » (et la guitare de Robin Trower, appelé plus tard à une prolifique carrière solo), « Cerdes (Outside the gates of) » ou « Kaleidoscope ». L’autre musicien éminent est le claviériste Matthew Fisher, qui laisse sa marque grandiloquente sur « Mabel », « A Christmas carol », « Salad days (are here again) » ou l’impressionnant « Repent Walpurgis » qui s’inspire de Jean-Sébastien Bach.
« Procol Harum » rejoint la 26e place des charts anglais lors de sa sortie en septembre 1967. Il est accompagné du single « Homburg/Good captain Clack », composé de deux titres ne figurant pas sur l’album. Ce single, comme bien sûr le premier, figure sur la réédition Esoteric Recordings. Cet album en tant que tel n’est pas le meilleur de Procol Harum mais il doit être connu au titre de l’entretien de la culture générale. Et puis cette édition est indispensable en raison de la présence de « A whiter shade of pale » qui n’est pas, comme je le disais en commençant, un des plus grands slows du monde. C’est le plus grand slow de toute l’histoire du rock.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2498
Sortie: 2015/06/29 (réédition, original 1967)
