WAYNE, Bob – Hits the hits
Depuis qu’il a signé chez le label People Like You, Bob Wayne enchaîne les albums à une allure stakhanoviste. Il nous a gratifiés en quatre ans de trois albums, à savoir « Outlaw carnie« (2011), « Till the wheels fall off« (2012) et « Back to the camper« (2014). Tous ces albums ont été présentés sur notre site, ce qui a permis de faire plus ample connaissance avec ce spadassin de la country dans ce qu’elle a de plus rugueux et de plus rock n’ roll. On sait notamment que Bob Wayne est un joli raconteur d’histoires, les paroles de ses chansons recélant toujours des portraits croquignolets de personnages invraisemblables hantant la faune des bars et autres endroits louches du sud des Etats-Unis.
Son nouvel album arrive assez rapidement et se démarque des précédents puisque c’est un album de reprises. Les albums de reprises sont en général le symptôme de plusieurs choses. Ils peuvent être le signe avant-coureur d’un manque d’idées originales de l’artiste ou la nécessité de torcher un disque vite fait afin de respecter le contrat avec la maison de disques qui demande encore un album à faire avant la fin de l’alliance. Certains artistes ont réussi leurs albums de reprises (Slayer, les Ramones, Eric Clapton, Tori Amos) et d’autres se sont plantés (Ozzy Osbourne). Pour Bob Wayne, ce « Hits the hits » est d’autant plus dangereux pour lui qu’il le prive d’un de ses atouts principaux : son talent de parolier.
Sur le papier « Hits the hits » s’avère d’autant plus alléchant que Bob Wayne s’attaque à du lourd : Led Zeppelin, les Stones, Guns & Roses, les Beatles, Red Hot Chili Peppers, Ozzy Osbourne. On trouve aussi des choix curieux, comme Adèle, Bob Marley, Imagine Dragons, ou – plus inquiétant – Meghan Trainor et Rihanna. Qu’un hors-la-loi graisseux se laisse aller à une reprise de Rihanna pourrait bien faire penser à de lourdes concessions au système, voire l’espoir secret de récolter quelques pépettes sonnantes et trébuchantes pour se racheter un nouveau van de tournée ou refaire la plomberie de sa salle de bains.
Et bien sûr, Bob Wayne reprend tout cela selon son style, c’est-à-dire country. Je ne vous cacherai pas ma surprise – un peu déçue, j’admets – après la première écoute de cette sélection un peu hétéroclite. Quand on voit que « Rock and roll » de Led Zeppelin est placé en début de disque, on calfeutre bien la pièce et on évacue tous les objets tranchants on contondants qui peuvent blesser, on programme le numéro des urgences sur son portable, au cas où, et on appuie sur le bouton de démarrage de la chaîne. Et là, tralala, du gentil, du mignon, du bucolique, de la country, quoi. Et le traitement aimable et poli vaut aussi pour « Sympathy for the devil », « Crazy train », « Come together » ou « Sweet child o’ mine ». Si cette formule country fait office de douche froide pour les morceaux bien rock, elle passe mieux sur les titres plus commerciaux ou pop (« Skyfall » d’Adèle), voire complètement nases comme « Radioactive » d’Imagine Dragons ou « Disturbia » de Rihanna. Pour ce genre de morceau, on peut même dire que Bob Wayne transforme la merde en or.
Il y a d’autres petites bizarreries comme « The kids aren’t alright » des désormais oubliés Offspring ou une ânerie finie comme « All about that bass » de Meghan Trainor. Ici, Bob Wayne permet aussi d’écouter des chansons dont la version originale est parfaitement insupportable pour tout rocker normalement constitué.
Il y a donc à boire et à manger sur cet album qui semble de prime abord choisir la voie de la facilité avec des reprises de gros hits (dont les plus récents sont résolument du domaine de la pop commerciale la plus vile). Bob Wayne surprend dans le domaine du rock pur mais il se révèle pertinent sur la pop pour gros public. Il est recommandé de jeter une oreille sur les versions originales d’abord pour apprécier finalement la lecture qu’en fait Bob Wayne.
Pays: US
People Like You
Sortie: 2015/05/04