DEVIANTS – Dr. Crow
Dernier album des Deviants, « Dr. Crow » voit Mick Farren et son groupe s’embarquer pour un dernier tour de piste en studio. Le vaillant combo proto-punk a toujours servi d’exutoire à la créativité musicale et littéraire de Mick Farren, freak ultime, rebelle éternel et figure truculente du rock underground anglais. En 2002, ils ne le savent peut-être pas encore, les Deviants enregistrent leur album final, sans aucune succession par la suite.
Ce « Dr. Crow », à la différence des dernières œuvres du groupe, est un album studio enregistré dans une unité de temps et de lieu. Les précédents « Barbarian princes« (un live au Japon datant de 1999) et « The Deviants have left the planet« (un assemblage de titres studio et de prestations live en provenance de diverses époques, également sorti en 1999) ne bénéficiaient pas de cet avantage et paraissaient un peu diffus dans leur inspiration.
Avec cet album, le cru 2002 des Deviants offre un dernier baroud d’honneur dans le registre underground picorant dans les aspects punk, psychédélique extatique ou folk traditionnel gouailleur laissant libre cours à l’imagination débridée de Mick Farren. Pour ce faire, Farren rassemble sa troupe au studio CyberMusic de Los Angeles. Celle-ci est composée du fidèle Andy Colquhoun, habile six-cordistes accompagnant Mick Farren depuis des années et lui servant de compositeur éclairé, Doug Lunn (basse) et Ric Parnell (batterie), une section rythmique que l’on retrouvait aussi sur les albums précédents. Quelques invités passent dans le coin, comme le batteur Phil Taylor, l’ex-Motörhead qui avait déjà sévi sur « The Deviants have left the planet », ou Jack Lancaster au saxophone et des choristes (Johnette Napolitano, Carole Philips, Wendy Philips, Blare N. Bitch).
Du point de vue des chansons, on est dans la folie douce qui caractérise les Deviants. Le groupe reprend une version cosmique et rugueuse du « Strawberry fields forever » des Beatles, se perd dans des élucubrations gothiques avec « Bela Lugosi 2002 » (hommage au grand acteur ayant incarné Dracula dans les années 30 et ayant fini dans les nanars atomiques d’Ed Wood dans les années 50), revisite des airs traditionnels dans des duos improbables (« You gonna need somebody on your bond ») ou s’amuse dans des compositions inférieures à une minute (« Sold to Babylon »). Avec une reprise de « The man who shot Liberty Valance » et une autre du What do you want » de Les Vandyke (popularisé par Adam Faith en 1959), Mick Farren et ses sbires terminent leur album avec ce goût prononcé pour la déstabilisation de l’auditeur, marque de fabrique des Deviants.
On est ici dans un album assez porté sur la divagation et le tempo lent. Trop lent pour être punk, trop intello pour être hard rock, trop barré pour être pris au sérieux, « Dr. Crow » n’en révèle pas moins le talent pointu d’Andy Colquhoun à la guitare et le monde fantasque et savamment dérisoire de Mick Farren. Les amateurs fidèles des Deviants y retrouveront l’esprit farfelu et avant-gardiste de ce groupe mythique. Quelques années plus tard, Mick Farren a remonté ses Deviants pour repartir à l’assaut du bon goût, mais la Faucheuse a estimé que toute cette fine plaisanterie avait assez duré en rappelant en 2013 Mick Farren dans l’autre monde. Ce « Dr. Crow » est donc le dernier témoignage officiel de la carrière très peu conventionnelle des Deviants. A respecter.
Pays: GB
Gonzo Multimedia
Sortie: 2013/11/25 (réédition, original 2002)