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EXPERIMENTAL TROPIC BLUES BAND (The) – The Belgians

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Ne vous méprenez pas : lorsque vous verrez ce disque envahir les rayonnages de la FNAC, du Delhaize, du Colruyt ou de l’épicier pakistanais du coin (on peut toujours rêver, ce n’est pas encore interdit), ne croyez pas qu’il est un album d’un groupe qui s’appellerait The Belgians. Bien qu’affiché en évidence sur la pochette, The Belgians cache en fait les délirants et délicieux Experimental Tropic Blues Band, combo garage punk belge qu’il faut absolument connaître.

Après un « Liquid love«  crasseux et génial produit par le grand, le légendaire Jon Spencer, le groupe liégeois animé par les toujours fringants et foldingues Boogie Snake (guitare), Devil d’Inferno (batterie) et Dirty Coq (chant et guitare) se fend d’un quatrième album entièrement consacré à un sujet qui va intéresser beaucoup de personnes dans ce pays : la Belgique.

Sujet cocasse ou sulfureux selon qu’on se penche du côté du surréalisme cher à nos concitoyens ou que l’on ose affronter les dysfonctionnements des administrations nationales, fédérales, régionales, locales ou communautaires qui nous gèrent ou tentent de nous gérer, la belgitude ne pouvait trouver plus grand terrain d’expression que dans les mains d’un groupe de garage punk naturellement tourné vers la dérision et le non-sens. Ce n’est pas Stromae qui oserait sortir un tel brulot et mettre en danger sa gloire ronflante. Il faut donc s’en remettre, au nom de la liberté de penser et de dire des conneries, à ces délicieux fléaux que sont les punks.

Et en la matière, les gens de l’Experimental Tropic Blues Band n’ont de leçons à recevoir de personne. Leur nouvel album est une petite merveille de cohérence intellectuelle et irrévérencieuse rendant hommage à notre chère patrie tout en lui tirant les vers du nez pour exposer au grand jour ses motifs de fierté et de turpitude. Pour se rendre compte de l’aspect grandiose du produit qu’ils nous proposent cette année, il faut d’abord passer par la pochette. Immense, la pochette. Dans un graphisme typique de la propagande maoïste, elle représente nos trois lascars de l’Experimental saluant avec gravité tout ce qui fait la renommée de la Belgique : la bière, les frites, le Manneken Pis, les moules, l’Atomium, que l’on retrouve à l’intérieur de la jaquette à l’état de ruine pourrissante au bord d’une mer, à la façon de la scène finale du film « La planète des singes » (celui de 1967, pas le remake idiot de Tim Burton), où c’était la statue de la liberté qui s’y collait.

Aiguillonné par cette esthétique décapante, l’auditeur curieux se jette dans la musique de l’album. Et il se retrouve percuté, jeté, propulsé dans un flipper maudit jalonné de titres aux titres succulents, comme « Brabançonne part 1 », « Belgian state of frustration », « Weird », « Disobey », « Brabançonne part 2 », « Belgian hero » ou « Belgians don’t cry ». Chaque titre évoque, sur des relents garage punk rageurs et hurleurs, des aspects bien particuliers de la Belgique. Nous savons tous que nous évoluons dans le bizarre (« Weird ») et que nous sommes de fortes têtes (« Disobey »). Nous sommes également concernés par les frasques de l’ex-roi Albert II (« She could be my daughter ») ou démoralisés devant la noirceur de nos rues (« My street »). Et ce qui fait finalement l’âme de ce pays, n’est-ce pas cet amour commun du décalage, cette convergence admise vers un désordre sympathique qui permet justement de se distancier par rapport aux divisions potentielles qui, malgré les crises, cèdent toujours le pas à un vivre ensemble justifié par l’idée très sage que ce qui nous rapproche est plus important que ce qui nous sépare? Et comme le dirait un chanteur bien connu dans nos contrées : putain, putain, c’est vachement bien, on est quand même tous des Européens.

Continuons donc de faire la fête entre nous, d’oublier nos contradictions dans le rock ‘n’ roll et de vouer un culte à un groupe qui mérite notre vénération interculturelle : les fabuleux Experimental Tropic Blues Band.

Pays: BE
Jaune Orange
Sortie: 2014/10/24

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