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SHANNON, Joy & THE BEAUTY MARKS – Mo anam cara

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La jeune femme que l’on aperçoit sur la pochette de l’album « Mo anam cara » ne porte pas une roue de vélo sur la poitrine. Elle porte la roue solaire à huit branches, symbole du calendrier païen celtique. On comprend tout de suite que, vu son nom et ses centres d’intérêt, Joy Shannon est irlandaise et que sa musique n’a rien à voir avec les âneries de U2 ou les mièvreries des Cranberries.

Joy Shannon est entrée dans la carrière musicale il y a une quinzaine d’années, d’abord en tant que membre d’un groupe gothique d’avant-garde appelé The Deatblossoms, puis en solo à partir de 2002, année qui marque ses expériences avec la harpe celtique. En 2005, elle incorpore The Beauty Marks à son parcours, comme groupe accompagnateur. C’est avec cette formation qu’elle réalise les albums « As in the wilderness » (2008), « The opium wars or love in lieu of laudanum » (2009), « The black Madonna » (2010), « Out of my dreams and into my arms » (2011) et « The oracle » (2013).

Jusqu’à présent, le style sombre et torturé de Joy Shannon explorait occasionnellement les arcanes du paganisme celtique et de la mythologie nordique. Mais avec son nouvel album « Mo anam cara », elle plonge en profondeur dans le concept, son disque étant un véritable traité d’ésotérisme préchrétien, avant que Saint Patrick ne vienne évangéliser l’Irlande. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que « Mo anam cara » (le guide spirituel, en gaélique) sort le 20 mars, le jour même de l’équinoxe de printemps, où les anciens Celtes vénéraient la déesse Eostre.

Les dix chansons qui jalonnent l’album portent toutes des titres faisant référence aux fêtes du calendrier païen et citent également des déesses associées à ces fêtes. C’est ainsi que l’on fait tout le tour de l’année avec « The winds of Hel » (la déesse des morts), « Samhain » (fête religieuse marquant le début de la saison sombre, le 31 octobre, autrement dit l’ancêtre de la Toussaint), « Midwinter ghost » (une période correspondant à notre Noël chrétien), « Imbolc invocation to Brighid » (une fête qui avait lieu début février, époque de la chandeleur), « Ostara Blodeuwedd » (référence à la déesse Eostre, symbole du printemps et qui donnera en anglais le mot Easter, Pâques), « The fires of Beltaine » (la troisième des quatre grandes fêtes celtiques, le 30 avril, soit la nuit de la Walpurgis pour les Germains, et accessoirement l’opposé d’Halloween, qui n’a pas d’équivalent dans le calendrier chrétien), « Midsummer witch hunt » (référence au solstice d’été du 21 juin), « Lughnasadh Maeve (the one who intoxicates) » (fête de l’Assemblée du dieu Lug, associée avec Maeve, fille du roi suprême Eochaid, représentant la souveraineté), « Finduilas » (une elfe du Premier Age, tirée de l’œuvre de Tolkien) et « Mabon airmid » (l’équinoxe d’automne, fêtée le 21 septembre).

On le voit, la correspondance entre les fêtes et dieux païens colle de près aux fêtes du christianisme. La Toussaint, Noël, Pâques ou la Saint-Jean ont des équivalences païennes et se sont substituées à ces fêtes par les efforts des évangélistes et du clergé. Joy Shannon laisse aussi une large place dans ses chansons à la sorcellerie, qui fut impitoyablement éradiquée par l’Eglise catholique à coups d’inquisition, de torture et de bûcher. C’est le thème de « Midsummer witch hunt », dont la vidéo tournée par le réalisateur Matt Kollar, spécialiste du film d’horreur, fait surgir l’effroi et suscite l’empathie envers celles qui furent déclarées sorcières mais qui, du fait de leur science de la médecine naturelle, étaient un obstacle à l’ordre ecclésiastique qui voyait en elles des suppôts de Satan.

L’aspect dramatique de tous ces propos est très bien mis en musique par Joy Shannon, qui égrène ici des chansons lentes et graciles, bercées de violons et de harpes, et qui suintent une irrépressible mélancolie. L’ambiance est plombée par la tristesse et la douleur, et tout cela est d’une fascinante beauté. Gothique et anémique, la musique de Joy Shannon s’entortille dans les âmes pour mieux les entraîner vers la terre, à moins que ce ne soit vers le ciel. Le paganisme en effet, se pose en lien entre les dieux du ciel et la fertilité de la terre.

Il paraît que ces croyances reviennent à la mode, avec des mouvements néo-païens qui fleurissent dans le nord de l’Europe ou en Russie. Ceux qui s’y adonnent doivent adorer de nombreux dieux puisqu’ils reviennent au polythéisme. Personnellement, je préfère en avoir un seul, c’est plus simple. Et déjà qu’il y a pas mal de bisbilles en ce moment entre chrétiens, juifs et musulmans, si les polythéistes doivent se mettre de la partie, on ne va plus y comprendre grand-chose. Mais pour ce qui est de Joy Shannon, que vous adhériez ou non à ses croyances, sa belle musique en elle-même suffit à charmer.

Pays: IE
Triple Goddess Records
Sortie: 2015/03/20

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