PRETTIEST EYES – Looks
Le trio Prettiest Eyes est un de ces nombreux petits combos punk psychédéliques qui sont en train de faire de gros remous sur la scène rock de Los Angeles, à la suite du désormais légendaire Ty Segall et aux côtés d’énervés comme les Meatbodies, Wand, White Fence, Mikal Cronin ou Thee Oh Sees.
Prettiest Eyes ne se situe pas tout à fait dans cette chapelle mais son style bondissant et excité, déjà matérialisé sur deux EP et ce premier album long format, est une grande dose d’air frais qui réveille les cerveaux embrumés, refile quelques salutaires gifles et emmène les esprits dans un grand huit cosmique et psycho-électrique.
Pachy (batterie et chant), Marco (basse et chœurs) et Paco (claviers et chœurs) se sont formés à San José avant d’aller tenter leur chance à Los Angeles. A force de récurer les planches de clubs locaux avec les dents, ils se fabriquent une petite réputation et sortent en novembre 2013 et janvier 2014 les EP « Prettiest Eyes » et « Peep ». Balançant des riffs électroniques sur fond de rythmique garage épileptique, Prettiest Eyes vient trouver sa place dans le sillon du revival garage punk, avec ce petit côté Cramps rencontrant Ty Segall avec la complicité du Gun Club et la bénédiction cachée de Nina Hagen.
On retrouve cette marque sur l’album « Looks », qui affiche aussi une plus nette tendance pour le psychédélisme déviant alimenté à l’orgue Farfisa et à la guitare Vox Phantom. Preuve de leur allégeance aux Sixties, Prettiest Eyes a le bon goût et l’excellente idée de faire une reprise du « LSD » des Pretty Things, un exemple précurseur de punk rock dès 1966. Rien que pour ce fait d’armes, Prettiest Eyes (nom inspiré des Pretty Things?) mérite toute notre considération mais il va plus loin.
« Out of control » démarre l’album à coups de tatanes en pleine face, un assaut à peine calmé par le rugueux « Get away », complètement haineux, bravache et impertinent. « The eye » met les deux doigts dans la prise et « El Huelebicho » change des hurlements en anglais puisque les paroles sont en espagnol (et il réactive au passage le souvenir des groupes garage et beat sud-américains des Sixties, comme Los Gatos, Los Ovnis ou Os Mutantes). « Into oblivion » et « Not OK » convoquent des ambiances glauques à la P.I.L. ou à la Wire, réveillant de vieux démons post-punk eighties. « Alright I’m ready to go » est tout aussi malsain et hypnotique, comme des Ramones contaminés par des bactéries intergalactiques. Quant à « Sorry », il termine la bagarre sur près de six minutes d’envoutement électro-vaudou stoogien. L’album, en fait commencé sous des auspices garage punk, évolue irrémédiablement vers un post-punk menaçant, comme un résumé de vingt ans de musique compressé en à peine plus de 25 minutes.
Tout cela secoue bien, possède une certaine puissance évocatrice et donne envie de brûler des albums de Beyoncé. Rien que des sentiments sains…
Pays: US
Aagoo Records
Sortie: 2015/03/09