XR – XR
Les lecteurs assidus de Music In Belgium connaissent Xavier Rossey pour ses chroniques de disques. Pourtant, notre cher collègue s’était fait plus discret ces temps-ci dans ses contributions à notre site. Il avait une excuse, ayant réservé sa plume non plus pour parler des disques des autres mais pour composer le sien propre. Hé oui, nous sommes heureux de disserter ici de cet album, qui sort début mars sous l’appellation XR.
Écrire la critique d’un disque de quelqu’un qui est lui-même critique rock à ses heures, et qui plus est dans le même webzine, n’est pas forcément la chose la plus facile. Quand on descend en flammes un album d’un groupe californien, on peut toujours se rassurer en se disant que les types ne feront pas le voyage exprès pour venir vous péter la gueule à coups de barre à mine, histoire de manifester sobrement et poliment leur mécontentement. Mais quelqu’un qui peut vous retrouver au siège de la rédaction, c’est autre chose.
Mais que Xavier se rassure, il n’y aura rien à massacrer dans cet album. On va même commander quelques rameaux de lauriers chez le fleuriste car il faut bien reconnaître que notre camarade se sort très bien du difficile exercice constitué par le premier album. Dans un premier album, on a envie de tout mettre, des influences glanées de l’école maternelle jusqu’à la semaine précédant la sortie de l’album. D’où les risques de surcharge et d’incohérence. Ici, point de tout cela avec un style cohérent et maîtrisé, au service d’une vision musicale réfléchie.
Xavier Rossey couche sur la partition une douzaine de chansons alliant francophonie et rock. On est rapidement entraîné dans un univers triste et mélancolique, où l’auteur semble se débattre dans d’implacables chagrins, qu’ils soient amoureux ou simplement philosophiques. Et c’est vrai que l’ami Xavier n’a pas vraiment le cœur à la grosse rigolade et au tapage de cuisses sur cet album. Même les photos du musicien montrent un visage fermé, un regard noir et des attitudes égarées.
Mais cette tristesse, il arrive à la sortir du fond de son être, tant et si bien qu’il parvient à une écriture poignante et à des phrases profondes et touchantes. « Anesthésié », « Quand tu mens », « Compter les heures » et « Si tu pars » constituent une première partie d’album consacrée à la blessure des cœurs, le chagrin à la vue du lit vide. La colère rock traîne toujours un peu à l’état latent avant de se déclencher sur « La lumière noire » et prendre des allures froides sur « L’idole », au texte excellent, entre Orwell et Aldous Huxley, dressant le portrait d’une société futuriste effrayante. La question est juste la distance temporelle qui sépare notre société contemporaine de ce futur…
Nous retournons alors vers des perspectives plus personnelles, où XR revient vers ses interrogations sur le sens de l’existence (« Dernière danse », « Go ») ou sur la difficulté d’être heureux (« Tiroirs », « Simplement vivre »). Petite touche finale de bonne humeur cependant, une reprise du « Mirza » de Nino Ferrer, dans une version très respectueuse de l’originale, vient faire débouler ce célèbre petit clebs têtu et casse-pieds à la conclusion de cet album, histoire de montrer que tout n’est pas gris et que l’humour n’a pas perdu tous ses droits.
La production et le mixage signé Pascal Zander mettent particulièrement en valeur la musique de Xavier Rossey, qui s’est aussi entouré d’invités comme Hugo Ribeiro (batterie), Ulf Gjerdingen (basse), Renaut van Oyen (guitare rythmique), Julien Spreutels (piano), Zuzana Jirglova (violoncelle), Guillaume Montulet (orgue) et Valeriu Tabacu (trompette). Grâce à tout ce petit monde, le premier album de XR n’est pas seulement la réussite d’un seul homme, c’est le succès d’un travail d’équipe.
Pays: BE
Autoproduction
Sortie: 2015/03/01