DUCS (Les) – Les Ducs
La France est depuis longtemps une république, ayant rangé ses nobliaux et autres gentilshommes terriens au rang d’aimable attraction pour touristes ou de guides de châteaux décrépis et hypothéqués. Mais certains hobereaux continuent à relever fièrement le gosier et à proférer des mots d’esprit à l’usage des amateurs de fine plaisanterie et de subversion intellectuelle classieuse. On ne sait pas en fait si les Ducs en sont de vrais mais une chose est sûre : ce quatuor du Poitou, actif depuis 2007, est une belle bande d’aristocrates de la chanson rock.
Chatouillant la langue de La Bruyère pour en tirer de fins gloussements à la fois touchants et doux-amers, les Ducs sillonnent depuis quelques années le pays de Descartes et montent des concerts où le spectacle visuel théâtral et festif le dispute âprement à une musique virevoltant entre rock et chanson. Ainsi, Damien Abolivier (batterie, percussions et chœurs), Jean-Philippe (basse, guitare et chœurs), Romain « Cz » (guitare, basse et chœurs) et 2n2o (chant, guitare, percussions et chœurs) ont sillonné les principales mégalopoles françaises (Pont-sur-Yonne, Senonches, Longué-Jumelles, Montsauche-les-Settons, Le Ménil-Bérard, Flayat ou Brain-sur-l’Authion) afin égayer le cultivateur fourbu ou le prof de maths en mutation disciplinaire avec leur vision foutraque et épicurienne des choses de l’existence.
Après un premier album « Anita » (2007), suivi d’un deuxième album « 62 » (2010), les Ducs font toujours plus audacieux et font précéder leur quatrième album qui n’existe pas encore d’un troisième album sobrement intitulé « Les Ducs ». Présenté comme de la chanson rock théâtralisée, cet album fournit son lot de petites surprises et titille les neurones pour réveiller en nous les aspects les plus rusés et drôles de notre système cérébro-spinal.
Il faut impérativement lire les paroles des chansons qui sillonnent ce disque plein de verve et d’humour. Les Ducs y pratiquent la langue des oiseaux, manipulant jeux de mots habiles ou syntaxe alambiquée, toujours au service de la dérision et de la rigolade. Un exemple? « Ces pesantes cités fagots / Phagocytées par tant d’faux gars / A qui faire gaffe est une loi / Entre êtres humains et traîtres humains / Verser la chaude sauce tomate urge / Mais ici nul thaumaturge / Ni maître-queue divin » enjolive « La ballade du vieux con », un titre sans rapports avec les textes qu’il profère.
Et toutes les chansons de cet album sont dans cette optique décalée et poétique, aussi subversive qu’humoristique (« Courir sur des terres minées, c’est courir d’arrache-pied », dans « Déterminé »). On se bidonnera donc au contact des textes qui illustrent « L’ homme moyen », « Cent jours cent nuits », « La complainte d’une plainte » ou « La ponte ». Les Ducs renouent ici avec la tradition de ces chansons faisant de l’absurdité un genre littéraire, comme avaient pu le faire leurs prédécesseurs Boris Vian ou Bobby Lapointe.
Elle est loin, cette tradition d’insouciance et d’impertinence qui jalonnait le chant français, écrasée par le crétinisme affairiste des Obispo, Bruel ou Pagny. Les Ducs éduquent et restaurent ici le flambeau de la belle langue, rejoignant les rangs des quelques francs-tireurs récents qui commencent à réoccuper tout doucement les étagères les plus raffinées de l’armoire de la chanson rock française (comme Thomas Et Son Groupe Electrogène, Baptiste Pizon ou Jack Dupon).
Et bien entendu, pour défendre jusqu’au bout leurs valeurs de dérision et d’anticonformisme, les Ducs, après avoir porté haut les couleurs de la langue française, achèvent leur album avec une chanson en russe. On n’en attendait pas moins d’eux.
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2014/05/13