STEARICA – Fertile
On ne sait pas si Stearica tire son nom de l’acide stéarique (un acide gras saturé entrant dans la composition du savon et des bougies) mais le traitement énergique que ce groupe donne à sa musique ne va pas permettre de faire beaucoup de graisse.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce groupe italien est assez peu prolixe (deux albums en sept ans) mais quand il s’y met, on voit le résultat. Francesco Carlucci (guitare, synthétiseurs, électronique), Davide Compagnoni (batterie, percussions) et Luca Paiardi (basse) forment Stearica à Turin et sortent un premier album éponyme en 2008. Entre cette époque et maintenant, le groupe forge sa réputation grâce à la solidité de ses shows et sa dextérité instrumentale. On le retrouve en tournée avec des formations comme Girls Against Boys, NoMeansNo, Dälek, Tarentel, Damo Suzuki ou Coliseum. Il se produit également sur scène avec le mythique groupe japonais Acid Mothers Temple, avec qui il réalise un album.
Et quand on a joué avec Acid Mothers Temple, c’est le signe qu’on est une sommité de l’underground. La réputation de Stearica est également confortée par la bande-son qu’ils ont écrite spécialement pour « Le golem », grand film muet de 1920 et pionnier du film de monstre. La presse reconnaît également les qualités imaginatives et techniques du groupe, qui est encensé dans le journal italien Il Mucchio et qui figure sur deux compilations du journal avant-gardiste anglais The Wire.
Pour ce deuxième album « Fertile », les gens de Stearica ont travaillé avec du beau monde, à savoir Scott McCloud (Girls against Boys), Colin Stetson (Tom Waits, Arcade Fire, Bon Iver) et Ryan Patterson (Coliseum), qui vient placer quelques vocaux sur « Nur », seul titre non entièrement instrumental de l’album. L’idée de base de « Fertile » repose sur une inspiration née des événements des printemps arabes de 2011 ainsi que des manifestations d’indignés à Barcelone. C’est sur ce terreau révolutionnaire que Stearica fonde un album puissant, véloce, porté par une rythmique d’airain et de prodigieuses lacérations de guitare. On pourrait classer cela dans un postcore/math rock heavy progressif, un truc qui vous jette dans la turbine, vous met la tête au carré et vous propulse vers les étoiles.
Sans un mot, les types parviennent à évoquer leur source d’inspiration et à faire suinter ces fameux printemps arabes et le vent de révolte qui a un moment soufflé autour de ces événements. La succession des neufs morceaux se termine sur le princier « Shāh māt », lente montée en puissance de onze minutes qui résume à elle seule tous les aspects dramatiques qui jalonnent cet album « Fertile », véritable course-poursuite sonore qui tient l’auditeur en haleine du début à la fin.
On ne sait pas si l’album suivant de Stearica aura pour thème les régimes ultrareligieux et djihadistes qui se sont emparés de la plupart des pays ayant espéré s’en sortir par les printemps arabes mais pour l’instant, on profitera avec bonheur de cet excellent « Fertile », qui n’a jamais aussi bien porté son nom.
Pays: IT
Monotreme Records
Sortie: 2015/04/13