WILSON, Cassandra – Coming forth by day
A la veille de la soixantaine, Cassandra Wilson semble afficher vingt ans de moins. Sous son impressionnante chevelure léonine, cette magnifique afro-américaine semble avoir été épargnée par les années. Et pourtant sa vie a été jusqu’à présent bien remplie.
Née à Jackson dans le Mississippi en décembre 1955, Cassandra Wilson est la fille d’Herman Fowlkes Jr, un musicien de jazz qui accompagna de nombreuses pointures du jazz et du blues, dont Sonny Boy Williamson II, Gatemouth Brown, Sam Cooke ou Jerry McCain. Avec une mère fan de soul music, Cassandra Wilson (qui tire son nom de famille de son court mariage avec Anthony Wilson au début des années 80) bénéficie du terreau musical et intellectuel idéal pour en faire une chanteuse de jazz, blues et soul. Elle prospère d’autant plus dans ce métier qu’elle est dotée d’une voix extraordinaire, au timbre grave caractéristique.
Ayant démarré sa carrière dans une chaîne de télévision locale de la Nouvelle-Orléans, elle est encouragée à se tourner vers le chant professionnel par des musiciens, tels que le pianiste Ellis Marsalis ou le clarinettiste Alvin Batiste. Montée à New York, elle débute avec le collectif M-Base, un groupe qui pratique le funk et le jazz sur une base improvisée. De nombreux artistes de ce groupement se retrouvent signés sur le label munichois JMT, ce qui permet à Cassandra Wilson de démarrer une carrière solo à partir de 1986.
Cette carrière sera jalonnée d’une vingtaine d’albums, dont les importants « Blue skies » (1988) et « Blue light ‘til dawn » (1993), le premier la signalant auprès de la critique et le second lui ouvrant les voies d’un important succès sur la scène jazz et blues. C’est d’ailleurs en 1993 que Cassandra Wilson passe chez le label Blue Note, le label jazz par excellence. A partir de là, les honneurs se succèdent : meilleure chanteuse jazz de 1994 à 1996 pour le magazine Down Beat, deux Grammy Awards en 1996 et 2009 pour la catégorie meilleure performance vocale jazz, prix Miles Davis au festival international de jazz de Montréal en 1999. Et surtout, elle a été ajoutée en 2010 au Mississippi Blues Trail, l’équivalent blues du Rock ‘n’ Roll Hall Of Fame, où elle est la plus jeune artiste jamais intégrée dans ce prestigieux parcours du souvenir blues qui jalonne tout le Mississippi.
La voici aujourd’hui avec son 19e album solo, un « Coming Forth by day » tout en suavité et en tendresse. La voix vibrante et grave de Cassandra Wilson glisse langoureusement sur des compositions douces et sensuelles. Tous ces titres sont des reprises de standards de la chanson jazz et blues, interprétés à l’époque par la légendaire Billie Holiday (1915-1959). Se succèdent ainsi « Don’t explain », « Billie’s blues », « Crazy he calls me », « You go to my head », « The way you look tonight », « All of me » (une chanson de 1931 interprétée à l’origine par Ruth Etting), « Good morning heartache », « What a little moonlight can do », « These foolish things », « Strange fruit », « I’ll be seeing you ». Seule la dernière chanson « Last song (for Lester) » est une composition originale de Cassandra Wilson (et également un morceau bouleversant de beauté). Cette chanson évoque Lester Young, qui fut l’ami proche de Billie Holiday et qui décédera quatre mois avant elle, en mars 1959. Tous ces gens ont disparu assez jeunes, victimes d’un ennemi commun : la bouteille de whisky.
Cet hommage à Billie Holiday est une petite perle pour les amateurs de jazz cool et de blues aérien. Le disque de Cassandra Wilson nous rappelle au bon souvenir de cette immense artiste que fut Billie Holiday, dont on vient de fêter le centenaire de la naissance. Un bien bel hommage qui arrive à point nommé puisqu’il est sorti le 7 avril 2015, cent ans jour pour jour après la naissance de Billie Holiday. Mais on n’a pas besoin non plus du prétexte de la commémoration pour profiter de « Coming forth by day », qui est en lui-même un très beau disque.
Pays: US
Sony Music
Sortie: 2015/04/07