LE SEUL ELEMENT – Meradiam
Pour lancer quelques indices avant la présentation de l’album « Meradiam » par Le Seul Element, on dira que les amateurs de valse viennoise, les nostalgiques de Sylvie Vartan, les fans de country west coast, les abonnés à Rock & Folk, les guitaristes punk, les auditeurs de métal symphonique ou les propriétaires de night-clubs disco peuvent acheter un aller simple pour l’Uruguay ou la Papouasie-Nouvelle Guinée afin d’aller y compter les troupeaux d’okapis car il est manifeste que cet album ne les concerne absolument pas.
Le Seul Elément est la couverture d’un musicien français qui a décidé de garder l’anonymat et ne révélera son nom que sous la torture ou l’écoute forcée des albums de Rika Zaraï. On ne sait donc pas qui manipule les pianos acoustiques et numériques, les synthétiseurs, les batteries électroniques et les pédales d’effets fuzz, reverb ou tremolo qui constituent l’architecture de cet album que l’on pourrait qualifier de drone ambient ou de post rock lunaire, pour simplifier.
Car, il faut bien admettre, la philosophie musicale et le mode opératoire qui se cachent derrière ce surprenant projet sont redoutablement complexes. L’individu (on ne sait même pas si c’est une fille ou un garçon) qui anime ce projet a créé ici un univers alliant à la fois une approche cosmique, tellurique, neurasthénique et ondulatoire qui propage en une vaste onde des nappes de sonorités aériennes et funéraires qui reproduisent admirablement ce qui pourrait être une représentation concrète de la tristesse.
Un romantisme glacé parcourt « Jancee », un des titres les plus marquants de l’album, cependant concurrencé par « Heol » qui érige des murs de désespoir électronique tout autour des âmes afin de les coincer dans une impasse infranchissable. Lourdeur et lenteur oppressent les esprits, avilissent le moral et épuisent les ressources vitales. Dans le même genre, le piano solitaire fuyant sous le souffle mort des appareillages électroniques de « Meradiam » arrive à point nommé pour faire sombrer l’auditeur dans une profonde dépression. De quoi faire passer Joy Division pour un groupe de samba et Klaus Schulze pour un animateur de foire aux vins.
Plus on avance, plus la noirceur s’intensifie, le drame caché se manifeste. Les plaintes caverneuses de « Tehee » le révèlent : le démon du souterrain est sorti et réclame vengeance. Il ne sera calmé que par les violons sanglotant de « Dëm », prélude au quart d’heure drone de « Essist », un final qui passe par diverses phases, toujours d’un calme inquiétant.
Le Seul Elément, qui qu’il soit et d’où qu’il vienne, signe ici une œuvre envahissante, totale, impossible à prendre à la légère. L’écoute de ce disque n’est pas une expérience anodine, elle réclame une bonne dose de concentration, de confiance en la solidité de ses nerfs et d’ouverture vers des espaces musicaux encore peu explorés.
Pays: FR
Consouling Sounds
Sortie: 2015/02/20